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1-1 Faiblesse structurelle du syndicalisme dans l’hôtellerie restauration rapide

L’analyse des conflits qui ont émergé au cours de ces dernières années dans la restauration rapide fournit à son tour un éclairage particulièrement intéressant sur les formes de mobilisation et les processus de syndicalisation des travailleurs précaires. Activité particulièrement taylorisée, représentative des « bad jobs » de l’ère de la « mac donaldisation », la restauration rapide n’en reste pas moins typique du large secteur de l’Hôtellerie – restauration dans lequel elle s’insère. Une précédente recherche, menée dans le cadre d’un projet européen sur l’évolution du dialogue social dans les petites et moyennes entreprises95 nous a permis de dégager un certain nombre de caractéristiques relatives tant à l’organisation du secteur et à la composition de la main d’œuvre qu’aux relations professionnelles. Voici donc les principaux éléments de contextualisation que nous pouvons retenir afin de guider nos interprétations.

Tout d’abord, avec 865 000 actifs en 2004, le secteur des hôtels, cafés et restaurants (HCR) s’impose comme le principal employeur au sein des services aux particuliers. Il se distingue par son dynamisme - 110 000 emplois créés au cours des dix dernières années – et par une présence massive des petits établissements : 93 % des quelques 196 000 entreprises que compte le secteur emploient moins de 10 salariés96. Bien qu’en diminution, la part des travailleurs non salariés y reste importante : 25 % en 2004 contre 8 % pour l’ensemble des secteurs.

Malgré tout, ces caractéristiques structurelles n’excluent en rien la présence des groupes multinationaux. Ainsi, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie distingue-t-elle trois grands type d’organisation :

- Les hôtels et restaurants indépendants sont des entreprises indépendantes dans leur gestion, souvent à structure familiale, dont le capital est détenu majoritairement par le chef d’entreprise et/ ou ses proches.

- Les chaînes volontaires sont des réseaux constitués par des entrepreneurs indépendants désireux de mener ensemble et sous une même enseigne des actions de promotion et de commercialisation. Ex : les Logis de France, Châteaux et hôtels de France, Best Western, Interhotel, Restaurateurs de France.

- Les chaînes intégrées sont des réseaux d’entreprises créées et gérées dans une optique industrielle. Une société exploite un réseau d’hôtels ou de restaurants avec des statuts juridiques différents : filiale (le restaurant appartient en propre au réseau) ; mandat de gestion (seul le fonds de commerce est géré par la chaîne, les murs sont la propriété d’investisseurs) ; franchise (un investisseur-exploitant achète un savoir-faire pour exploiter son entreprise sous une enseigne moyennant le versement de royalties). La plupart des chaînes intégrées ont recours à ces trois modes de gestion. Ex : Mercure (Accor Hôtels), Courte-Paille, Buffalo Grill, Mac Donald, Pizza Hut…

Nous n’avons pu trouver, malheureusement, aucune donnée pour tenter d’évaluer le poids réel de ces trois types d’organisation et, à l’intérieur de celle des chaînes intégrées, l’importance relative des différents modes de gestion. Notons, toutefois, que les

95 Representation and voice in small and medium enterprises: monitoring actors, labour

organisations and legal frameworks (SMALL), Contrat n°: HPSE-CT-2002-00152, Projet n°: SERD-2002-00184

entreprises de ce secteur ont privilégié de longue date des stratégies de filialisation qui ont eu pour conséquence de multiplier les petits établissements autonomes sur le plan juridique, mais très dépendants dans les faits sur le plan organisationnel et financier. Dès lors, les frontières de l’entreprise apparaissent souvent floues, ce qui ne manque pas d’avoir un impact sur les instances de représentation du personnel.

Ainsi notamment, le corps électoral pour les élections au CE apparaît extrêmement restreint : environ 75 000 salariés seulement sont concernés par des élections CE au regard des 810 000 salariés : à peine 10 % des salariés de l’hôtellerie – restauration sont donc susceptibles d’être couverts par un CE.

Le secteur des hôtels, restaurants et cafés se caractérise également par la diversité de ses conventions collectives. Nous avons pu en identifier neuf sur le plan national, dont une déclinée en onze conventions collectives régionales. Cette dernière, qui n’est autre que la Convention collective des HCR (n°3292), est la plus importante. Résultat d’une quinzaine d’années de négociations entre les partenaires sociaux, elle a été étendue à l’ensemble du secteur le 3 décembre 1997. Subsistent ou coexistent, toutefois, à ses côtés huit autres conventions collectives parmi lesquelles se trouve celle de la Restauration rapide (n°3245).

L’instabilité des collectifs de travail constitue, enfin, une caractéristique particulièrement frappante de ce secteur. Selon l’INSEE, seulement un tiers des salariés y reste toute l’année dans le même établissement. Pour le reste, un quart travaillent moins de trois mois dans l’année dans le même établissement et 44 % moins de six mois97

. Le turn-over est donc extrêmement élevé.

Plusieurs explications sont avancées par l’Institut. La première est que cette forte mobilité est directement liée au caractère saisonnier de l’activité. Le recours aux CDD y est, en effet, évalué à 10 % des emplois contre 6 % dans l’ensemble des secteurs. Et, de fait, plus de la moitié des salariés comptabilisent au moins deux périodes d’emploi en 2000 et, parmi eux, seulement 45,8 % travaillent plus de 1000 heures dans l’année en cumulant les emplois. A l’inverse, un salarié sur quatre travaille moins de 200 heures par an et un sur trois moins de 500 heures, en cumulant ou non des périodes d’emploi dans le secteur.

Cette mobilité est également typique de celle qui est observée d’une manière générale dans les emplois faiblement qualifiés. Le fait est que la plupart des salariés de l’hôtellerie - restauration ont des niveaux de qualification très bas : 73,7 % de ceux qui sont à temps complet sont employés (serveurs, femmes de chambre…) ou ouvriers (cuisiniers, commis…).

Une troisième explication, enfin, renvoie au niveau des salaires, particulièrement bas dans ce secteur. A sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle, région et taille de l’établissement identiques, les salariés de l’hôtellerie, de la restauration et des cafés perçoivent en moyenne un salaire horaire inférieur de 11,3 % à ceux du secteur privé et semi-public. Ajoutons que ces salariés travaillent beaucoup plus souvent que les autres à temps partiel (25 % contre 16 % dans les autres secteurs). De fait, en 2000, les salariés de ce secteur ont perçu un salaire net horaire moyen de 7,22 euros et leur salaire net annuel moyen s’est élevé à 14 900 euros. La recherche d’un gain plus élevé motiverait un comportement particulièrement mobile.

Au-delà de ces explications, nous pouvons aussi évoquer le fait qu’il s’agit d’un secteur employant un important volant de main d’œuvre estudiantine. Les données manquent pour en évaluer l’importance, mais nous pouvons remarquer que la main d’œuvre y est particulièrement jeune. La moyenne d’âge des salariés de l’hôtellerie – restauration est de 34,4 ans, soit 5 ans de moins que les salariés du secteur privé et semi-public. Près de la

97 “ L’hôtellerie, la restauration et les cafés, un secteur très spécifique en termes d’emploi et de

moitié des salariés sont âgés de moins de 30 ans. Il s’agit de même d’une main d’œuvre travaillant beaucoup plus fréquemment à temps partiel que les salariés des autres secteurs : un salarié sur trois travaille à temps partiel.

Enfin, le poids des travailleurs clandestins paraît lui aussi être important. Le Cereq estime qu’un travailleur du secteur sur quatre n’est pas déclaré comme salarié.

Ces particularités sociales et démographiques entravent clairement l’implantation et le développement du mouvement syndical.

S’il suffit généralement de contacter les différentes confédérations syndicales pour finir par se faire une idée, même approximative, de la syndicalisation des salariés d’un secteur d’activité donné, il paraît en revanche beaucoup plus difficile d’accéder à une connaissance de la réalité de l’activité syndicale, de la représentation du personnel et des relations sociales par ce moyen. Cela semble être d’autant plus vrai dans le secteur de l’hôtellerie – restauration où les interlocuteurs sont multiples et ne connaissent chacun qu’une faible part de la réalité d’ensemble.

L’implantation syndicale, tout d’abord, apparaît relativement clairsemée. Les confédérations ne parviennent à rassembler tout au plus que quelques milliers de salariés. A titre indicatif, le syndicat HTR-CFDT de la Région parisienne, qui est le groupement le plus important dans la profession, déclarait 4000 adhérents au début de l’année 2003. Les autres confédérations sont moins implantées dans ce secteur. Mais il existe tout de même un syndicat national de l’hôtellerie et de la restauration à la CGT (rattaché à la fédération du Commerce) et un autre chez FO (rattaché à la fédération de l’Agriculture, alimentation, tabacs, allumettes et services annexes).

L’une des conséquences de cette faiblesse en termes d’effectifs est que les

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