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CHAPITRE I : LA CONSTITUTION DES SYSTEMES DE CULTURE MARAICHERS DANS

4. Comparaison aux modes de conduite chez les autres agriculteurs enquêtés

4.3. Les différences dans la conduite technique de la tomate

4.3.5. La fertilisation

Jusqu’en 1998, la DAF distribuait gratuitement les produits de traitements et les engrais aux producteurs. Puis les structures coopératives et privées ont pris le relais en commercialisant les intrants. Les techniciens du service de développement agricole de la Daf ont longtemps conseillé d’apporter 20 g d’engrais NPK (ex. 10-20-20 ou 15-12-24) par pied au moment du repiquage, avant de préconiser deux apports, à la plantation et à la floraison.

La totalité des producteurs enquêtés prévoit une fumure de fond au moment de la trouaison, avec de l’engrais, du fumier ou les deux à la fois. Cependant beaucoup se plaignent du coût des engrais (0,6 à 1 euro/kg) et des fréquentes ruptures d’approvisionnement chez les fournisseurs locaux. Le service de développement agricole de la DAF a vulgarisé la technique de fabrication du compost pour tenter de répondre au manque de matière organique et au coût élevé des engrais, et permettre ainsi aux agriculteurs d’avoir une source d’azote à moindre coût. Néanmoins, peu d’agriculteurs le pratiquent régulièrement, notamment à cause du temps de travail que nécessite cette technique.

R La fumure organique

Chez les agriculteurs enquêtés, seuls trois (Lep, Ybo et Ali) fabriquent du compost à partir de déchets végétaux (résidus de culture et mauvaises herbes arrachés, résidus de distillation d’ylang- ylang…).

Tableau II-12 : Nombre d’apports effectués et quantités de fumier et d’engrais minéral apportées pendant la culture en 2003 et 2005.

Année descriptivevariable Nombre apports fumier Qté fumier (t/ha) Nombre apports engrais Qté engrais (kg/ha) moyenne 0,8 12,03 1,5 860 mini 0,0 3,57 0,0 133 maxi 1,0 23,34 3,0 1837 ecart type 0,4 5,43 0,8 398 C.V. % 46% 45% 55% 46% moyenne 1,0 7,90 1,1 467 mini 0,0 3,30 0,0 75 maxi 2,0 23,80 3,0 2638 ecart type 0,5 4,54 0,7 591 C.V. % 49% 57% 62% 126% moyenne 1,0 9,45 1,3 622 mini 0,0 3,30 0,0 75 maxi 2,0 23,80 3,0 2638 ecart type 0,5 5,23 0,8 552 C.V. % 49% 55% 59% 89% 2003 2005 2003 et 2005

67 % des producteurs enquêtés utilisent du fumier (20/35). Il s’agit essentiellement de fumier de poules, plus rarement de fumier de cabris, de zébu ou de lapins. Les contraintes pour se procurer du fumier sont le coût et le transport. En effet, peu de producteurs possèdent une voiture particulière et ils utilisent le taxi brousse ou une camionnette pour transporter les sacs de fumier.

Les quelques élevages intensifs de poulets de chair présents à Mayotte fournissent un fumier composé de fientes de poule mélangée à des copeaux de bois. Il existe aussi des élevages de poules pondeuses, mais ceux-ci fournissent de la fiente pure.

Le fumier de poules est généralement apporté au trou plusieurs jours avant la plantation et mélangé à la terre, à raison de une à deux grosses poignées, soit environ 250 à 500 g par plant. Cet apport est suivi d’un abondant arrosage.

Les fumiers de zébus et de cabris sont très peu utilisés. Ces animaux n’étant pas élevés en stabulation, il est donc difficile de récupérer les déjections.

Certains agriculteurs (Nba, Mas) disposent d’une quantité importante de fumier car ils ont un élevage de poulets de chair. Du fait de la disponibilité en fumier sur leur exploitation, ils utilisent peu d’engrais minéral et favorisent les apports de matière organique.

Les quantités de fumier apportées varient de 3,3 à 23,8 t/ha pour une moyenne de 9,5 t/ha (Tableau II-12). Les apports sont assez limités compte tenu des contraintes de disponibilité, de coût et de transport comme nous l’avions expliqué précédemment.

R La fumure minérale

Les producteurs utilisent surtout des engrais ternaires, plus rarement de l’urée (utilisée surtout en pépinière). En fait, ils se contentent des engrais disponibles sur l’île du fait des problèmes d'approvisionnement. En 2003, c’était surtout du 10-20-20, et dans une moindre mesure du 15-15-15, alors qu’en 2004 et 2005, c’était du 15-12-24 (formulation conçue pour la canne à sucre à la Réunion). En tenant compte des densités de plantation, du mode et du nombre d’apports (une à deux poignées par pied en une ou deux fois), les quantités totales apportées par hectare varient de 75 kg à plus de 2 600 kg avec une moyenne de 631 kg, pour des rendements observés qui sont également très variables (8,1 à 89 t/ha avec une moyenne de 34 t/ha). La quantité totale apportée par plant varie de 5 à 45 g.

Le nombre d’apport au cours du cycle varie de 1 à 3 (Tableau II-12). Tous réalisent un apport au moment de la plantation (surtout fumure organique) sauf les deux agriculteurs du groupe C qui ont réalisé leur amendement avec le mélange terre/fumier contenu dans les pots d’élevage des plants en pépinière. Plus de 80% d’entre eux réalisent au moins un deuxième apport 15 jours à 1 mois après plantation et moins de 10% réalisent un troisième apport. 95% des producteurs enquêtés réalisent leur fertilisation entre la plantation et la floraison.

Notons que lorsqu’un producteur observe une forte attaque phytosanitaire et estime que son rendement sera fortement affecté, il annule l’apport d’engrais initialement prévu pour économiser sur les coûts de production. Le même constat est relevé concernant les traitements phytosanitaires.

Au moment de la plantation, les producteurs apportent essentiellement de la matière organique (fumier ou plus rarement compost) sauf s’ils n’en disposent pas à ce moment pour des raisons financières ou d’approvisionnement. Les apports réalisés après plantation sont généralement réalisés avec de l’engrais minéral.

4.3.6. Les opérations de conduite de la végétation

R Le tuteurage

Comme c’est un poste exigeant en main d’œuvre, certains agriculteurs préfèrent acheter des piquets en bois au lieu de passer du temps à aller en chercher en forêt.

La moitié des producteurs installe les tuteurs avant d’attacher les plants, et l’autre moitié attache au fur et à mesure que les tuteurs sont mis en place. Cette opération est généralement réalisée vers la

floraison, mais quatre producteurs préfèrent installer les piquets bien avant pour éviter les surcharges de travail par la suite.

Nous avons constaté deux autres modes de tuteurage :

- l’un consiste à tuteurer les tomates sur une palissade en forme de V inversé construite avec des lattes de bambou (comme ce qui est fait pour le concombre). L’agriculteur (Ord) estime qu’il gagne du temps avec ce système par rapport à la technique du piquet bois, et qu’il peut réutiliser la palissade l’année suivante pour la tomate (cf. planche à photos n°1).

- l’autre consiste en un palissage au champ sur fil horticole comme cela est pratiqué en culture de tomate sous abri (cas de Ssa et Nba en 2003).

Tous les agriculteurs qui tuteurent estiment que cette technique permet de limiter les pertes de fruits par pourriture et salissures (pas de contact avec le sol), et facilite l’arrosage en évitant de mouiller le feuillage. Cette perception n’est pas partagée par quelques agriculteurs (Adb, Smd) qui estiment, après avoir expérimenté les deux techniques, que l’absence de tuteurage n’est pas un facteur limitant du rendement mais qu’il permet surtout de gagner du temps au profit d’autres taches culturales.

R La taille

La pratique de taille est globalement homogène d’un agriculteur à l’autre. Néanmoins, on constate que certains agriculteurs « jeunes » dans le métier sont à l’écoute des « anciens » et tentent de reproduire les conseils qui leur ont été prodigués. C’est le cas par exemple de Abs, Zky qui taillent, effeuillent et égourmandent sévèrement comme cela leur a été appris par leur formateur (Lep). Ces jeunes sont réceptifs aux conseils techniques et leurs règles de cultures évoluent au fil des informations qui leur sont transmises, dans un processus d’apprentissage. On note ce même type de comportement pour les traitements phytosanitaires avec l’utilisation des produits aux doses et fréquence recommandées.

R L’effeuillage

Après que les agriculteurs ont effectué la taille, on observe deux modalités différentes d’effeuillage, qui correspondent en fait à des adaptations vis-à-vis de la pression parasitaire :

- Ceux qui effeuillent sévèrement en enlevant les feuilles tachées et sénescentes indépendamment de leur position sur la tige, au-dessus ou au-dessous des bouquets en fructification (20 % des agriculteurs). Dès qu’un bouquet porte des fruits à maturité, toutes les feuilles, « malades » et saines, qui se trouvent au dessous de ce bouquet sont systématiquement supprimées. Ce type d’effeuillage confère à la plante un port « dégarni » et la végétation est très aérée.

- Ceux qui effeuillent légèrement, en supprimant surtout les feuilles tachées et sénescentes. Ces agriculteurs enlèvent peu de feuilles au dessus des bouquets pour les protéger d’éventuels coups de soleil. En fin de cycle, la plante est relativement feuillue.

L’intensité et la fréquence de l’effeuillage semblent correspondre donc à une réponse des agriculteurs à l’intensité de la pression parasitaire. Plus les feuilles sont tachées, plus l’effeuillage sera sévère. Mais la fréquence du geste dépend également de la disponibilité de main-d’œuvre sur l’exploitation. Les agriculteurs évaluent la gravité de la maladie par l’importance du nombre de taches sur le feuillage et la rapidité avec laquelle les feuilles vertes sont atteintes. Cette pratique d’effeuillage conduit à une variabilité de la surface photosynthétiquement active des plants entre agriculteurs, voire entre plants dans une parcelle et peuvent avoir une répercussion sur la production. En effet, selon Khan et Sugar (1967), Hewit et Ho (1986) les trois feuilles qui se trouvent au dessous du bouquet participent fortement à l’alimentation des fruits du bouquet.

R L’égourmandage

Cette pratique vise à maintenir les quelques tiges fructifères initialement sélectionnées lors de la taille. Ce qui varie entre agriculteurs, c’est la fréquence et l’intensité de l’opération.

Tableau II-13 : Caractéristiques des traitements phytosanitaires, par phase du cycle cultural, en termes de nombre de traitements et de type de produits utilisés dans les parcelles du réseau en 2003 et en 2005.

Fréq. réelle

Total Ins.* Fong.* Total Ins.* Fong.* Total Ins.* Fong.* Total Ins.* Fong.* Ins. Fong. (jours)

moyenne 9,2 1,4 12,6 3,0 1,6 2,5 3,8 3,0 3,0 2,1 1,8 1,2 8,9 6,4 6,6 2,0 2,0 6,8 8,9 85,2 11 10 -1 maxi 14 2 22 6 5 6 8 7 11 10 7 7 23 12 17 3 5 13 23 122 18 17 10 mini 2003 7 0 4 1 0 0 1 0 0 0 0 0 4 2 1 1 1 3 4 49 4 5 -6 éc-type 3,3 0,6 5,9 1,6 1,6 1,7 2,1 1,8 2,4 2,4 1,8 1,9 4,4 2,9 4,5 0,7 1,1 2,5 4,4 17,9 4 4 4 %CV 36% 42% 47% 52% 98% 67% 55% 60% 81% 116% 100% 162% 49% 46% 67% 37% 53% 37% 49% 21% 36% 35% -3 moyenne 7,9 1,6 11,1 3,3 2,6 2,8 4,4 4,0 3,3 2,0 2,1 1,3 16,6 8,9 7,4 2,6 2,8 7,8 9,8 76,6 8,2 9,8 0,1 maxi 10 3 28 6 6 6 14 8 7 8 11 4 28 16 12 5 6 19 25 128 14 15 11 mini 2005 7 0 2 1 0 0 0 0 0 0 0 0 4 0 0 1 1 4 4 22 4 3 -4 éc-type 1,4 0,6 6,0 1,2 1,9 1,2 2,6 2,0 1,9 2,2 2,6 1,4 5,6 4,0 2,8 1,4 1,6 2,8 4,1 22,6 2,3 2,9 2,8 %CV 17% 39% 54% 37% 75% 43% 58% 50% 56% 107% 122% 109% 34% 44% 38% 56% 58% 36% 42% 30% 28% 29% 5123% moyenne 8,5 1,5 11,8 3,2 2,1 2,7 4,1 3,6 3,2 2,1 2,0 1,2 13,1 7,8 7,1 2,3 2,4 7,3 9,4 80,5 9,4 10,0 -0,5 maxi 2003 14 3 28 6 6 6 14 8 11 10 11 7 28 16 17 5 6 19 25 128 18 17 11 mini à 7 0 2 1 0 0 0 0 0 0 0 0 4 0 0 1 1 3 4 22 4 3 -6 éc-type 2005 2,5 0,6 5,9 1,4 1,8 1,4 2,4 2,0 2,1 2,3 2,2 1,6 6,3 3,7 3,6 1,2 1,4 2,7 4,2 20,9 3,4 3,2 3,4 %CV 29% 40% 51% 44% 86% 54% 57% 55% 67% 110% 114% 133% 48% 48% 51% 52% 59% 37% 45% 26% 36% 32% -626%

Ins.*, Fong.* : nombre de fois où le produit a été utilisé (en mélange ou seul)

Nb total traiteme nts durée P au dernier traitement

Code agri Année

Fréq. théor. (jrs)

Nombre de traitements phytosanitaires par phase du cycle cultural

Nb prévu trait.

Différence prév - réal

pépinière 1er trait.

JAP

P-F/N F/N-Ri Ri-Rf P-Rf

nb de matières

actives Nb trait.

P-Ri

Tableau II-14 : Modalités de traitements phytosanitaires par rapport au cycle de récolte dans les parcelles du réseau. Modalités de protection phytosanitaire Sous modalités Effectif %

Jusqu’à fin des récoltes 12 34,3% Protection insecticide et fongicide

Jusqu’au début des récoltes 6 17,2% Jusqu’à fin des récoltes 7 20% Protection fongicide jusqu’à floraison/nouaison

puis insecticide et fongicide Jusqu’au début des récoltes 3 8,5% Protection insecticide et fongicide jusqu’à

floraison/nouaison puis insecticide

Jusqu’à fin des récoltes 7 20%

On enregistre une variabilité du nombre de tiges par plant entre parcelles (1,1 à 5,7 en 2003, 1,4 à 6,6 en 2005) et au sein d’une même parcelle (CV = 2 % à 43% selon les parcelles en 2005). On observe jusqu’à huit tiges en moyenne dans certaines placettes (Ari, Sso). Les agriculteurs n’ont pas toujours le temps de passer régulièrement dans les parcelles pour ébourgeonner et effeuiller comme ils l’avaient initialement prévu. Si les gourmands portent alors des fleurs, certains agriculteurs ne les enlèvent pas systématiquement. A partir du stade de récolte, les ébourgeonnages sont moins fréquents, et les axillaires supplémentaires se développent jusqu’à porter des fruits. En fin de cycle, les plantes qui ont été effeuillées sévèrement ont un aspect de balai de sorcière avec deux à trois tiges principales et des ramifications secondaires, localisées surtout vers le haut de la plante. C’est le cas de Cbk, Zky et Abs.

En considérant le nombre moyen de tiges par plant en fonction du type/groupe foncier d’agriculteur, on se rend compte qu’il varie de 2,8 à 5,1. Les plus faibles valeurs (2,8 à 3,9) concernent les types avec une certaine assise foncière et avec une stratégie d’intensification des cultures (b1/gf1, b3/gf1, b2gf3), et les plus fortes valeurs (4,8 et 5,1) relèvent des types présentant une forte instabilité foncière (b2/gf2 et b2/gf4).