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CHAPITRE I : LA CONSTITUTION DES SYSTEMES DE CULTURE MARAICHERS DANS

2. Résultats sur la localisation des parcelles et le positionnement de la tomate dans les successions de culture

2.7. Illustration de la localisation des parcelles par une étude de cas

L’agriculteur Ybo, agé de 58 ans, est mahorais. Il appartient au type b1/gf1 et son exploitation maraîchère se situe dans le sud de l’île, en zone sèche. Il a commencé à faire du maraîchage en 1988 au sein d'un groupement de producteurs et a fortement développé son activité à partir de 1996 en accédant à un terrain qu’il exploite depuis individuellement. Son épouse participe de temps en temps aux activités maraîchères.

Il travaille à temps plein en agriculture. En plus de l’exploitation maraîchère, il possède une parcelle de 3 000 m² environ de cultures vivrières (bananiers essentiellement et manioc), un grand verger « créole » de 5,5 ha (manguiers, orangers,…) et plusieurs zébus. La place que représente l’activité fruitière s'illustre bien par cette phrase : "Avant 1996, je plantais des arbres, mais maintenant je mets

seulement les zébus dans le champ à pâturer et je récolte sur les arbres pour vendre. J'ai arrêté de planter depuis 1996 et ne m’occupe pas des fruitiers". Le maraîchage est donc sa principale activité : "je me consacre au maraîchage : ça rapporte beaucoup et je gagne plus qu'avec le reste".

Figure II-7 : Représentation de la zone cultivable maraîchère de Ybo en 2003-2004. Année 2003 Année 2004 N° parcelle intercalaire bananiers Abri (140 m²)

parcelle cédée à sa belle-mère pour l'autoconsommation

D

salade oignon autres cultures à cycle court cucurbitacées tomate

parcelle prêtée à un voisin en échange d'entraide ponctuelle

A S O N A M J J D J F M A S O N F J M A M J J 4 (160 m²)

maïs associé au voeme Légende : manioc riz 5 (250 m²) 6 (80 m²) 7 (60 m²) 8 (60 m²) 1 (500 m²) 2 (160 m²) 3 (160 m²) 9 (60 m²) 5 9 8 7 6 4 2 2 1 abri bananiers

Le territoire maraîcher s'étend sur 2000 m² environ sans dispersion dans l’espace des parcelles (Figure II-7) : il s'agit en fait d'un champ d'un seul tenant avec des découpages internes. Il a attribué une parcelle à un membre de sa famille et une autre à un ami : l'une de 80 m² environ est exploitée par sa belle-mère pour sa consommation personnelle de légumes, et l’autre parcelle (160 m²) a été prêtée à un voisin en échange de son aide pour la préparation des planches de culture. La surface cultivée en maraîchage s'étend donc sur 1 760 m². Elle est située en bordure de route, ce qui favorise la vente et le transport des légumes récoltés. Par ailleurs, Ybo dispose d'une conduite d’amenée d’eau sur la parcelle, ce qui lui permet d'arroser au tuyau ses cultures. Il ne fait pas appel à de la main-d'œuvre salariée. En plus de l'aide que lui apporte quelquefois son voisin, il accueille régulièrement des stagiaires du lycée agricole en formation pratique sur l’exploitation.

Ybo pratique un maraîchage intensif et très diversifié. Il s’agit pour lui de « produire un peu de

tout en petites quantités » pour pouvoir offrir à ses clients une gamme de légumes et limiter également

les risques de mévente. Tomate, concombre, courgette, laitue sont les principales cultures. Mais on trouve aussi des brèdes, du chou, de l’oignon… La tomate est sa culture prioritaire pour des raisons financières mais aussi commerciales : "ça rapporte beaucoup et tout le monde aime les tomates". La laitue occupe aussi une place importante "ça ne demande pas beaucoup de travail et c'est facile à

vendre".

On retrouve dans l’exploitation l'ensemble des systèmes de culture cités précédemment :

- du maraîchage en saison sèche avec une rupture de culture de plusieurs mois en saison des pluies (SC1) ;

- du maraîchage en saison sèche suivi d’une culture non maraîchère en saison des pluies et d’une phase de repos très courte du sol avant la campagne de saison sèche de l’année suivante (SC2) ; - du maraîchage en continu avec de la tomate et de la laitue sous abri en saison des pluies (SC3).

Les principales successions rencontrées sur l’exploitation ainsi que la répartition des cycles de culture dans l'année sont indiquées à la figure II-7.

Ybo a ainsi cultivé de la tomate sous abri en saison des pluies 2002/2003 et a été confronté à des problèmes de moelle noire ayant fortement affecté son rendement.

Il a défriché et désherbé les parcelles de bananiers situées autour des parcelles maraîchères afin d'étendre le territoire maraîcher, ce qui explique la plantation de tomate en intercalaire des bananiers.

Les cultures non maraîchères mises en place pendant la saison des pluies sont le maïs en association avec le voeme (légumineuse) et le riz. Ybo justifie son choix par intérêt agronomique et alimentaire : ces cultures "refertilisent" la terre et limitent la croissance des mauvaises herbes, et sont surtout destinées à l’autoconsommation et très peu à la vente.

Les successions indiquées sur la figure II-7 sont les principales rencontrées en saison sèche. En effet, les cultures à cycle court sont cultivées sur des planches de 7 à 8 m² si bien qu'il ne paraît pas possible de restituer l'ensemble des successions planche à planche. Mais d'une manière générale, on rencontre trois à quatre cultures à cycle court se succédant sur une planche (la laitue étant répétée trois fois), l'oignon ou une Cucurbitacées (concombre ou courgette) suivi d'une culture à cycle court. En revanche, on observe un seul cycle de tomate par parcelle sur la saison. Comme beaucoup d'autres producteurs, Ybo adopte un comportement adaptatif : il plante en fonction des semences dont il dispose et qui sont disponibles sur le marché. On constate tout de même un étalement des plantations à cycle court permettant une récolte étalée sur toute la saison. Par contre comme nous l'avons vu précédemment, celui-ci concentre ses plantations de tomate de manière décalée des autres productions ; de ce fait, il a planté en juin et la tomate n'est pas précédée ou suivie d'une autre culture.

Ybo évoque des règles de délai de retour "au moins 2 ans pour la tomate" et des règles de précédent/suivant "pas deux fois la même culture au même endroit (sauf pour les salades)". Par contre, contrairement à beaucoup, il ne met jamais de Cucurbitacées juste avant ou après la tomate.

Dans le cas de Ybo qui a une stratégie de diversification pour limiter les risques de culture et de mévente de ses produits, on assiste à un découpage important de la zone cultivable maraîchère. Les parcelles sont généralement petites, de l’ordre de quelques dizaines de m² à quelques ares. Le découpage peut aller jusqu’à des unités encore plus petites, par exemple la planche de laitue ou de brèdes de plusieurs m². Si on regarde la parcelle 4, on constate que nous avons deux sous-parcelles : l’une cultivée en oignon puis en brèdes, l’autre reçoit trois cycles successifs de laitue suivis d’une autre culture à cycle court. Ces deux sous-parcelles ont un même précédent cultural (maïs associé au voeme).

L'exemple de cet agriculteur illustre bien la complexité des systèmes de culture maraîchers. Dans son cas, la disponibilité foncière et la stratégie commerciale déterminent fortement le choix des espèces et le nombre de cycles de culture sur la saison.

Cette première analyse des déterminants constitutifs des systèmes de culture a permis d’identifier certaines règles de décision quant au choix et à la localisation du terrain à cultiver, des successions de culture, des espèces à cultiver et du nombre de cycles de culture de la tomate sur la saison. Sur ce dernier point, nous avons vu que l’incertitude sur l’accès au foncier (manque de surface, précédent inconnu), pour une certaine catégorie d’agriculteurs, pouvait se traduire par des tailles de sole maximisées par rapport à la surface maraîchère disponible et par la succession de deux cultures de tomate sur la même parcelle (NCS = 2). Ces décisions de successions qui peuvent entraîner notamment des risques phytosanitaires différents se traduisent, elles, par des conduites techniques différentes, et comme nous l’analyserons dans une partie ultérieure par des différences d’états du peuplement, du milieu et de répercussions sur le rendement.

Dans le prochain chapitre, nous verrons comment les agriculteurs prennent leurs décisions pour la conduite culturale de la tomate et comment l’incertitude sur l’accès à des ressources productives marque les pratiques.

Après un bref exposé des concepts utilisés, cette partie présente les résultats de la représentation des modes de conduite de la tomate par les agriculteurs sous la forme d’un ensemble de variables décisionnelles, de règles de décisions et d’unités de gestion. On cherche à proposer un modèle de conduite de la tomate suffisamment général, prenant en compte l’ensemble des problèmes que les agriculteurs ont à résoudre à l’échelle de la campagne agricole. Pour cela, nous analysons le modèle de conduite prévisionnelle de la culture de tomate d’un agriculteur, et discutons des sources de variation de ce modèle entre agriculteurs, opération culturale par opération culturale. Cette analyse doit nous aider à mettre en évidence :

- les différents itinéraires techniques mis en œuvre par les agriculteurs et les raisonnements techniques qui les sous-tendent ;

- les problèmes de décision liés aux incertitudes d’accès aux ressources productives qui pèsent sur les agriculteurs ;

- les solutions développées par ces derniers pour répondre à ces problèmes et leur formalisation sous forme d’un système de règles de décision.