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Nos trois terrains ont été choisis pour leur diversité, que l’enquête illustre abondamment.129 Diversité des formes de précarité (1), des modalités selon lesquelles elles mettent en question le syndicalisme (2), ainsi que des formes de résistance, de mobilisation collective et d’initiatives syndicales sur les enjeux associés aux précarités professionnelles (3).

C’est en parcourant ces trois registres que l’on organise la réflexion comparative qui suit, en relevant pour chacun les spécificités et des éléments communs [cf. Tableau comparatif ci-dessous]

Une question paraît alors privilégiée pour rendre intelligible les liens entre, d’une part, les formes de la précarité, et, d’autre part, les difficultés et les éventuels renouvellements de l’action collective et syndicale : quels sont, dans chaque cas, les modèles de stabilisation professionnelle qui demeurent offerts, imaginairement et réellement aux salariés précaires,130 et quelle place laissent-ils ou ouvrent-ils à l’action collective et syndicale ? Et la distance éventuelle – sociale, générationnelle, de sexe -, entre les profils sociaux des précaires et ceux des syndicalistes participe-t-elle des difficultés d’identification des premiers aux visions du monde du travail et de sa sécurisation portée par les seconds ?

1- Formes de précarité.

Si l’on reprend les trois acceptions de la notion de précarité distinguées par P. Cingolani – l’emploi et/ou le travail précaire, les salariés précaires, la précarité comme manifestation spécifique de la pauvreté 131– notre recherche, sans ignorer les deux dernières, a privilégié la première. On peut désigner comme précarité professionnelle cette première acception, sachant que nous l’étendons volontiers à la précarité des relations professionnelles. Nous avons approché cette précarité professionnelle à partir d’une grande entreprise (La Poste) et de deux secteurs d’activité économique (Pétrochimie, Restauration rapide) ; donc d’abord à partir du lieu de travail et du lien salarial. Sur ce seul plan, la moisson est très riche, qui met en exergue la multiplicité des processus de déstabilisation, de fragmentation, de fragilisation de l’emploi et du travail. Mais pousser un tant soit peu cet examen, c’est prendre en compte les deux autres acceptions de la notion de précarité. Celle des travailleurs précaires, de leur profil social et des expériences subjectives de la précarité associées, car il n’est pas de processus de segmentation et de hiérarchisation de la main-d’œuvre qui ne s’alimente - et ne nourrisse - des modes de domination sociale, relevant de rapports sociaux débordant la sphère de l’exploitation économique. Et celle de la condition sociale associée à la vulnérabilité économique. Il est probable que la diffusion importante de la notion de précarité dans la société française ces dernières années – de même que la notion voisine en ce sens, d’ « insécurité sociale » - soit liée au sentiment général d’appauvrissement et de fragilité économique au sein du salariat, ce dont témoignent clairement des propos recueillis auprès de certains syndicalistes et certains salariés. Mais ces deux autres acceptions de la notion de précarité n’ont pas pu être explorées de manière systématique sur les trois terrains de l’enquête.

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Même si, faut-il le rappeler, nous n’y avons pas rencontré les formes les plus radicales de précarisation professionnelle et sociale (travail clandestin, insertion durable dans la pauvreté assistée, privation de logement associée à la pauvreté laborieuse…)

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LA POSTE SOUS-TRAITANCE PETROCHIMIQUE RESTAURATION RAPIDE Précarité de l'emploi 1- CDD

2- Autres : CDI tps part. intérim, sous-traitance

1- Fragilité des sous-traitants 2- Emplois précaires chez les entr. sous-traitantes

1- Instabilité main d'œuvre 2- Temps partiel

Précarité du travail

Polyvalence,avec formation insuffisante Ex : facteurs "rouleurs

Externalisation du "sale boulot" dont : enjeu santé au travail Frag et précar. coll. travail Nomadisme géographique

Intensité du travail Horaires de travail flexibles et fragmentés

Précarité des relations professionnelles

"Abus" dans l'usage CDD "un CDD ne fait pas grève" Mais forte synd. chez salariés stables

Généralisée, sauf

chez quelques entreprises sous-traitantes de 1er rang

Généralisée sauf implantation Syndicale ponctuelle

Profil social de la main-d'œuvre

précaire

CDD : jeunes, mixité proches des postiers stables

Ouvrier, masculin

Qualifié (dont "mercenaires") Et non qualifié

Jeunes, mixité

Etudiants : orig. populaire Svt. immigrée. Très instables Autres sal. Moins instables

Avenir professionnel pensable pour

les salariés

Emploi stable à la Poste pour une partie importante

"Tenir" pour les

"mercenaires", stabilité de l'emploi et territoriale pour les autres

Quitter le restaurant et le secteur (majorité)

Promotion hiérarchique (minorité)

Mobilis. des précaires Non non Oui

Stratégie collective de sécurisation profession.

Respect code du travail Limiter l’emploi précaire Transformation CDD et CDI à tps part. en CDI tps complet

Respect code du travail Homogén conditions HSCT Limiter l’emploi précaire Reprise acquis en cas licenc.

Respect du code du travail Reconnaissance de l'ancienneté Obstacles spécifiques à l'action syndicale Télescopage syndicalisme fonctionnaire/salariat privé Division intra-salariale, organiques/sous-traitants Répression Instabilité, rapport

instr. au travail (étudiants) dispersion, soumission Répression. T. over syndical

Défi posés

Organiser les précaires Contenir la flexibilité interne Crise du syndicalisme peser sur avenir de La Poste

Organis les entreprises ST Sortir de l'entreprise, du site et de la branche :

Reconstruire entité pertinente Articul aide individuelle et mobilis collective crise du syndicalisme peser/avenir branche, firmes

Organiser les salariés Sortir de l'entreprise

alliance clients/autres forces Articul aide individuelle et mobilis collective. crise du syndicalisme

1-1 La précarité de l’emploi ne se résume pas à celle des statuts

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