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CHAPITRE II : DIAGNOSTIC SUR LA VARIABILITE DES RENDEMENTS DANS LES PARCELLES

7. Conclusion sur le diagnostic agronomique en parcelles paysannes

Les rendements observés dans notre réseau de parcelles sur deux années, représentant des conditions de climat, de sols et de systèmes de culture diversifiés, ont été très contrastés (0,7 t/ha à 89 t/ha de fruits frais). Cependant, l’analyse du climat a montré qu’il n’a pas été un élément déterminant de la variation des rendements.

Les variations de rendement s’expliquent principalement par la variable nombre de fruits par m², le poids d’un fruit apparaissant beaucoup moins variable. Les variations du nombre de fruits sont en partie déterminées par le nombre de bouquets par m², lequel est conditionné par le nombre de tiges par m² lui même lié au nombre de pieds par m².

L’analyse faite à l’échelle de la plante a confirmé le rôle prépondérant de la composante « nombre de fruits » dans l’élaboration du rendement, elle-même liée au nombre de tiges sur la plante. L’analyse du profil de bouquets a montré que les deux premiers bouquets des deux premières tiges pouvaient expliquer environ 70 % de la production, avec cependant une variation importante du nombre de fruits par bouquet : 1,4 à 3 fruits en moyenne par bouquet selon sa position sur la tige, les valeurs extrèmes sur l’ensemble de ces 4 bouquets étant de 0,4 à 4,4 fruits par bouquet (CV = 30 à 55%). On a relevé que le nombre moyen de fruits par bouquet était généralement supérieur sur le premier bouquet apparu sur une tige (c'est-à-dire le plus ancien), quel que soit le rang de la tige, et tendait à diminuer avec l’âge d’apparition du bouquet sur la tige (du plus âgé au plus jeune). De même les dernières tiges apparues sur la plante portent moins de bouquets et de fruits que la première tige (c'est-à-dire la plus agée). Les données acquises dans l’essai taille réalisé en station en 2004 confirment ces résultats. En effet, quel que soit le mode de conduite de la végétation, avec ou sans taille, les deux premiers bouquets des deux premières tiges contribuent fortement à la production du plant : environ 50% pour les plants non taillés, plus de 80 % pour les plants taillées.

Le suivi de l’évolution du nombre de tiges et du nombre de bouquets, aussi bien dans le réseau de parcelles que dans l’essai taille en station, a montré que les valeurs maximales étaient atteintes vers le début de la phase de récolte, déterminant ainsi la période floraison-début de récolte comme essentielle pour l’élaboration du rendement, voire la période précédente pour des états du milieu ou des techniques culturales qui ont pu influencer les variations des composantes du rendement.

Dans la gamme des densités de peuplement explorée dans notre étude, il n’a pas été relevé de phénomène de compensation de production entre plants ni entre tiges d’un même plant lorsqu’il y a eu une diminution du nombre de tiges suite à des opérations de taille/égourmandage ou suite à des mortalités de plant en cours de culture. Il serait donc possible d’augmenter le rendement en jouant sur la densité du nombre de tiges ou de pieds.

Le nombre de tiges n’évolue pas librement en cours de culture. En effet, par les pratiques de taille et d’égourmandage, l’agriculteur qui semble davantage gérer un peuplement de tiges qu’un nombre de pieds de tomate, influence fortement l’évolution des nombres de tiges et de fruits par plant. La variabilité du nombre de tiges dans le réseau peut donc s’expliquer d’une part par la densité de peuplement, et d’autre part par les interventions directes de l’agriculteur sur le peuplement.

Ces interventions sur la végétation ont également pour conséquence de masquer pour partie l’influence de la variété sur le nombre de fruits. En ce sens, la diversité variétale dans le réseau de parcelles n’a pas posé de problème pour le diagnostic.

Des variations nettes d’indice de nutrition azotée des peuplements ont été observées en cours de culture en 2005. Globalement faibles en début de cycle (50% des peuplement d’indice < 0,9), les INN ont été élevés dans tous les peuplements aux stades floraison, grossissement des fruits et début de récolte (1,4 à 3,7), sans qu’on puisse cependant relier ces valeurs aux teneurs des sols en azote et en matière organique, ni aux quantités d’engrais et de fumier apportées aux plants. Les analyses de sol (dans la

couche 0-20 cm) et les apports azotés sous forme d’engrais et/ou de fumier ont fait ressortir qu’il n’y avait pas de risque de carence azotée. De même, les variations des teneurs des peuplements en P et K n’ont pu être reliées aux variations des teneurs du sol en ces éléments, ni avec les variations des composantes du rendement (nombre de fruits, poids moyen du fruit).

La tendance observée à l’augmentation du LAI avec les valeurs croissantes d’INN aux stades floraison et début de récolte où les besoins de la tomate en azote sont élevés, laissent à penser qu’une bonne alimentation azotée (INN>1) favorise la croissance foliaire et l’activité photosynthétique, sans pour autant pénaliser la croissance des fruits. En effet, il a été observé une augmentation du nombre total de fruits par m² avec l’augmentation du LAI. Par contre, les indices croissants d’azote n’ont pas entrainé d’augmentation du poids moyen des fruits.

Cependant, il faut souligner que les INN n’ont été calculés que sur une seule année, et il convient par conséquent d’être prudent dans l’utilisation de ces résultats. Par ailleurs, la méthode de calcul de l’INN se base sur la courbe de dilution critique de l’azote établie par Tei et al. (2002) dans la région centrale d’Italie où les conditions climatiques et de sols sont différents de celles de Mayotte. La variété utilisée dans l’expérimentation était une variété de conserve (de type déterminé), différente de celles cultivées à Mayotte. Il n’est pas à exclure que l’équation d’une courbe de dilution critique de l’azote établie dans les conditions de Mayotte et avec les variétés cultivées sur l’île soit différente de celle obtenue par Tei et al. (2002). Cette hypothèse serait à vérifier.

Les bilans hydriques réalisés dans l’ensemble des parcelles du réseau a révélé des périodes de stress hydriques à partir de la floraison dans 20% des parcelles environ, sans qu’on ait pu relier ces situations particulières avec l’évolution des composantes du rendement. Par contre, pendant la première phase du cycle cultural (plantation-floraison), les plantes se trouvent dans un confort hydrique généré par les irrigations excessives. L’absence de la prise en compte des éventuels drainages et remontées capillaires dans le calcul du bilan hydrique pose la limite de notre approche de l’évaluation des stress hydriques par cette méthode. L’installation de tensiomètres dans une parcelle du dispositif a permis de déceler des remontées capillaires et un faible drainage. Cela pourrait expliquer pourquoi nous n’avons pas trouvé de relation entre les variations des composantes du rendement et les périodes de stress hydriques théoriques.

L’examen des profils racinaires a montré que la colonisation racinaire se limitait au volume de terre travaillée lors du creusement du trou de plantation. Ces résultats montrent qu’il serait possible de réduire les apports d’eau (en fréquence et en dose) en début de cycle, avec comme avantage d’économiser du temps de travail (l’arrosage représentant plus du quart des temps de travaux), de réduire la pénibilité du travail (arrosages moins fréquents) et d’économiser la ressource. Un essai d’irrigation de la tomate, conduite en station en 2004, (Anfray, 2004) a montré qu’il était possible de réduire la dose journalière, comparativement à la pratique paysanne moyenne, sans affecter le rendement, ni la qualité commerciale des fruits.

L’évaluation de l’impact des maladies et ravageurs sur l’état sanitaire du peuplement a été possible avec une échelle de notation exprimant des classes de pourcentage de plantes portant des symptômes d’agressions diverses de maladies et ravageurs sur l’appareil foliaire (essentiellement des nécroses foliaires). Cet indicateur globalisant a pu montrer que le rendement tendait à être meilleur avec le retard d’infestation des peuplements par les parasites foliaires (notamment les champignons). Pour autant, l’évolution de l’état sanitaire des peuplements n’a pu relié aux pratiques phytosanitaires. On a constaté seulement que les LAI avaient tendance à être élevés quand les plantes exprimaient un faible indice de parasitisme. Ce constat est à rapprocher des pratique d’effeuillage des agriculteurs qui tendent à effeuiller davantage les plants lorsqu’ils observent, entre deux dates d’effeuillage, une progression du nombre de taches dus à des parasites sur les feuilles (notamment les jeunes feuilles). Comme nous l’avons montré à la partie précédente, la décision d’intensifier l’effeuillage est une réaction à l’intensification de la pression parasitaire. L’agriculteur s’adapte ainsi à une situation imprévue. L’absence de relation entre les applications de pesticides et l’état sanitaire des peuplements pourrait être liée au fait que les agriculteurs ne maîtrisent pas les traitements (cf. Partie 2) : mauvais choix des produits et des dosages, mauvais positionnement des traitements, difficulté d’approvisionnement en pesticides,… Cette absence de relation pourrait aussi s’expliquer par le caractère imprécis et trop gobalisant de l’indicateur M3 à moins que cette absence de relation s’avère tout

simplement normale. Il serait peut être plus pertinent de considérer séparément chacun des ravageurs et maladies, ce qui nécessite au minimum de pouvoir reconnaître les différents bioagresseurs et leurs symptômes, de quantifier les dégâts et de pouvoir évaluer leur impact sur le fonctionnement du peuplement. Compte tenu de la diversité des bioagresseurs, une telle approche nécessite un lourd dispositif de suivi.

Le précédent cultural peut par contre influencer l’état sanitaire global du peuplement dans certains cas comme nous l’avons montré : l’absence de culture (friche, interculture de quelques mois) et le choix du riz comme précédent ont limité les infestations parasitaires dans certaines parcelles, mais pas dans d’autres, ce qui laisse supper que d’autres facteurs ont été responsables des faibles niveaux d’infestations observés en début de récolte. Des études complémentaires sont nécessaires pour comprendre la dynamique d’infestation des peuplements par les bioagresseurs et leurs interactions notamment avec les pratiques de travail du sol et de gestion des résidus de culture.

QUATRIEME PARTIE : DISCUSSION GENERALE

ET PERSPECTIVES

Dans cette dernière partie, la discussion générale est structurée en deux chapitres : dans un premier temps, nous reviendrons sur les principaux résultats de la thèse au regard des hypothèses de recherche que nous avons formulées au début de ce travail ; dans un second temps, nous tenterons de tirer de nos résultats et de leur confrontation à la bibliographie, des éléments d’évolution des systèmes de culture avec tomate d’une part, et les perspectives de recherche scientifiques et opérationnelles d’autre part.

Au cours de cette étude nous avons adopté une posture originale en combinant, dans les mêmes exploitations agricoles, l’analyse des règles de décision des agriculteurs sur la conduite culturale de la tomate et la réalisation du diagnostic agronomique sur les causes de variabilité du rendement de cette même culture, avec comme intérêt opérationnel de proposer des solutions techniques d’amélioration de la production compatibles avec la manière dont les agriculteurs prennent leurs décisions.

1. Retour sur les hypothèses

1.1. L’accès aux ressources productives pèse sur la conception et la conduite des systèmes de culture maraîchers

Nous avons montré dans la première partie que la diversité des systèmes de culture maraîchers et des modes de conduite de la tomate dépendaient de l’accès aux ressources productives qui recouvrent essentiellement l’accès au foncier (au moins pour une certaine catégorie de producteurs), à l’eau, aux intrants (semences, engrais, pesticides), à la main-d’œuvre temporaire (surtout pour des interventions sur la végétation) et aux équipements agricoles (pour le labour mécanisé). Les agriculteurs sont confrontés chaque année à des problèmes de rupture d’approvisionnement en intrants et de manque de disponibilité de tracteurs. Face à la répétitivité de ces contraintes d’une année à l’autre, les agriculteurs s’adaptent en enrichissant leur modèle prévisionnel de conduite de la culture par des solutions de rechange.

L’incertitude sur le foncier joue à plusieurs niveaux : sur les successions de culture, sur les variables décisionnelles « taille sole tomate » et « nombre de cycles successifs » à l’échelle de la parcelle, et sur des décisions de conduite technique. Chez les agriculteurs qui n’ont pas de garantie foncière (en termes de durée d’occupation du terrain et de surfaces cultivables), surtout les agriculteurs des types b2gf2 et b2gf4, l’incertitude sur le foncier peut se traduire par une maximisation de la sole tomate par rapport à la zone cultivable et par la succession de deux cultures de tomate sur la même parcelle (NCS = 2). On observe le plus souvent un seul cycle de tomate sur une même parcelle pendant toute la saison sèche avec un nombre de cycles successifs pouvant atteindre trois pour les cultures à cycle courts (laitue et brèdes), notamment chez les agriculteurs qui intensifient le plus (types b2/gf2, b1/gf1 et c/gf1) en réponse à des opportunités économiques (prix élevés à certaines périodes de l’année).

L’incertitude sur l’accès aux semences peut conduire l’agriculteur à produire ses propres graines de tomate en année n pour l’année n+1 en vue de démarrer les semis à la date prévue. Il peut se traduire aussi, et c’est le cas le plus fréquent, par un retard dans les dates de semis quand l’agriculteur ne parvient pas à trouver des semences dans le délai qu’il s’était fixé. La plantation de variétés qui n’étaient pas prévues initialement traduit également ce problème d’approvisionnement. La date de démarrage des premiers semis en pépinière est aussi fonction de la fin de saison des pluies que l’agriculteur prévoit mais ne maîtrise pas.