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Bisexualité psychique Masculin primaire et virilité secondaire Bisexualité psychique

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS ET RÉFLEXIONS THÉORIQUES DE LA DEUXIÈME PARTIE

3.  À LA RECHERCHE DE LA VIRILITÉ PERDUE

3.2.  Que reste‐t‐il de la problématique identificatoire ?

3.2.3.  Bisexualité psychique Masculin primaire et virilité secondaire Bisexualité psychique

La bisexualité psychique, reprise par C. David, est une notion d’une complexité féconde. On pourrait la définir comme « l’instauration d’une polarité psychosexuelle intra- individuelle » (1992, p. 30). Elle donne au sujet, quel que soit son sexe, la possibilité de mobiliser des identifications masculines et féminines par introjection de la sexualité de l’autre sexe, et de réaliser un travail du masculin et du féminin conjointement et de manière dialectique. Ambivalente, elle aussi, la bisexualité psychique peut alimenter comme affaiblir la pulsion sexuelle. Elle l’amenuise quand elle tend vers la bisexualisation, la réduction de la différence des sexes. Portée par un fantasme d’androgynie narcissique, essentiellement toxique, elle serait alors un « appauvrissement érotique (…) un germe de dédifférenciation, bref de désexualisation létale » (ibid., p. 35). Mais la bisexualité psychique enrichit la pulsion sexuelle en libérant l’énergie bloquée dans les identifications conflictuelles. Elle introduit du

jeu au sens de Winnicott. C’est bien parce qu’il y a une reconnaissance de la différence des

sexes et de sa castration corollaire qu’il y a bisexualité psychique. Il y a « une synergie

dialectique de la bisexualité psychique et de l’angoisse de castration (…). La bisexualité

psychique implique en même temps une complémentarité virtuelle, potentielle par rapport à l’autre sexualité, à l’autre psychosexualité et, de par cette virtualité même, un rappel de l’incomplétude liée aux spécifications sexuelles » (ibid., p 58, souligné par l’auteur). Et c’est en ce sens qu’elle est féconde, pleine de dynamisme, génératrice de désir, celui d’aller vers l’autre, un autre qui, s’il m’est un peu accessible psychiquement, m’est fondamentalement différent. D’après C. David, à l’encontre d’une provocation lacanienne12, c’est bien parce

      

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: Faisant couler beaucoup d’encre et suscitant bien des interrogations, Lacan avait dit « Il n’y a pas de rapport sexuel. »

qu’il y a de la bisexualité psychique chez chacun, qu’il y a un rapport sexuel, que celui-ci peut

exister, et ce, bien que le post-coïtum animal triste en constitue un atterrissage forcé difficile.

Masculin et féminin, traitements du pulsionnel.  

Rappelons l’apologie du masculin dans nos sociétés. Celui-ci est dans le coup, branché. Il est de bon ton, de ton plus rock n’roll, d’être phallique, performant, érigé, actif, visible, puissant, dominant, pénétrant, voire sadique, plutôt que d’être invisible, trouble, cachée, châtrée, soumise, maso, intérieure, obscure, sans limite, programme peu réjouissant appartenant de manière caricaturale au registre féminin, moins hype, dans une tonalité plus secrète, plus « sonate en mode mineur », sous-entendant peut-être une valence dépressive. Plus qu’une apologie, il s’agirait d’un symptôme sociétal, et nous nous efforçons nous-même, dans ce travail, de ne pas réifier nos arguments théoriques en fétiches absolus, que nous brandirions, de manière arrêtée, sans nous laisser une possibilité d’ouverture, de lâcher prise personnel sur un inconnu susceptible de nous surprendre. Encore une fois, rappelons que les notions de masculin et de féminin, notamment en vertu de la bisexualité psychique, se retrouvent chez les deux sexes, et ceci, en dehors de toute considération anatomique. Ainsi, le féminin se rencontrerait plus souvent dans son refus (Schaeffer, 1997) que dans son envie (Hirt, 2003). J. André (1995), s’inspirant de J. Laplanche, parle d’un féminin primitif : il y aurait passivité dans la séduction inconsciente de l’enfant par l’adulte, celui-ci intromettant dans la jeune psyché de celui-là du sexuel et des signifiants énigmatiques. Bien que longtemps, voire pour toujours, intraduisibles, ces éléments seraient structurants de la future sexualité de l’enfant. D.W. Winnicott (1971) envisage le féminin comme un élément pur, renvoyant à l’être, le « être-plusieurs-en-un », dans une vision ontologique. J. André (1995), quant à lui, introduit de la romance « fleur bleue » d’une grande tendresse dans la définition, en considérant également le féminin comme ouverture à l’altérité en soi dans la dépossession amoureuse, quand les limites structurelles entre Moi et non Moi, liaison et déliaison, plaisir et déplaisir ont un peu lâché du leste. J. Schaeffer parle d’une ouverture au pulsionnel, au désir, à l’effraction nourricière de la pénétration participant d’un masochisme érotique féminin : « C’est du côté du féminin que se retrouve le plus inévitablement ce qui définit contradictoirement la pulsion sexuelle : d’être à la fois ce qui nourrit et effracte le

psychisme » (1997, p. 38). Polymorphe, ce féminin nous paraît pouvoir être défini de manière

capacités d’élaboration du Moi du sujet, ouverture débordante au fondamentalement « autre » du sujet, à un « indomptable étranger », indomptable car débordant.

Notons que pour J. Schaeffer (Ibid), et nous souscrivons à cette idée, le couple masculin/féminin est une co-création dans l’acte amoureux, co-création qui ne va pas de soi et sera toujours à reconquérir psychiquement, dans une dialectique masculin/féminin avec l’autre, co-création perpétuelle qui nous semble en résonnance avec les aléas de la subversion libidinale, sans cesse inachevée. En étudiant les sous-bassements inconscients du coïtus a

tergo, Jacques André nous aide à penser le féminin des hommes, dans son échec ou son

acceptation. Reliquat d’une scène primitive inconsciente, la femme en position animale érecterait parfois davantage l’homme car elle serait objet partiel (son visage est caché), ce qui permettrait également l’émergence et/ou la satisfaction du sadisme du mâle, répondant symboliquement au fantasme du père violent avec la mère. Le latent d’une telle scène est plus intéressant encore : fantasmée ou agie, celle-ci permettrait à l’homme de sauver et satisfaire sa double identification (sans choisir) au père pénétrant et à la mère pénétrée par le père ou par un homme, qui en serait le substitut. J. André écrit encore : « À mettre en perspective ‘l’évidence’ et ‘le secret’, la première (faite de sadisme érecté) n’est pas loin d’apparaître comme une position réactionnelle, fille du refoulement, où le sujet se défend dans l’agressivité contre une fantaisie sous-jacente où il est, cette fois, le pénétré » (1995, p. 102). Cette banale illustration du refus du féminin vient appuyer les propos de J. Schaeffer, pour qui l’homme devrait d’abord vaincre son propre refus du féminin, dépasser l’imago maternelle dévorante et phallique anale, pour ensuite défaire le refus du féminin de sa partenaire. C’est en arrachant à cette dernière la jouissance qu’il lui donnerait son féminin, tel le Prince de la Belle au bois dormant qui tue le Dragon érigé (de la Belle) pour réveiller la Belle endormie et étendue. En retour, c’est la capacité de défaite et d’accueil de la femme qui donnerait à son amant sa puissance et son masculin.

Comment pourrions-nous articuler le masculin de J. Schaeffer et la virilité ? De quel masculin parle-t-on ?

Masculin primaire et virilité secondaire.  

Afin de clarifier l’exposé de notre présente réflexion et celui de nos développements et propositions ultérieurs, nous allons diviser la construction de la virilité en deux. Nous

distingueront la virilité primaire (ou plutôt le masculin primaire) de la virilité secondaire, en les intégrant dans l’anamnèse des destins de la construction de la bisexualité psychique chez les deux sexes. De manière purement théorique, et dans une visée didactique, nous envisagerons trois temps.

- Premier temps : Féminin primaire pour tous, - Deuxième temps : Masculin primaire pour tous,

- Troisième temps : Construction de la bisexualité psychique avec un pôle plus marqué, plus manifeste et un autre, plus latent, au moment de la confrontation avec la tragédie de la différence des sexes.

Nous allons passer rapidement sur ces développements déjà connus et déployés supra, mais le féminin primaire découlerait de la néoténie du petit d’homme et se rencontrerait dans la situation anthropologique fondamentale (J. Laplanche), on retrouve là le féminin primitif de J. André. Le masculin primaire (à préférer à la virilité primaire car, nous l’avons vu, la virilité est complexe et articulée au genre) se construirait par rapport, par étayage et en opposition au féminin primaire dans l’érection du sujet et l’émergence du narcissisme et de l’auto- érotisme. Ce serait l’avènement du « je », et du « non ». Un masculin primaire fondamental qui permettrait de se différencier de l’autre. Ce serait le masculin « pur » de D.W. Winnicott. Il se retrouverait dans les deux sexes.

Puis, au stade phallique, la rencontre avec le deuxième effracteur nourricier de la différence des sexes permettrait la rencontre de la castration avec l’ouverture à la créativité déjà mentionnée supra, mais aussi avec l’ouverture dégageante de la possibilité fantasmatique de la bisexualité psychique. Chez les filles, il y aurait alors, le plus souvent, investissement d’une féminité secondaire à travers l’identification à la mère lors de la sortie du complexe d’Œdipe mais il y aurait également, de manière plus secrète et plus silencieuse, dans le latent, investissement d’une virilité secondaire. Cette virilité secondaire se retrouverait à la fois au niveau intrapsychique, en tant que mode de traitement du pulsionnel, mais aussi, parfois, en tant que stratégie de défense au niveau social. La féminité secondaire, quant à elle, se rencontrerait dans tout ce qui se montre, tout ce qui se voit, tout ce qui s’exhibe pour contre- investir la castration et ne pas faire peur aux hommes. C’est toute la féminité qui s’exprime dans les bijoux, les parures, les ornements et qui est en réalité très phallique.

Chez les garçons, l’investissement de la virilité secondaire passerait par une identification au père, sans oublier la part irréductible de féminité secondaire, beaucoup plus

silencieuse, car frappée d’ambivalence. En effet, la position féminine fantasmatique de l’être- pénétré par le père visant, d’abord, à l’incorporation de son pénis, puis, à l’intériorisation de sa puissance, et culminant dans l’identification, est à la fois honnie et secrètement enviée car excitante. Politiquement incorrecte pour beaucoup, cette position renverrait de manière trop brutale (en tout cas pour le Moi) à la pénétration homosexuelle. C’est tout le paradoxe de la constitution de la masculinité mis en exergue de manière subversive et si heuristique par S. Bleichmar : « le masculin ne se constitue que sur fond d’homosexualité, ou encore, pour être plus rigoureux, que sur des fantasmes qui ne pourraient être jugés par le moi que comme homosexuels » (2010, p. 52). Telle n’est pas notre question, mais il serait intéressant de discuter, peut-être ailleurs, l’autre proposition de Bleichmar, celle selon laquelle il serait incongru, voire anachronique ou infondé, de parler d’homosexualité inconsciente au moment de la constitution de la masculinité à l’appui de l’incorporation fantasmatique du pénis d’un autre homme, et ici du père, car cette incorporation se jouerait avant même l’inscription organisatrice de la différence des sexes dans le psychisme.

Mais parlons de cette virilité secondaire qui s’acquiert dans un jeu d’identifications alternant prises de position passive et active. Il nous semble que, dans sa construction, selon la

qualité des différents appuis sur lesquels elle s’étaie, la virilité secondaire pourrait avoir deux

destins ou deux solutions : une virilité que nous pourrions qualifier de névrotique et une virilité qui serait, elle, plutôt narcissique. C’est cette proposition que nous allons tenter d’argumenter.

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