• Aucun résultat trouvé

La mise en place du « Tri Alpha »

Le Tri Général (TG) est l’ensemble des opérations aboutissant à la répartition de l’ensemble du courrier parvenu à l’unité territoriale en autant de « tournées » qu’elle en comporte. Dans le mode d’organisation traditionnel, l’ensemble des facteurs – sauf les CDD « rouleurs » - y participent, avant de procéder chacun au tri de préparation de leur propre tournée.

Le regroupement du Tri Général de plusieurs centres de distribution et son exécution par des agents spécialisés – agents de tri – sont présentés par les responsables de la Poste comme un outil de croissance de la productivité et de rationalisation au service des clients, supposé réduire le taux de « non adressages » dans les grandes zones urbaines. La possibilité d’affecter dans ces nouvelles brigades de tri des personnes sans expérience est aussi présentée comme « un de ses intérêts » par le directeur de l’Unité Principale : « On peut plus facilement y affecter des personnes sans aucune expérience : dans un centre classique, on évite d’y mettre les CDD, ici non. » De plus ce sont des CDD a temps plein qui y travaillent, même parfois avec des heures supplémentaire, alors qu’un CDD ailleurs ne faisant pas le TG, souvent n’est pas à temps plein. ». De ce point de vue la nouvelle organisation remplit en partie le rôle des « centres de traitement d’entre aide » - au nombre de deux dans le département - qui participent de la fluidification de la distribution, y compris en cas de conflit.

Le principe est le suivant : « on ne tient plus compte du code postal ».Les opérations comprennent trois étapes - le TGA, le TGB, et le TG final. Première étape : le courrier est trié alphabétiquement, selon la lettre par laquelle commence le nom de la voie. Seconde étape : le courrier correspondant à chaque lettre de la voie est trié par nom complet de voie. Troisième étape : à l’aide d’étiquettes de couleur correspondant chacune à une tournée, toutes les voies correspondant à telle tournée sont regroupées dans des caissettes. Les caissettes sont rassemblées dans des camions qui livrent dans les UD le courrier ainsi classé par tournée. Dans l’UD ne reste plus à faire que le tri de chaque tournée (coupage et piquage). Le passage au « TG4 », allant donc jusqu’au tri préalable au sein de chaque tournée selon l’ordre de la distribution, n’est pas à l’ordre du jour, mais semble être envisagé. La nouvelle « brigade de tri » affectée au tri alphabétique a été constituée principalement d’agents fonctionnaires et contractuels ré-affectés – pour partie pour des raisons de santé – et secondairement par embauche de jeunes CDD.

Si la direction admet que la phase de mise en place du tri alpha s’est traduite par des dysfonctionnements, elle affirme que le taux de non adressages a sensiblement diminué. Les syndicalistes continuent de mettre en doute l’efficacité technique de ce nouveau mode d’organisation, la même appellation pouvant concerner plusieurs voies et/ou plusieurs types de bâtiments.

Après le conflit du début 2005, la reprise du travail s’effectue dans un climat mitigé pour les postiers. Si la moitié des emplois menacéd a été sauvée et une petite prime arrachée, le tri alphabétique se met bel et bien en place : la plupart des facteurs de l’agglomération – sauf ceux de l’unité locale à laquelle a été confiée le tri général - ne participent plus au TG3 et voient leur tournée allongée. Depuis la conflictualité collective est faible, et le mouvement de syndicalisation est resté modeste. Le délégué syndical CGT l’estime à 10 à 15% des effectifs dans l’unité locale. Les rapports entre l’encadrement local et les syndicalistes sont nettement plus tendus que dans le centre de distribution précédent. Le regard porté par le directeur adjoint sur les jeunes CDD et CDI est sévère : il les trouve peu « motivés » et peu « ambitieux », ils relâchent leur effort au travail lorsqu’ils ont obtenu leur CDI….

La grève de mars 2005

Début 2005 est annoncée la mise en place de la nouvelle DDU à l’échelon de l’agglomération urbaine, la suppression du TG pour les facteurs, l’allongement de leurs tournées, la suppression de 25 tournées et de nombre de repos de cycles. Partie le 1er mars de l’unité locale, la grève gagne rapidement les unités de distribution de la ville et s’étend à tout le département. Elle touchera 35 des 49 bureaux et les deux tiers des 2 400 facteurs du département et durera près de trois semaines. On note même la participation de quelques CDD. Les revendications portent sur le refus du tri alphabétique – les facteurs demandent à conserver la réalisation du TG -, la défense des emplois et des repos de cycle. Mais, selon le responsable local de la CGT, c’est au fond d’abord d’une protestation contre la dégradation des conditions de travail qu’il s’agit: « ça a été un ras-le- bol, de toujours frapper sur la distribution, alors que les gens finissent généralement plus tard, 15- 20 minutes chaque jour en fin de semaine ça fait quand même pas mal, dès fois sans prendre des pauses…Quand le vérificateur vient, on doit aller à une allure normale, quand il est pas là on court toujours ! »

La remise en cause du projet de DDU étant jugée non négociable par la direction, elle finit par trouver une issue au conflit en revenant sur une partie des suppressions d’emploi et du réaménagement des repos de cycle, en cédant une prime et des tickets restaurant au personnel de l’unité locale, une prime pour les agents de la nouvelle brigade matinale du TG et un aménagement des retenues sur salaire pour grève. Compte tenu de la force du mouvement, ce bilan paraît maigre aux yeux du délégué syndical local. Pour le responsable départemental il est plus positif, car c’est l’ensemble des réorganisations du travail qui est considérablement freiné dans le département, ce que reconnaît volontiers par ailleurs, pour le déplorer, la DRH. Un « relevé de conclusion » transmis aux syndiqués à l’issue du conflit est consacré d’abord aux questions d’emploi (limitation du « taux de vacance d’emploi », transformations de CDD et de CDI à temps partiel en CDI à temps plein), puis aux questions d’organisation et de temps de travail, enfin aux « principes des réorganisations futures » : toute organisation sur la base du « tri alpha » est différée jusqu’au terme d’une expérimentation de six mois, et que les « chiffres et méthodes de calcul » du trafic doivent être transmis par les directeurs d’unités aux agents qui en font la demande.

Le délégué CGT, 42 ans, est rentré à la Poste sur concours en 1982, Il travaille comme facteur dans la zone la plus proche de l’UP depuis près de 20 ans, mais ne s’est syndiqué qu’en 2003. Très impliqué dans ce mouvement, il en fait un bilan plus négatif que ses collègues syndicalistes responsables départementaux : si l’alphabétisation et la mécanisation du tri semblent gelés ailleurs, ils n’ont pu être empêchés ici, et plusieurs tournées ont été supprimées. Pour lui, nul doute que les tournées s’allongent et que les conditions de travail se dégradent. Depuis la reprise du travail laquestion des CDD semble avoir été la première de ses préoccupations. Sa pratique est celle d’une vigilance constante, à la fois générale et individualisée, sur les transformations d’emploi en CDI et leurs conditions, vérifiant par exemple qu’en cas d’échec aux tests, les personnes bénéficieront de la formation prévue par l’accord « On leur a mis un peu la pression au début, maintenant un peu moins, ils cdisent ». Au point qu’il a le sentiment de faire plus pour les précaires que pour les autres. Il n’est pas loin de partager, en symétrique, la critique de non reconnaissance adressée aux CDD par un des directeurs : ce dernier leur reproche de se désinvestir professionnellement une fois cdisés ; le délégué leur reproche plutôt de ne pas se syndiquer. En fait cette critique est celle qu’il adresse à l’ensemble des non syndiqués de l’UP, jugés insuffisamment mobilisés et syndiqués. Refusant la « politique de la carte », il envisage de freiner son activité syndicale, en espérant que l’expérience amènera les agents à davantage se prendre en charge et se mobiliser collectivement.

3- Précaires et syndicalisme

3-1 Les CDD et CDI récents de la distribution dans le

Outline

Documents relatifs