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Du primat du phallique narcissique au primat du génital, la rencontre de la castration castration

SYNTHÈSE DES RÉFLEXIONS ET PROPOSITIONS THÉORIQUES DE LA PREMIÈRE PARTIE 

2.  LE CANCER DE LA PROSTATE, RÉVOLUTION DANS L’ÉCONOMIE LIBIDINALE 

2.5.  Que reste‐t‐il de l’organisation pulsionnelle génitale ?

2.5.2.  Du primat du phallique narcissique au primat du génital, la rencontre de la castration castration

R. Roussillon se demande avec finesse comment S. Freud peut expliquer ce qui « unifierait » les pulsions et « comment une pulsion établirait son ‘‘primat du génital’’ » (2009, p. 127). Reprenons ses différents développements sur la question. « La génitalité n’est pas seulement affaire de pulsion, elle concerne l’organisation du Moi en relation avec ses objets » soutient-il d’emblée (2009, p 128). Aussi, nous pourrions nous demander si le fait de ne plus avoir accès à la génitalité incarnée pourrait mobiliser une régression au primat du phallique narcissique et conjointement déstabiliser l’organisation génitale du Moi ? Nous pensons tout particulièrement à l’introjection pulsionnelle (cf. la solution génitale de J. Schaeffer, 1995). Serait-ce ce travail-là qui serait, entre autres, demandé au psychisme ?

Avant de tenter de répondre à cette question, revenons aux confins de l’organisation pulsionnelle. Ce qui est intéressant dans la pensée de R. Roussillon, c’est qu’il conçoit l’organisation pulsionnelle comme une « introjection progressive de la vie pulsionnelle qui s’effectuerait par ‘‘réorganisations’’ successives de la vie pulsionnelle par le Moi, en fonction du primat de certaines expériences significatives du processus de maturation de celui-ci ». En deçà du « primat du génital » que tout le monde connaît, R. Roussillon instaure ainsi un « primat infantile du phallique » qui consisterait en une « organisation prégénitale des mouvements pulsionnels ou encore en une réunification phallique-narcissique de ceux-ci ». Dès lors cela complexifierait et enrichirait le phallique infantile qui serait compris, non plus comme une pulsion partielle, mais, au contraire, comme une « organisation pulsionnelle qui tente(rait) d’intégrer l’ensemble de la vie pulsionnelle et rencontre(rait) la ‘‘castration’’ dans cette tâche » (Ibid. p. 129 et 130).

Paradoxalement, ce serait dans un mouvement rétroactif que la castration ouvrirait à la fois l’accès à la génitalité et exigerait une réunification des pulsions prégénitales sous le primat du phallique narcissique afin de pouvoir rentrer dans le temps adolescent ou génital. C’est parce qu’il y aurait un nouveau type d’introjection pulsionnelle qu’il y aurait réorganisation de la vie pulsionnelle qui avait antérieurement structuré l’appareil psychique. Alors qu’il rappelle par ailleurs le danger théorique de l’angoisse de castration, trop connue, peut-être galvaudée, qui pourrait prendre une valeur « fétichique » voire « idéologique », R. Roussillon nous invite à clarifier l’enjeu structural de la problématique de castration : « L’angoisse de castration, ou plus exactement la problématique de la castration, draine un enjeu structural pour l’organisation de l’identité et les paradoxes qui la constituent. Elle conjoint, en un nœud structural (…) identité (et identité trouvée paradoxalement dans et par la différence, c’est-à-dire identité construite à partir du non identique à elle-même), sexualité (et sexualité fondée sur la rencontre avec la question de la différence des sexes et de la différences dans le sexuel) et créativité » (1997, p. 78).

Dès lors, nous viennent quelques questions. Y aurait-il alors non pas une, mais des angoisses de castration ? Peut-être une angoisse plus structurante dans le sens où elle porterait la problématique de la castration et soutiendrait le nœud complexe entre identité, sexualité et créativité ? Une angoisse de castration que l’on pourrait alors qualifier « de vie » ? Et une angoisse de castration dans une valence plus traumatique, mortifère, qui comporterait la menace de la déliaison du nœud structural, angoisse qui pourrait dissocier le nœud identité- sexualité-créativité et, par conséquent, à la fois appauvrir le Moi mais surtout fragiliser

l’identité ? Dans quelle mesure le cancer de la prostate viendrait-il mettre à l’épreuve le Moi et l’identité et pourrait mobiliser une angoisse de castration dite « de mort » ?

Avant de tenter de répondre à ces différentes interrogations, il convient selon nous de continuer d’explorer les apports de la rencontre de la castration, notamment au niveau de l’introjection pulsionnelle. La castration, nous l’avons dit, suppose la rencontre avec la différence et mobilise la créativité d’intégrer du nouveau tout en restant le même. Elle remet donc au travail l’identité à travers l’épreuve de la sexualité. Pour R. Roussillon, l’introjection pulsionnelle, qui reviendrait à « intégrer {la pulsion} au sein de l’économie narcissique du Moi, ce n’est pas plier le Moi aux aléas de l’intensité des poussées pulsionnelles (…). C’est au contraire plier pulsions et réponses aux désirs de l’autre, au primat du maintien d’une organisation centrée et vectorisée par les impératifs de différenciation maintenant reconnus en voie d’intériorisation ». Puis, l’auteur ajoute que « chacune de ces opérations s’effectue au sein de l’alternative ‘‘intégrer ou perdre’’, intégrer ou se désorganiser, et perdre soi, perdre la chose si elle n’est pas intégrable ou se perdre soi-même si la réalisation veut se faire à n’importe quel prix. Elles bouleversent sa définition de lui-même, l’obligent à une réorganisation du sentiment de son identité » (1997, p. 83). Certes, tout cela résonne assurément avec le dilemme des patients ayant un cancer de la prostate (cf. supra, mourir debout ou vivre à genoux et comment rester un homme dans ces conditions ?). Certes, cela nous invite également à penser que le cancer de la prostate pourrait engendrer une véritable réorganisation pulsionnelle capable d’intégrer et d’introjecter les pulsions sans plier et faire ployer le Moi – ou bien une désorganisation sidérant l’économie pulsionnelle. Mais avant toute chose, cela suppose le potentiel organisateur et novateur de l’angoisse de castration qui signalera à chaque fois au sujet « les enjeux intrapsychiques narcissiques engagés dans ce mouvement d’introjection pulsionnelle, dans l’acceptation au sein du Moi de la revendication pulsionnelle ». Puis « la fonction de métaphorisation dans ce travail d’intégration et de métabolisation sera essentielle. La castration et l’angoisse qu’elle engendre est la principale source psychique de générativité métaphorisante du fait même de ses particularités » (ibid., p. 83).

Autrement dit, l’angoisse de castration permettrait une ouverture à la créativité, à la

différence et donnerait accès au symbolique par la voie métaphorisante. Elle permettrait non

seulement via les voies sublimatoires de changer de but pulsionnel et de « plier les pulsions », mais également de sortir du conflit binaire pour offrir la voie du tiers, et enfin, d’auto-réguler le Moi. L’angoisse de castration serait un espace transitionnel en tant que tel au niveau

pulsionnel permettant alors d’accéder à « l’organisation d’un principe de plaisir de la différence qui caractérise(rait) l’instauration d’une organisation phallique-génitale de la libido » (Roussillon, 1997, p. 84).

Ceci étant posé, revenons au cancer de la prostate et ses traitements, à la castration brute, brutale et violente qu’ils imposent et constituent, et à l’une de nos questions initiales. Le cancer de la prostate pourrait-il mobiliser, et si oui dans quelle mesure, une régression de la logique génitale à la logique phallique narcissique ?

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