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CHAPITRE I : LA CONSTITUTION DES SYSTEMES DE CULTURE MARAICHERS DANS

3. Comparaison avec les réalisations de Lep

L’analyse des écarts entre les réalisations et le modèle de conduite prévisionnelle permet de se rendre compte comment l’agriculteur pilote réellement la culture en fonction des ressources productives dont il dispose. Nous avons reporté en annexes 4, 5 et 6 les prévisionnels et réalisations de 2003 et 2005.

3.1. Opérations concordantes avec le modèle prévisionnel

Pour les deux années, on note que le modèle d’action de Lep est assez bien respecté.

Le choix variétal s’est arrêté sur la variété Carioca comme prévu. La plantation a été réalisée avec des plants âgés de moins de trente jours en pépinière. Deux sarclo-binage ont été positionnés entre la plantation et le stade floraison, et un troisième désherbage a été réalisé en 2005 vers le 44ème jour après plantation. La pression en mauvaises herbes étant relativement forte en 2005, Lep a recruté un ouvrier temporaire pour désherber les parcelles maraîchères.

Le tuteurage est intervenu avant la floraison et la taille des plants (à 2 ou 3 tiges) a eu lieu vers le stade floraison. Plusieurs effeuillages sanitaires et égourmandages ont été réalisés comme prévu.

Les traitements phytosanitaires ont démarré huit jours après plantation avec des traitements préventifs hebdomadaires en utilisant un faible nombre de produits (deux fongicides et deux insecticides de contact). Des sous-dosages importants pour les insecticides (variant de 22 à 73% de la dose préconisée) et des sur-dosages (130% pour la Bouillie Bordelaise©) ont été relevés au cours des deux années. Lep fait partie des référents à Mayotte en matière de conduite de la tomate, mais on constate néanmoins que la protection phytosanitaire reste un poste non encore maîtrisé.

La récolte est intervenue dès que les premiers fruits rouges sont apparus. 3.2. Opérations discordantes avec le modèle prévisionnel

En 2003 et en 2005, Lep n’a pu démarrer les semis très tôt dans la saison (mars-début avril) à cause des conditions pluviométriques ; le premier semis est intervenu tardivement vers la fin du mois d’avril. Le tracteur n’étant pas disponible en début de saison, Lep s’est adapté au retard en préparant manuellement la première parcelle de tomate, et le reste du terrain maraîcher a été labouré à la charrue à partir de début juin pour l’implantation des autres parcelles de tomate et des autres cultures maraîchères.

Lep a démarré la préparation de sol quand les plants étaient âgés de 21 jours en pépinière afin d’avoir suffisamment de temps pour terminer les travaux et planter avant que les plants soient trop grands et effilés en pépinière.

Compte tenu de la non disponibilité de fumier au moment de la préparation de sol en 2003, Lep a planté sans amendement organique. L’apport de fumier initialement prévu a été effectué huit jours après plantation en même temps que le premier apport d’engrais NPK. En 2005, il a apporté en fumure de fond seulement de l’engrais minéral. En fertilisation d’entretien, il a réalisé deux apports d’engrais entre le plantation et la floraison en 2003 et un seul en 2005.

Il a été difficile d’obtenir auprès de Lep les dates exactes d’égourmandage et d’effeuillage post- floraison. En, fait, l’agriculteur ne définit pas à l’avance de dates précises pour ces opérations dont la vitesse d’exécution dépend en grande partie de la main d’œuvre disponible à ce moment précis sur l’exploitation. Il semble donc que Lep ne planifie pas vraiment le positionnement temporel de ces opérations.

En matière d’irrigation, Lep n’a pas arrosé de la même façon pendant les deux années. En 2003, de la plantation à la nouaison, les plants ont été arrosés deux fois par jour (matin et fin d’après midi), puis une seule fois par jour le matin avec une réduction de la dose apportée au plant. A partir de la récolte, l’irrigation a été pratiquée tous les trois jours sans varier la dose. En 2005, Lep n’a arrosé qu’une fois par jour de la plantation à la floraison/nouaison. Puis, il a arrosé deux fois par jour (matin et après midi), et à partir de la récolte, il a repris le rythme d’un arrosage par jour tant que l’eau était disponible. Lep a été confronté à des ruptures d’alimentation en eau aussi bien en 2003 (vers le 15 juillet) qu’en 2005 (vers la fin août), le contraignant à installer un paillage naturel (avec des branches « d’avocat marron ») au pied des tomates pour limiter les pertes en eau par évaporation. Sur cette ressource, Lep n’a aucune maîtrise. Etant clandestin, il ne peut réaliser aucun aménagement hydraulique sur l’exploitation (type retenue collinaire) pour palier au manque d’eau, ni en exiger du propriétaire foncier.

3.3. Evaluation des temps de travaux et des charges

L’évaluation des temps de travaux de Lep et des charges en intrants sur les deux années permet d’apprécier l’importance relative des différentes opérations culturales (Tableau II-8). Le travail a été valorisé sur la base d’une rémunération de 4,5 euros brut par heure (proche du Smig local en 2005). L’analyse économique du budget de culture de Lep met en évidence l’importance de la main-d’œuvre pour la préparation du sol, le désherbage, l’irrigation et la conduite de la végétation (31 % des charges totales). En considérant une journée effective de sept heures de travail et un cycle de culture de 110 jours, il faudrait environ 0,9 équivalent temps plein d’une personne pour planter et entretenir 1000 m² de tomate.

Les charges en intrants sont faibles, notamment en pesticides, à cause du sous-dosage de certains produits et de l’utilisation de pesticides peu chers.

Le cas de Lep montre bien que la ressource en travail constitue un facteur limitant des surfaces cultivées en tomate, même si certaines adaptations techniques peuvent réduire le poids de cette contrainte.

3.4. Conclusion sur les réalisations

La comparaison entre les deux années montre que le modèle prévisionnel de conduite a peu évolué, et l’agriculteur parvient à respecter globalement le prévisionnel qu’il s’était fixé pour la conduite de la tomate. Les ajustements qu’il est amené à effectuer en cours de campagne répondent à des incertitudes telles que la date d’intervention du tracteur sur l’exploitation, la disponibilité en engrais et en fumier chez les fournisseurs agricoles, la disponibilité immédiate en main-d’œuvre temporaire et la disponibilité en eau notamment en période d’étiage.

Tableau II-8 : Dépenses (en €) et temps de travaux moyens (en h) de Lep pour la conduite de 1000 m² de tomate.

Opération culturale Temps de travail en heures pour 0,1 ha

Coût horaire main d’œuvre (€)

Total (en €) pour 0,1 ha Préparation du sol 110 4,5 495 Trouaison 85 4,5 383 Plantation 8 4,5 36 Irrigation (2 h/j) 210 4,5 945 Fertilisation 3 4,5 14 Sarclo-binage 90 4,5 405

Tuteurage (collecte des piquets et attache des plants sur tuteur) + taille

85 4,5 382

Effeuillage - égourmandage 135 4,5 607

Traitements phytosanitaires 10 4,5 45

Sous total 1 736 4,5 3 312

5

Intrants Quantité Coût (en €) Total (en €)

Semences 10 g 4,5 45

Engrais 54 kg 1,2 65

Pesticides 9 3 27

Sous total 2 137

Total général des charges (en €) 3 449

Tableau II-9 : Principales opérations culturales à forts besoins en main-d’œuvre et quelques alternatives techniques possibles pour réduire les temps de travaux.

Opération courante Opération de rechange déjà pratiquée par Lep

Alternative technique à évaluer Avantages de l’alternative technique Préparation

manuelle du sol.

Labour mécanisé. Coût faible mécanisation

(91€/ha) car subventionné. Irrigation journalière

au trou à l’arrosoir ou au tuyau.

- Arrosage tous les trois jours pendant période des récoltes

- Paillage végétal

- Diminuer la dose d’irrigation. - Réduire la fréquence des apports (trois jours). - Irrigation goutte à goutte.

- Economie d’eau. - Diminuer la pénibilité du travail.

- Gain de temps.

Tuteurage Pas de tuteurage. Economie de main-d’œuvre.

Taille - effeuillage - égourmandage.

Pas de taille, ni effeuillage, ni égourmandage.

Economie de main-d’œuvre. Désherbage manuel. Désherbage chimique sélectif

(métribuzine) en complément du sarclage manuel. - Diminution de la pression en adventices - Gain de temps au désherbage manuel

Les dates de semis et de plantation dépendent quant à elles de la fin de la saison des pluies sur laquelle Lep n’a aucune emprise.

Les opérations consommatrices de main-d’œuvre que sont le tuteurage, le désherbage et l’égourmandage-effeuillage sont étalées dans le temps et se font quelquefois en discontinu, en réaction aux goulots d’étranglement ponctuels sur l’exploitation et à la ressource en main-d’œuvre limitée. Ces discontinuités dans les travaux peuvent générer une certaine hétérogénéité intra-peuplement en termes de densité de mauvaises herbes, d’état sanitaire, de nombre de tiges par m², ou encore de nombre de bouquets et de nombre de fruits par m². Lep peut faire appel à de la main-d’œuvre temporaire pour le sarclage, mais il ne délègue pas les opérations de conduite de la végétation. La fréquence des opérations est également fonction de la vitesse de croissance des végétaux (aussi bien la tomate que les adventices). Des techniques différentes pour réduire la charge en main-d’œuvre pourraient être testées pour leur intérêt agronomique et économique (Tableau II-9).