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CHAPITRE I : LA CONSTITUTION DES SYSTEMES DE CULTURE MARAICHERS DANS

2. Résultats sur la localisation des parcelles et le positionnement de la tomate dans les successions de culture

2.5. Nombre de cycles de culture de tomate

2.5.1. La sole de tomate

Comme nous l’avons évoqué précédemment, la plupart des agriculteurs pratiquent plusieurs cycles de tomate en saison sèche en les répartissant sur différentes parcelles à différentes dates. La sole de tomate (NC sole), autrement dit le nombre de parcelles cultivées en tomate dans l’exploitation durant la saison sèche, varie de 1 à 9 (3,2 en moyenne) selon l’agriculteur. En regroupant les agriculteurs par type d’exploitation et par niveau de maîtrise du foncier, on note alors une occupation foncière plus ou moins importante en tomate (Tableau II-4).

Les agriculteurs du type C sont ceux qui ont le plus de parcelles de tomate, vraisemblablement lié à la plus grande surface dont ils disposent et à leur stratégie de vente. Les agriculteurs du type b3/gf1 ont deux parcelles de tomate en moyenne alors que les autres groupes de producteurs ont en moyenne environ trois parcelles.

Le tableau II-5 donne les surfaces maraîchères et celles de la sole de tomate pour les quinze exploitations suivies en 2003 (ces données n’ont pas été enregistrées en 2005). Les surfaces maraîchères sont très variables d’un producteur à l’autre, de 400 m² à 10 000 m², avec une moyenne de 3 166 m² (CV= 83%). Les individus du type C exploitent en effet des surfaces nettement supérieures à celles des autres types, ce qui est en cohérence avec la typologie réalisée par Soquet (2003), avec toutefois une forte variabilité au sein d’un même type.

La surface de la sole de tomate est variable, allant de 210 m² à 3 800 m² (CV = 75%). Elle dépendrait des ressources productives disponibles dans l'exploitation (terre, travail). Chez les producteurs qui ont une faible surface maraîchère (< 1 000 – 1 200 m²), la part de la sole de tomate dans l’exploitation est importante (en pourcentage), et le producteur réalise seul l’ensemble des opérations culturales. A contrario, ceux qui ont une sole de tomate relativement importante (> 1 000 m²) sont contraints de faire appel à de la main-d'œuvre extérieure (entraide ou salariée ou familiale). En effet, selon les enquêtes que nous avons menées, un individu peut gérer seul au maximum 800 à 1 000 m² de cultures maraîchères de plein champ. Pour la tomate, les travaux les plus exigeants en main-d’œuvre sont les opérations de conduite de la végétation (taille-tuteurage-effeuillage-ébourgeonnage) et l’irrigation. Pour une parcelle de tomate de 250 à 300 m², on estime à 4-5 équivalents jours de travail par mois les opérations de conduite de la végétation et un peu plus pour l’irrigation (5-6 équivalents jours, voire plus si l’irrigation se fait deux fois par jour) soit plus du tiers du temps de travail d’un individu. Les interventions sur la végétation s’effectuent à partir de la floraison jusque vers le début de récolte, soit pendant un mois et demi à deux mois environ, ce qui oblige à une disponibilité forte de main- d’œuvre à cette période et d’éventuels arbitrages au sein de l’organisation du travail dans l’exploitation. Sur l’exploitation, l’agriculteur gère différentes cultures en même temps dont la tomate. Chez les agriculteurs qui travaillent seuls sur leur exploitation ou qui recrutent peu de main-d’œuvre extérieure, ce fort besoin en main-d’œuvre pour la taille et l’irrigation de la tomate oblige à limiter la taille de la parcelle de tomate et à étaler les dates de plantation pour éviter des pics de travail auxquels ils ne pourraient pas faire face sans recruter du personnel.

Le pourcentage de surface cultivée en tomate en 2003 par rapport à la surface totale consacrée au maraîchage est indiqué au tableau II-5. On constate une forte variabilité de la part de la tomate au sein du parcellaire de maraîchage allant de 13% à 95% sans que l’on puisse relier ces variations à la taille de l’exploitation ou à des stratégies de diversification ou de spécialisation de l’agriculteur. En effet, chez des agriculteurs qui ont une grande surface maraîchère (> 3 000 m² par exemple), on observe une part réservée à la tomate de 18 à 95%. Chez ceux qui ont une surface maraîchère inférieure à 1 000 m² (Nou, Zmo, Msa), la sole tomate varie entre 53% et 85%. Le fait de se spécialiser en tomate peut présenter une prise de risque importante notamment sur le plan phytosanitaire, la tomate étant exposée à tout un cortège de ravageurs et de maladies. La diversification permet de limiter cette prise de risque.

Figure II-5 : Illustration de deux stratégies de gestion du calendrier des plantations de tomate : l’étalement et la concentration des plantations.

Cas de Zal - type b1 (2003) - étalement des plantations de tomate

Cultures/parcelle tomate P R P R P R P R P R P R P R P R concombre P R concombre P R

Cas de Ybo - type b1 (2003) - concentration des plantations de tomate

Cultures/parcelle tomate P R brèdes, laitue P R P R P R P R P R P R P R P R P R oignon P R concombre, courgette P R

Cas de Smd - type b2 (2005) : concentration des plantations de tomate

Cultures/parcelle tomate P R concombre P R brèdes P R P R concombre P R laitue P R brèdes P R maïs P laitue P R P R melon, pastèque P R

Légende : P = Plantations ; R = Récoltes

sept oct

mars avr mai juin

mars avr mai juin

nov déc

juil août sept oct nov déc

juil août nov déc

C’est ce que pratiquent les producteurs du type C et certains du type b1, mais pour des raisons liées essentiellement aux besoins de leur clientèle. La part de la tomate dans l’exploitation semble être plutôt reliée aux stratégies de commercialisation de l’agriculteur ; c’est ce que nous verrons au paragraphe suivant.

2.5.2. Nombre de cycles successifs de tomate sur la même parcelle

Le nombre de cycles successifs sur une même parcelle (NCS parcelle) dépend fortement de la date de mise en culture de la parcelle. Compte tenu de la durée de la saison sèche qui varie approximativement de sept à huit mois en fonction du régime pluviométrique de l’année, l’intervalle de temps entre deux cycles successifs de tomate est de un mois et demi à deux mois au maximum. Entre deux cultures, l’agriculteur doit désherber la parcelle et la débarrasser des résidus de culture du premier cycle, puis effectuer les trous de plantation manuellement. Chez les agriculteurs que nous avons suivis, aucun labour mécanisé du sol n’a été réalisé avant le deuxième cycle de tomate contrairement au premier. En effet, compte tenu que les parcelles de tomate sont relativement petites et que le reste de la zone cultivable maraîchère est cultivée en autres légumes en début de saison, le tracteur peut difficilement manœuvrer sur le terrain sans abîmer les cultures déjà en place. L’agriculteur préfère donc préparer manuellement le sol pour le deuxième cycle de tomate. L’intervention du tracteur en début de campagne couvre l’ensemble de la zone cultivable maraîchère, et non seulement la ou les parcelles destinées à être cultivées en tomate.

Si la première culture de tomate a été mise en place assez tôt pendant la saison sèche, soit au cours du mois d’avril et au plus tard à la mi mai, alors un second cycle de tomate pourra être réalisé et être achevé au plus tard au début du mois de décembre, avant les grosses pluies et les fortes chaleurs caractérisant la saison des pluies. Mais la date de première mise en culture dépend d’un certain nombre de facteurs exogènes à l’exploitation :

- la durée et l’intensité de la saison des pluies,

- la date de ressuyage des terres (qui est liée au facteur précédent),

- la date de passage du tracteur (si le labour mécanique a été choisi par l’exploitant), - la disponibilité en semences.

Dans notre échantillon, seuls trois producteurs (Zal, Ord, Mas) ont réalisé deux cycles successifs de tomate sur la même parcelle (NCS = 2). Les producteurs concernés par la double culture « tomate- tomate » ont une logique d’intensification et de profit maximum (« il faut produire tôt ou tard dans la

saison pour gagner de l’argent … »). Un deuxième cycle de tomate est également mené si la parcelle

n’est pas infestée par Ralstonia solanacearum, ce que les producteurs évaluent par le nombre de plants flétris au cours du premier cycle de culture.

Le manque de surface cultivable et la nécessité d’échelonner les récoltes peuvent ainsi conduire certains agriculteurs à réaliser deux cycles de tomate sur la même parcelle. Dans ce cas, la superficie effectivement cultivée en tomate est égale à la superficie de la parcelle de tomate (ZC tomate) multipliée par le nombre de cycles successifs (NCS parcelle). Cette notion de « surface développée » (Navarrete et Le Bail, 2006) concerne davantage les cultures à cycle très court telles que la laitue ou les brèdes mafanes où trois cycles successifs de ces cultures sur la même parcelle ont été observés chez plusieurs des agriculteurs suivis (Figure II-5).

La double culture « tomate-tomate » n’est cependant pas une pratique généralisée : les agriculteurs préfèrent réaliser l’étalement de la production en jouant sur le « NCsole » que sur le « NCS parcelle ». Cela signifie qu’au lieu de faire deux cycles successifs de tomate sur une même parcelle, l’agriculteur va réaliser deux plantations sur des parcelles différentes à des dates espacées. Ainsi, le NC sole correspondrait en fait à des séquences de semis. Pour pouvoir étaler les semis et les dates de plantation, l’agriculteur doit découper sa parcelle maraîchère en un certain nombre de petites parcelles sur lesquelles il réalisera des successions de culture avec un seul cycle de tomate par saison (NCS = 1).

Tableau II-6 : Etalement des périodes de plantation de la tomate sur l’exploitation durant la saison sèche en fonction du type d’agriculteur.

code

agri type

groupe

foncier (gf) Année fév mars avril mai juin juillet août sept oct nov déc

ADB b1 1 2003 HAT b1 1 2003 MBO b1 1 2003 NAI b1 1 2003 NOU b1 1 2003 YBO b1 1 2003 ZAL b1 1 2003 ZMO b1 1 2003 ADB b1 1 2005 SMA b1 1 2005 YBO b1 1 2005 SAA b2 2 2005 SMD b2 2 2005 SMY b2 2 2005 SSO b2 2 2005 ASO b2 3 2003 LEP b2 3 2003 MHS b2 3 2003 ABH b2 3 2005 ABS b2 3 2005 ALI b2 3 2005 LEP b2 3 2005 ORD b2 3 2005 ZKY b2 3 2005 ALA b2 4 2005 CBK b2 4 2005 INR b2 4 2005 MHS b2 4 2005 PET b2 4 2005 SMA b3 1 2003 ARI b3 1 2005 MAS C 1 2003 NBA C 1 2003 SSA C 1 2003 NBA C 1 2005

Figure II-6 : Evolution du prix de vente de la tomate bord champ (en euros/kg) en cours d’année (source : Lubac, 2002). 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 M A M J Jt A S O N D mois e u ro s / k g

Les agriculteurs évitent donc de faire deux cycles successifs de tomate sur la même parcelle pour des raisons sanitaires essentiellement (risque accru des bioagresseurs). La pratique de la double culture (NCS parcelle = 2) correspondrait à une forme d’adaptation à l’incertitude sur la ressource foncière (l’agriculteur ayant moins de surface qu’il pensait en avoir, parcelles à précédent inconnu) face à l’opportunité économique d’étaler la production pour bénéficier de prix élevés sur la saison.