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CHAPITRE IV : DÉMARCHE GENERALE

2. Concepts et méthodes mobilisés

2.1. Les concepts de système de culture et d’itinéraire technique dans notre situation Le système de culture a été défini en 1974, puis modifié par Sebillotte en 1990 (Sebillotte,

1974, 1990). Il est défini comme : «l’ensemble des modalités techniques mises en œuvre sur des

parcelles traitées de manière homogènes. Chaque système de culture se définit par : (i) la nature des cultures et leur ordre de succession, (ii) les itinéraires techniques appliqués à ces différentes cultures, ce qui inclut le choix des variétés pour les cultures retenues ». L’itinéraire technique désigne quant à lui

l’organisation des techniques appliquées à une culture, c'est-à-dire « la combinaison logique et ordonnée

de techniques mises en œuvre sur une parcelle en vue d’en obtenir une production » (Sebillotte, 1974,

1978). Compte tenu du contexte particulier de l’agriculture mahoraise, fortement manuelle, il nous apparaît utile de préciser cette notion de parcelle. On distingue la parcelle cadastrale définie comme « une pièce d’un seul tenant, dépendant de la même exploitation et entourée par des limites

matérialisées ou simplement coutumières » de la parcelle culturale définie comme étant une « pièce de terre d’un seul tenant portant, au cours du cycle cultural donné, la même culture ou la même association de cultures gérée par un seul individu ou par un groupe déterminé d’individus » (Milleville

1972, 1976). Cette définition fait donc référence au cycle cultural comme échelle temporelle. Les limites de la parcelle peuvent persister en l’état tout au long d’une succession culturale ou de la vie d’une exploitation, mais elles peuvent aussi être remaniées d’une année sur l’autre. En maraîchage où les cycles de culture sont généralement courts, plusieurs cultures (de la même espèce ou d’espèces différentes) peuvent se succéder tout au long d’une saison de culture et les limites de la parcelle initiale

peuvent être revues d’une succession à l’autre. La parcelle maraîchère s’entendra donc comme une surface de terre occupée par un peuplement végétal cultivé mono ou pluri spécifique, conduit de façon homogène au cours de son cycle cultural. Pour une date donnée de semis de tomate en pépinière, on a ainsi plusieurs parcelles si les plants sont transplantés par lot à des dates différentes au champ, ou si les parcelles sont bien séparées géographiquement les unes des autres sur l’exploitation.

2.2. Le concept de modèle d’action : de la stratégie à l’action

Dans la mouvance des travaux sur les théories de la décision (Simon, 1957) et la gestion des processus de production en entreprise industrielle (Berry, 1986), les agronomes ont proposé à la fin des années 80 un cadre général d’analyse des processus de décision des agriculteurs appelé « modèle de

l’agriculteur pour l’action » ou « modèle d’action » (Cerf et Sebillotte, 1988 ; Sebillotte, 1990 ;

Sebillotte et Soler, 1990). Ce cadre permet entre autres de rendre compte des décisions techniques liées à la gestion de la sole d’une grande culture (Aubry, 1995, Dounias, 1998), à celle des systèmes fourragers (Duru et al., 1995 ; Girard et Hubert, 1999), ou encore pour l’organisation du travail (Papy et al., 1988, Papy et al., 1990, Navarrete, 1993 ; Le Gal, 1995) ou l’introduction d’une innovation technique (Mathieu, 2005 ; N’Dienor, 2006).

Le concept de modèle d’action est un cadre de représentation des décisions techniques de l’agriculteur qui comporte (Sebillotte et Soler, 1988, 1990 ; Duru et al., 1988) :

(i) un ou plusieurs objectifs généraux qui définissent le terme vers lequel convergent les décisions de l’agriculteur ;

(ii) un programme prévisionnel et des états-objectifs intermédiaires qui définissent des points de passage obligés et des moments où l’agriculteur pourra faire des bilans pour mesurer où il en est de la réalisation de ses objectifs généraux ; se trouvent ainsi fixés des indicateurs qui serviront aux décisions ;

(iii) un corps de règles qui, en fonction des évènements perçus comme possibles par l’agriculteur, définit, pour chaque étape du programme, la nature des décisions à prendre pour parvenir au déroulement souhaité des opérations et la nature des opérations de rechange à mettre en œuvre si, à certains moments, ce déroulement souhaité n’est pas réalisable.

Ce concept rejoint le concept de système de culture en ce sens qu’il traite des décisions techniques relatives à l’allocation des ressources productives aux différentes productions de l’exploitation et à la conduite de ces productions, mais avec une analyse du point de vue de l’agriculteur.

Nous l’utiliserons pour comprendre comment les agriculteurs raisonnent la localisation et les successions de culture, ainsi que la conduite de la tomate.

2.3. Le diagnostic agronomique : évaluer les pratiques culturales

Le diagnostic agronomique constitue un des principaux outils pour l’évaluation des pratiques permettant à partir de l’analyse des composantes du rendement d’identifier a posteriori les facteurs du milieu et du système de culture qui ont influencé la production (Meynard et David, 1992). Cette méthode peut être réalisée à l’échelle régionale pour identifier et hiérarchiser les actes techniques responsables d’un problème agronomique dans une région (Doré et al., 1997). L’identification des causes et des conséquences des problèmes nécessite des observations et des mesures dans un réseau de parcelles qui doit couvrir la diversité des combinaisons systèmes de culture - milieux représentatives de l’aire de cette culture dans la région d’étude. Les informations à recueillir sur les parcelles concernent à la fois des indicateurs d’analyse du champ cultivé (caractérisation des états du milieu et du peuplement au cours du cycle), des indicateurs d’évaluation des performances mais aussi l’enregistrement des techniques appliquées sur la culture (Doré et al., 1997).

Tableau I-1 : Composition des échantillons d’exploitations à partir de la typologie de Soquet (2003). Campagne 2003 Groupe typologique B C Type exploitation b1 b2 b3 c Surface moyenne exploitation en m² (coef. var. %) 2 335 m² (53%) 2 660 m² (47%) 1000 m² 6 600 m² (65%) Main-d’œuvre familiale (clandestine) familiale salariée (clandestine) salariée (clandestine) Nb exploitations suivies 8 3 1 3 Nb parcelles suivies 10 5 1 6 Campagne 2005 Surface moyenne exploitation en m² (coef. var. %) 2 900 (5%) 1 950 m² (60%) 2 550 m² (79%) 8 000 m² Main-d’œuvre familiale (clandestine) familiale salariée (clandestine) salariée (clandestine) Nb exploitations suivies 2 15 2 1 Nb parcelles suivies 3 22 2 1

Carte 3 : Situation des parcelles suivies par zone géographique et par village (représentée par une étoile bleue). Zone Nord 1 parcelle en 2003 5 parcelles en 2005 Zone Nord-Est 4 parcelles en 2003 1 parcelle en 2005 Zone Sud-Est 5 parcelles en 2003 6 parcelles en 2005 Zone Sud 4 parcelles en 2003 2 parcelles en 2005 Zone Centre 8 parcelles en 2003 14 parcelles en 2005 NORD

Cette méthode d’évaluation correspond aux attentes que nous nous sommes fixées en matière de diagnostic des causes de variation des rendements de la tomate à Mayotte, même si elle présente des limites à cause de la lourdeur du dispositif d’enquêtes et de sa réalisation sur un nombre d’années réduit (ce qui limite l’exploration de la variabilité climatique).

De nombreux travaux de modalisation du fonctionnement de la tomate (de type indéterminé) sous serre ont été entrepris (Gary et al., 1995 ; Regat, 1997 ; Marcellis et al., 1998 ; Heuvelink, 1999) pour mieux comprendre les mécanismes de croissance et d’élaboration du rendement à l’échelle de la plante et du peuplement végétal. Ces modèles permettent de simuler la production de biomasse totale, sa répartition dans la plante, et les teneurs en matière sèche des fruits dans des conditions variées de facteurs du milieu (rayonnement intercepté, température, humidité, CO2 …) et de pratiques culturales

(densité de plantation, effeuillage, égourmandage, éclaircissage des bouquets, fertigation…). En revanche la littérature scientifique traite peu de la modélisation de l’élaboration du rendement d’une culture de tomate en plein champ (Brisson et al., 1997). Du fait de l’impossibilité, dans le cadre de cette thèse, d’acquérir tous les paramètres nécessaires pour ces modèles agrophysiologiques (voire l’éventuelle restructuration nécessaire de ces modèles du fait du contexte), nous avons fait l’impasse sur leur utilisation dans notre démarche de compréhension des causes de variation des rendements de la tomate en parcelles paysannes. Ainsi, la forte variation du rayonnement intercepté par la tomate entre certaines parcelles, due aux associations culturales (cf. planche à photos n°4), rend obligatoire l’instrumentation de chaque parcelle. Par ailleurs, la fréquence d’enregistrement des données météo et des variables de fonctionnement du peuplement végétal (pas de temps journalier ou hebdomadaires) exigée par la plupart des modèles proposés, était incompatible avec les moyens logistiques dont nous disposions (Gary et al., 1995 ; Brisson et al., 1997 ; Heuvelink and Dorais, 2005).