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CHAPITRE I : LA CONSTITUTION DES SYSTEMES DE CULTURE MARAICHERS DANS

4. Comparaison aux modes de conduite chez les autres agriculteurs enquêtés

4.3. Les différences dans la conduite technique de la tomate

4.3.7. La protection phytosanitaire

Nous avons pu mettre en évidence deux stratégies de traitements :

- L’une vise à minimiser le risque parasitaire. Dans ce cas, le plus fréquemment rencontré, les agriculteurs prévoient de traiter pendant tout le cycle cultural. Pendant la période des récoltes, ils traitent juste après une récolte en utilisant un insecticide à délai avant récolte de trois jours (Décis© ou Karaté©) pour lutter contre les insectes (« biby ») et avoir de « beaux fruits ».

- L’autre stratégie vise aussi à réduire le risque parasitaire mais tout en minimisant le coût des traitements phytosanitaires. Dans ce cas, ces agriculteurs acceptent de perdre un peu de production. Ils ne traitent pas pendant la récolte, et justifient ce choix par la cherté des produits et l’action très limitée des traitements tardifs sur la production, mais aussi par un souci de santé publique (cas de Adb, Ybo). Ils considèrent que les derniers bouquets qui portent de petits fruits noués au moment de la première récolte ne grossiront pas ou alors très peu.

R La fréquence des traitements

Le tableau II-13 indique la fréquence et le nombre de traitements réalisés sur les parcelles suivies. On constate que le nombre de traitements réalisés est souvent inférieur aux prévisions avec un intervalle moyen entre deux traitements variant de 4 à 18 jours en 2003 et de 4 à 14 jours en 2005. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet écart :

- les fréquentes ruptures de stocks chez les fournisseurs locaux d’intrants agricoles, causant quelquefois des retards dans les dates de traitement, voire l’annulation du traitement initialement prévu par manque de produits ;

- le coût relativement élevé des produits conduisant certains producteurs à en économiser en diminuant les doses et la fréquence des traitements ;

- le manque de matériel de traitement. Certains agriculteurs possèdent un pulvérisateur en propre, d’autres s’en partagent un à plusieurs. Ceux qui n’en ont pas l’empruntent à un autre agriculteur ; ainsi, par manque de pulvérisateur, certains traitements ne peuvent pas être effectués à la date initialement prévue.

Le nombre de traitements au champ varie également fortement : de 4 à 23 en 2003 avec une moyenne de 8,9 (CV = 49%) et de 4 à 25 en 2005 avec une moyenne de 9,8 (CV = 42%). Un traitement correspond à une pulvérisation foliaire contenant un seul produit ou plusieurs produits en mélange (exemple : Dithane© + Décis©).

40% des producteurs enquêtés disent réaliser un traitement tous les 7-8 jours en moyenne, 27% tous les 4-5 jours, 16,5% tous les 10-12 jours et 16,5% tous les 15 jours.

Le premier traitement est positionné entre 2 à 28 jours après plantation (JAP) et à 12 JAP en moyenne (CV = 51%). La date de fin de traitement est fonction de la stratégie de l’agriculteur comme cela été présenté au chapitre précédent (minimisation du risque ou minimisation des coûts). Ainsi, la plupart des producteurs (74,3%) traitent pendant tout le cycle avec un traitement tous les trois jours en période de récolte (et ce après chaque récolte) en veillant à respecter les délais avant récolte. 25,7% ne réalisent aucun traitement pendant la phase de récolte (Tableau II-14).

On note une évolution dans l’utilisation des fongicides et insecticides en cours de culture. En effet, en début de cycle (de la plantation à la nouaison), le nombre de traitements fongicides est généralement supérieur au nombre de traitements insecticides. En revanche, de la nouaison à la première récolte, les agriculteurs ont tendance à utiliser plus d’insecticides que de fongicides, et on retrouve un équilibre entre ces deux types de traitement durant la phase de récolte. Pour eux, les insecticides servent surtout à protéger les fruits contre les ravageurs d’où les traitements surtout à partir de la nouaison. Les mouches de la tomate ou les noctuelles attaquent effectivement les fruits quand ils sont petits ou gros, mais les autres ravageurs foliaires (mineuses, acariens, aleurodes), les champignons et bactéries parasitent la plante à n'importe quel stade de développement. La décision d'attendre le stade floraison pour traiter avec un insecticide ne serait pas appropriée dans le cas d’une lutte chimique préventive.

La plupart des agriculteurs enquêtés font la différence entre insecticides et fongicides. Par contre, ils ont tous des difficultés à identifier les maladies et ravageurs.

Ils utilisent des produits à large spectre tels que Décis©, Karaté© et Dithane© afin de pouvoir lutter respectivement contre la plupart des insectes et des maladies fongiques.

Cependant, des doutes subsistent quant à l’efficacité de certains produits (Dithane©, Norsineflo©, Bouillie Bordelaise©) vis-à-vis de la corynesporiose eu égard à sa persistance malgré la fréquence des traitements. Cela a été constaté par quelques paysans mais aussi par le Cirad dans différents essais agronomiques sur tomate en station. Des essais d’efficacité de produits phytosanitaires en milieu contrôlé devraient pouvoir contribuer à lever ce doute.

On observe une certaine variabilité concernant l’usage des matières actives. Les producteurs utilisent en moyenne deux insecticides différents (CV = 45%) et deux fongicides différents (CV = 54%). De même, on observe une variabilité concernant la succession dans le temps ou au contraire la concomitance des apports de fongicides et d’insecticides. Comme nous l’avions évoqué précédemment, certains mélangent des matières actives contrairement à d’autres.

R Les dosages

L’analyse des doses utilisées révèle une forte variabilité et la plupart du temps des doses éloignées des recommandations (surdosage ou sous-dosage) chez l’ensemble des producteurs enquêtés, et ce, malgré les passages réguliers des conseillers agricoles. Les recommandations sont tirées de l’Index Phytosanitaire édité chaque année par l’Acta (2007).

On constate que l’agriculteur raisonne de nombreuses opérations culturales (irrigation, taille, fertilisation) au plant alors que les doses sont données par les firmes phytopharmaceutiques à l’hectare, et celles préconisées par les conseillers agricoles de l’île sont volumiques (telle dose dans 10 litres d’eau). L’agriculteur a besoin de savoir quelle quantité de produit mettre dans le pulvérisateur, et combien de pulvérisateurs il doit utiliser pour traiter une certaine quantité de plants. Aucun conseil n’existe quant à la conduite au plant. Il en résulte une grande variabilité des pratiques chez les agriculteurs et une forte confusion entre produits : il semble que les producteurs extrapolent, « faute de mieux », les doses volumiques fournies pour les produits les plus courants (Dithane©, Bouillie Bordelaise©, Décis© et Karaté©) aux nouveaux produits. D’où des sur-dosages en certains produits ou au contraire des sous-dosages. Ces pratiques résultent de la volonté de l’agriculteur de lutter efficacement contre les parasites (« il faut mettre assez de produits si on veut tuer les bibys », « si on met un petit peu

ça ne marche pas ») mais aussi d’économiser les produits (« ça coûte cher »). Il semble par ailleurs que

les produits en poudre soient plutôt sur-dosés et les liquides sous-dosés. Ce type de comportement se retrouve également dans d’autres agricultures tropicales (Huat, 2002).

Tableau II-14 : Modalités de traitements phytosanitaires par rapport au cycle de récolte dans les parcelles du réseau.

Modalités de protection phytosanitaire Sous modalités Effectif %

Jusqu’à fin des récoltes 12 34,3%

Protection insecticide et fongicide

Jusqu’au début des récoltes 6 17,2%

Jusqu’à fin des récoltes 7 20%

Protection fongicide jusqu’à floraison/nouaison puis

insecticide et fongicide Jusqu’au début des récoltes 3 8,5%

Protection insecticide et fongicide jusqu’à floraison/nouaison puis insecticide

Jusqu’à fin des récoltes 7 20%

Tableau II-15 : Diversité d’itinéraires techniques observés sur les années 2003 et 2005.

Type itinéraire technique ITK1 ITK2 ITK3 ITK4 ITK5 ITK6 ITK7 ITK8 ITK9 ITK10 ITK11 ITK12 ITK13

Travail du sol manuel manuel manuel mécanisé manuel

Positionnement du semis

fumier (t/ha) < 6 0 0 ? 0 < 6 6 à 10 < 6 12 à 20

Densité de plantation 15-20 000 28-40 000 25-30 000 20-25 000 < 20 000 < 20 000 > 30 000

Tuteurage oui oui oui non

Taille non oui oui non

Eff. - égourmandeage non sévère normal non normal normal normal normal normal moyen normal sévère normal

Fertilisation NPK (kg/ha) 700 > 900 < 300 ? 500-700 < 300 < 300 700-1100 < 300 > 1000 < 400 > 1000 700-1100

Irrigation

Protection phytosanitaire

effectif Adb Cbk, Zky Sma Smd Ari

Lep, Ssa, Nai, Ybo, Nou, Aso

Zmo, Zal Mas, Ybo,

Smy Nba Lep, Ali

Mbo, Mhs,

Sso Abs Inr, Ord

20-30 000 mécanisé

> 35 000

Traitements fongicides et insecticides arrosage manuel au trou

Après travail du sol Avant travail du sol

oui oui

6 à 10 12 à 20

Tableau II-16 : Evolution des pratiques culturales de six agriculteurs entre 2003 et 2005.

Agriculteur 2003 2005

Lep (type b2) Travail du sol mécanisé

Fumier : 4 à 7,5 t/ha Engrais : < 100 kg/ha

Travail manuel du sol Fumier : 13 à 15 t/ha Engrais : 1000 à 1100 kg/ha

Paillage en juillet et août à cause manque d’eau

Mhs (type b2) Fumier : 9 à 10 t/ha

Engrais : < 200 kg/ha

Fumier : 7,5 à 8,5 t/ha Engrais : 300 à 400 kg/ha

Sma (type b1) Variété : King-Kong

Fumier : aucun Engrais : 325 kg/ha Précédent : maïs Variété : Calinago Fumier : aucun Engrais : 133 kg/ha Précédent : jachère

Ybo (type b1) Fumier : 6 t/ha

Engrais : 240 kg/ha

Fumier : 6,5 t/ha Engrais : 770 kg/ha

Adb (type b1) Variété : Caraïbo

Fumier : 5 à 6 t/ha Engrais : aucun

Tuteurage, taille, égourmandage

Variété : Carioca Fumier : aucun

Engrais : 450 à 650 kg/ha

Tuteurage, taille mais pas d’égourmandage

Nba (type C) Mois de plantation : mai

Fumier : 15 à 24 t/ha Engrais : 150 à 250 kg/ha

Mois de plantation : août Fumier : 11t/ha