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CHAPITRE I : ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE SUR LE FONCTIONNEMENT DU PEUPLEMENT

1. Cycle de développement de la tomate et analyse des composantes du rendement

1.3. Production de matière sèche

Le rendement d’une culture de tomate est déterminé par la biomasse totale, sa répartition au sein de la plante (fruits, tiges, feuilles, racines) et la teneur en matière sèche des fruits (Heuvelink and Dorais, 2005). Les rendements en plein champ de la tomate peuvent varier de 20 à 100 t/ha, alors que les rendements sous serre peuvent excéder 500 t/ha en Europe avec des maximas de 700 t/ha. Ces différences importantes de productivité sont dues : i) aux différences de durée de culture (11 à 12 mois sous serre, plus de 35 bouquets récoltés) et par conséquent au cumul du rayonnement intercepté et de la biomasse produite, ii) au contrôle et à l’optimisation des facteurs environnementaux (CO2, température,

humidité et lumière), iii) aux techniques culturales intensives (culture hydroponique, densité de plantation, fertigation, taille des bouquets et effeuillage, égourmandage). En culture de plein champ, l’agriculteur n’a pas la maîtrise de certains facteurs du milieu tels que la température, la teneur en CO2,

et doit par ailleurs adapter la gestion de l’irrigation et de la nutrition minérale en fonction des caractéristiques physico-chimiques du sol (Heuvelink and Dorais, 2005).

La production de biomasse d’une culture en champ peut s’interpréter comme une fonction d’efficience du rayonnement global extérieur comme l’ont formalisé Monteith (1972), Varlet-Granchet et Bonhomme (1979). Parmi les caractéristiques du peuplement végétal susceptibles de jouer sur la biomasse, l’indice foliaire ou LAI (m² de surface foliaire/m² de sol) est le principal facteur de variation pour une espèce donnée (Varlet-Granchet et Bonhomme, 1979). En ce sens, les pratiques de taille, d’effeuillage et de palissages observées à Mayotte ont une action sur le nombre de sources photosynthétiques et par conséquent sur le potentiel photosynthétique du peuplement et la production de biomasse. Différents auteurs ont cherché à modéliser le fonctionnement d’un peuplement végétal, mais la plupart des travaux sur la tomate concernent davantage la tomate sous serre de type indéterminé que la tomate de plein champ (Bertin and Heuvelink, 1993 ; Dayan et al., 1993 ; Heuvelink and Bertin, 1994 ; Gary et al., 1995). En France, le modèle générique Stics (prévu également pour la tomate de plein champ) se base sur l’interception du rayonnement lumineux par le couvert végétal (Brisson et al., 1998). Le modèle « Epic » (Cavero et al., 1998) s’intéresse aussi au fonctionnement de la tomate de plein champ de type déterminé. Cependant, tous ces modèles simulent la croissance et le rendement d’un peuplement de tomate dans un environnement sain, exempt de maladies et ravageurs, ce qui n’est pas le

cas en plein champ surtout en zone tropicale comme à Mayotte, où les ravageurs et maladies sont nombreux et affectent indirectement la capacité photosynthétique du peuplement végétal en altérant la surface foliaire (exemple : nécrose des tissus végétaux par les champignons pathogènes) et le fonctionnement de l’alimentation hydrique et minérale.

1.3.1. Le rayonnement intercepté et l’indice foliaire

La quantité de rayonnement intercepté est un facteur prédominant pour la croissance de la tomate et la production de biomasse, et dépend surtout de la surface foliaire. La relation entre le rayonnement intercepté et l’indice foliaire peut être décrite comme une fonction exponentielle de l’indice foliaire (LAI) : y = 1-e-0,83x (Heuvelink and Dorais (2005). Le rayonnement intercepté dépend de l’âge des plants (faible pour de jeunes plants), mais aussi de la distribution des feuilles au-dessus du sol et des techniques culturales (culture palissée ou non, paillage plastique au sol, effeuillage...). Pour une interception optimale et un rendement élevé en fruits d’une culture de tomate de plein champ, le LAI doit être compris entre quatre et cinq pour une densité de peuplement de 10 000 à 60 000 plants/ha, selon la variété, la fertilité du sol, le système d’irrigation et la disponibilité en rayonnement lumineux (Scholberg et al., 2000). De faibles LAI réduisent l’interception du rayonnement et accroissent les pertes de rendement à cause des coups de soleil sur les fruits, tandis que les valeurs élevées de LAI peuvent retarder la nouaison et réduire l’efficacité des pulvérisations foliaires de pesticides (Scholberg et al., 2000).

Heuvelink (2005) rapporte une relation linéaire entre le cumul du rayonnement photosynthétiquement actif (PAR) intercepté et la production totale de matière sèche pour une culture de tomate de type indéterminé sous serre. La pente de cette régression linéaire (exprimée en g de MS/MJ du rayonnement intercepté) varie de 2,8 à 4 g/MJ sans enrichissement de CO2 dans la serre (Heuvelink and

Buiskool, 1995). De Koning (1993) observe une relation hyperbolique entre le PAR intercepté par une culture de tomate (2 à 7 MJ/m²/jour) sous serre et le taux de croissance du peuplement (g/m²/jour) avec une pente de 2,5 g/MJ environ. En tomate de plein champ, une pente de 2,4 g/MJ a été observée pour de la tomate semi-déterminée (Scholberg et al., 2000) alors qu’une valeur de 2,4 g/MJ est généralement utilisée en culture de tomate industrielle (Cavero et al., 1998).

La notion d’indice foliaire est associée à l’interception du rayonnement par un couvert homogène par unité de surface de sol. Le choix d’une surface de sol, dénominateur dans le calcul de l’indice foliaire, n’est pas toujours explicité par les auteurs (ce qui ne permet pas des comparaisons). On peut déterminer un LAI minimal qui correspond à la surface de sol maximale, celle de la parcelle cultivée (dans l’hypothèse de capture totale du rayonnement), ou un LAI maximal qui correspond à une surface de sol minimale, celle effectivement couverte par les feuilles (Navarrete, 1993). Dans notre cas, où la tomate est cultivée généralement en doubles rangs, c’est cette dernière définition que nous privilégions. Des chiffres variables sont annoncés dans la littérature sur les valeurs de LAI en culture sous serre : de 2,5 à 2,8 par Tchamitchian et Longuenesse (1991), de l’ordre de 3,9 pour Hurd et al., (1979) et 8,6 pour Acock et al. (1978). L’indice foliaire peut être mesuré avec un planimètre mais cette mesure est destructive et nécessite d’avoir l’appareil de mesure. Comme il existe une corrélation élevée entre la surface foliaire et la masse fraîche ou sèche des feuilles (Watson, 1937), le LAI peut être estimé à partir de mesures de masses qui sont précises et faciles à réaliser. La surface massique des feuilles peut néanmoins varier au cours du cycle cultural comme l’ont montré Ma et al, (1992).

1.3.2. L’effet de l’effeuillage sur le rayonnement intercepté et la photosynthèse

La réponse d’une feuille à la photosynthèse dépend non seulement de son âge, mais aussi de son environnement lumineux (Tchamitchian et Longuenesse, 1991) : les feuilles de la base ont une photosynthèse faible, à cause non seulement de leur âge, mais aussi du faible rayonnement incident. Cependant, il est possible qu’à certaines heures de la journée (autour du midi solaire), les feuilles de la base aient une photosynthèse non négligeable (Acock et al., 1978). Toutefois sur une plante d’indice foliaire égal à 8,6, ces auteurs montrent que l’effeuillage du tiers inférieur de la plante diminue l’indice foliaire de 39%, mais le rayonnement intercepté seulement de 3%, ce qui a un effet négligeable sur la

photosynthèse totale. Le tiers supérieur de la plante (23% de l’indice foliaire) est par contre responsable des deux tiers de la photosynthèse. L’effet de l’effeuillage sur la photosynthèse de la tomate a été étudié par d’autres auteurs (Aung and Kelly, 1966 ; Wolk et al., 1983). L’ablation de feuilles entraîne une augmentation du taux d’assimilation des feuilles restantes (« Net Assimilation Rate » - NAR). L’effeuillage entraîne aussi un accroissement de la longueur (Fischer, 1977) et de la surface des feuilles restantes (Wolk et al., 1983). Cet accroissement de surface foliaire unitaire résulte de la redistribution d’une partie des assimilats des tiges et racines vers les feuilles en croissance, ce qui expliquerait la diminution du taux de croissance relatif des racines et tiges observée par Aung and Kelly (1966). Si l’effeuillage est réalisé très tôt, la surface foliaire en début de récolte est identique chez les plantes effeuillées et témoins (Wolk et al., 1983). Acock et al. (1978) ont également montré qu’un effeuillage du tiers inférieur de la plante n’avait que peu d’effet sur la photosynthèse totale. Cela pourrait s’expliquer par le fait que tant que l’indice foliaire est supérieur à une valeur seuil qui correspond à l’absorption de la totalité du rayonnement, l’effeuillage est sans effet sur la photosynthèse de la plante. De ce fait et du fait des phénomènes de compensation évoqués ci-dessus, il est probable qu’un effeuillage limité n’a pas d’effet sur le rendement. La tomate étant tuteurée à Mayotte et effeuillée au tiers inférieur (jusqu’au premier bouquet) très tôt (huit à dix jours après la plantation), on peut considérer a priori que cette pratique n’altèrerait pas le potentiel photosynthétique de la plante.

1.3.3. Répartition de la matière sèche dans la plante

La répartition de la matière sèche à l’intérieur de la plante peut différer considérablement. Par exemple, Heuvelink (1989) observe que 13% de la production sèche est contenue dans les racines à l’anthèse du premier bouquet, alors que Khan and Sagar (1969) n’en trouvent que 4%. En se basant sur un modèle de simulation, Koning (1994) estime la demande totale en assimilats au double de la disponibilité offerte par la plante (calculée sur toute une saison de production). Bertin (1995) calcule un ratio sources / puits plus faible, de l’ordre de 0,3. Cette différence pourrait avoir une origine génétique car les auteurs n’utilisent pas la même variété. Nous nous intéressons seulement à la biomasse allouée aux fruits car elle seule contribue au rendement.

1.3.3.1. Répartition des assimilats entre organes végétatifs et organes reproducteurs

L’équilibre entre appareils végétatif et reproducteur pour la mobilisation des assimilats est dynamique et complexe. Il dépend cependant fortement de l’état de la plante au commencement de la phase reproductive. Le potentiel photosynthétique de la plante au moment de la floraison est donc un critère important dans l’élaboration du rendement. Une relation positive entre la taille de l’appareil végétatif et le rendement total a été montrée sur pois (Brouwer, 1962, cité par Heuvelink et Marcelis, 1989) et tomate (Hurd et al., 1979). Différents facteurs peuvent expliquer les différences d’états végétatifs observées en début de phase reproductive : la date de semis, la date de plantation, la variété, le rayonnement et la température (qui définit l’équilibre entre offre et demande en assimilats carbonés). Ces facteurs jouent sur l’âge physiologique à la floraison (nombre de feuilles) et sur la croissance des feuilles (vitesse et surface maximale). Plusieurs auteurs (Cooper and Hurd, 1968a, 1968b ; Morgan and Clarke, 1975) ont montré que le retard de plantation pratiqué en culture précoce sous serre pour favoriser la nouaison des premiers bouquets tendait à diminuer la vitesse de floraison, le nombre de fleurs et le taux de nouaison.

Dès la floraison, il y a croissance simultanée d’organes végétatifs et reproducteurs, ce qui complique la compréhension des phénomènes de compétition entre organes (fruits, tiges, feuilles, racines) chez la tomate. Ces phénomènes évoluent au cours du cycle. Dès la floraison de la première fleur, la quantité de matière sèche destinée à la tige feuillée et aux racines diminue, au profit des fruits (Hurd et al., 1979). La réduction de la croissance végétative affecte davantage les racines que les feuilles (Heuvelink and Marcelis, 1989). La surface foliaire diminue car la croissance en surface des jeunes feuilles ne compense pas les pertes par sénescence. La croissance racinaire s’arrête environ quatre semaines après l’anthèse, et s’accompagne fréquemment de la mort de racines, en particulier juste avant la récolte (Van der Post, 1968), qui correspond au moment où la plus forte proportion d’assimilats est dirigée vers les fruits. La suppression de fleurs permet de restaurer la croissance foliaire et racinaire

(Hurd et al., 1979). Les fruits sont donc en compétition avec l’appareil végétatif et de façon identique pour la partie de la tige feuillée et les racines. En effet, le ratio entre les masses de tige feuillée et des racines est constant quelle que soit la charge en fruits sur la plante (Hurd et al., 1979). Pour une culture sous serre d’une année, De Koning (1993) rapporte que 71,5% de la matière sèche totale sont alloués aux fruits, tandis que Cokshull et al. (1992) déterminent un index de récolte de 69%, comparés aux 53 à 71% (moyenne de 58%) pour de la tomate semi-déterminée (Scholberg et al., 2000) et aux 57 à 67% pour de la tomate d’industrie de type déterminée (Hewitt and Marrush, 1986, Cavero et al., 1998). Selon Heuvelink (2005), ces variations de pourcentage sont à relier au nombre de bouquets récoltés et à la conduite culturale.

1.3.3.2. Répartition des assimilats au sein de l’appareil reproducteur

Dans le cas de la tomate, comme nous l’avons mentionné précédemment, les phases de formation et de remplissage des organes reproducteurs sont concomitantes à l’échelle de la plante, et il est par conséquent difficile de distinguer précisément la phase du cycle pendant laquelle a eu lieu la réduction de rendement, et de distinguer le facteur limitant à cette période, comme cela est pratiqué couramment sur d’autres espèces (Meynard et David, 1992). Néanmoins, la distinction des différents bouquets permet de dater et d’identifier le facteur limitant, en estimant la période de floraison et de croissance de chaque bouquet (Navarrete, 1993). Cela ne pose pas de problème particulier pour la tomate indéterminée sous serre qui est conduite sur une seule tige, contrairement à la tomate de plein champ de type déterminé qui n’est généralement pas taillée ou alors conduite sur plusieurs tiges sélectionnées avec des égourmandages réguliers comme c’est le cas à Mayotte.

Il existe un gradient de développement au sein d’un bouquet qui entraîne une variabilité des dates de nouaison et de récolte des fruits intra-bouquet de l’ordre d’une semaine. Pour une quantité fixée d’assimilats, inférieure à la demande de l’ensemble du bouquet, ce sont les fruits qui ont noué les premiers (fruits proximaux) qui sont les plus compétitifs (Ho et Hewitt, 1986). Mais même en l’absence de gradient de nouaison dans le bouquet, les fruits proximaux ont une force de puits supérieure aux fruits distaux (Bangerth and Ho, 1984). Si le rayonnement est suffisant, le taux de nouaison est élevé sur les premiers bouquets, et il diminue au fur et à mesure de la charge en fruits sur la plante. Le nombre de fruits par bouquet est généralement compris entre quatre et huit. Pour une quantité d’assimilats donnée à l’échelle du bouquet, l’augmentation du nombre de fruits réduit théoriquement leur poids moyen, mais aussi la qualité (fruits creux et déformés). La technique d’éclaircissage exercée en culture sous serre vise justement à supprimer quelques fleurs du bouquet pour améliorer le calibre des fruits restants (Hurd et

al., 1979), mais elle n’est pas de mise en culture de plein champ.

A l’échelle de la plante, on observe le même phénomène : plus le nombre de bouquets est élevé, plus le poids d’un bouquet à la récolte est faible (Fischer, 1977). Du fait de la vitesse d’apparition des bouquets et de la durée de croissance d’un fruit, un plant de tomate (en culture sous serre) comporte, à un instant donné, environ une dizaine de bouquets. Chez la tomate, les règles d’affectation des assimilats entre les bouquets ne sont pas bien connues. Khan and Sagar (1967) montrent que sur une plante portant trois bouquets, chacun est alimenté par une douzaine de feuilles, mais ce sont les trois feuilles situées juste au-dessous qui leur fournissent la majeure partie des assimilats. Tanaka and Fujita (1974, cités par Ho and Hewitt, 1986) considèrent le bouquet et les trois feuilles situées dessous comme une unité source-puits. Cependant, cette compartimentation n’est pas stricte.