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2-3 L’accord départemental de dé-précarisation

Il faut attendre le 13.02.2006, soit plus d’une année après la signature de l’accord national, pour que les mêmes organisations syndicales s’entendent avec la DOTC sur sa déclinaison locale concernant la dé-précarisation [encadré]. Ce laps de temps s’explique par le climat social particulièrement tendu dans le département, symbolisé par trois semaines de grève de la distribution en mars 2005. Pendant plusieurs mois, le dialogue social est au point mort. Les discussions reprennent fin 2005, avec, selon le responsable du principal syndicat de la CGT54, une forte volonté d’ aboutir du côté de la DRH, liée à la nécessité de faire un geste fort dans le sens de la détente : « elle devait se racheter une crédibilité ».

Ce responsable insiste également sur la portée symbolique de l’accord dans le contexte du conflit sur le CPE, où « on se dirigeait peut-être vers la disparition du CDI ». Il affirme avoir conduit la négociation dans une double perspective, la première plus offensive, la seconde plus défensive.

Dans une perspective offensive, il s’agit de CDIser le plus grand nombre de CDD et de permettre le plus grand nombre de passages à temps plein : « on est passé de 300 à 550, 400 CDD transformés en CDI et 150 CDI à temps incomplet passés à temps complet ». Il s’agit « que les gens qui entrent dans la boîte aient une perspective de CDI le plus rapidement possible » : c’est, notamment, le critère des « 2 ans d’utilisation régulière » pour tous ceux qui ont déjà passé les tests55, et qui sont donc déjà dans le « vivier », ce

53 Déclaration du 3 novembre 2004.

54 Principal syndicat (1600 membres) qui couvre le métier « Réseau Grand Public », et l’essentiel

du « Courrier », hors centres de tri. Ces derniers ont leur propre syndicat, ainsi que les Services Financiers. Le syndicat des centres de tri a refusé de signer l’accord, jugeant les concessions avec les principes syndicaux trop importantes.

55 La réussite à ces tests de connaissance – de niveau BEPC – conditionne l’embauche sur CDI.

On pouvait recruté pendant plusieurs mois sur CDD sans y avoir été soumis, ce qui introduisait un facteur supplémentaire d’incertitude.

qui représente « une énorme avancée pour les CDD », précise ce responsable, qui a lui- même attendu quatre années en CDD avant d’obtenir son CDI. Dans une perspective défensive, il s’agit de limiter et d’encadrer des concessions jugées inévitables sur des principes syndicaux. Ainsi, reconnaître le droit à l’employeur de faire passer des tests après l’embauche sur CDD est une concession, contraire au code du travail. Mais le délai est limité à 3 mois, et si la Poste « oublie » de les faire passer, les personnes glissent automatiquement dans le « vivier prioritaire ». Et en cas d’échec aux tests, ou d’absence de permis de conduire, l’employeur s’engage à aider les CDD. Ainsi, concernant la flexibilité interne (l’acceptation de « volant multi-sites ») : plutôt que de laisser La Poste gérer unilatéralement ces « volants », des garanties et des contre parties sontactées dans l’accord : le nombre de sites est limité à trois, la distance maximale entre sites à 30 km, la sédentarisation est garantie dans les deux ans, et les intéressés bénéficient de la participation à l’achat des tournées.

L’accord départemental

Art 1 : limitation à 4% du taux de vacances d’emplois en 2006 comme en 2005. -« Les emplois vacants seront comblés par des ressources prioritaires (reclassements, réintégrations, mobilité, apprentissage, et promotion) , puis passage à temps complet des CDI, et enfin la transformation des CDD en CDI ».

Art 2 : « il sera exceptionnellement proposé aux CDI à temps incomplet des positions de travaux de volant de remplacement mutualisé sur plusieurs sites, sur la base du volontariat »

Art 3 : « réduire le nombre de CDD et de les transformer en CDI dans un délai maximal de 2 ans d’utilisation régulière ». Il sera exceptionnellement proposé aux CDD du vivier prioritaire des positions de travail de volant de remplacement mutualisé sur plusieurs sites, sur au maximum 3 sites, avec une distance maximum de 30 km. Sédentarisation au bout de deux ans si l’agent le souhaite ». et participation à la vente des quartiers sur les bureaux où il roule.

Art 4 : Vivier prioritaire : les CDD ayant déjà réussi les tests écrits et ayant travaillé au cours des 12 mois glissants. «Le choix du recruteur s’appuie sur des critères transparents : ancienneté (jours travaillés et premier contrat), appartenance éventuelle à l’établissement, aptitude à exercer le poste. Aide aux CDD ne pouvant passer en CDI faute de permis. Formation de rattrapage en cas d’échec aux tests. Nombre de transformations : 3% des 10 000 feraient 300. Engagement sur 400 d’ici fin 2007, sachant que 164 ont déjà été réalisées depuis fin 2004

Art 5 : Tout nouveau CDD (hors étudiant) se verra proposer des tests écrits et la visite médicale dans les trois mois. A défaut, le CDD est réputé donner satisfaction et être apte et intégré dans la liste de référence des CDD prioritaires.

Dans un argumentaire joint au texte de l’accord, la DOTC apporte des précisions, dont celle-ci : les nouveaux CDD seront recrutés sur la base des conditions pour être intégré en CDI (niveau I-2) ; diplôme CAP, BEP, Brevet des collèges ; permis B ; permis de conduire des 2 roues ; extraits de casier judiciaire. Pour être nommé en CDI il faut obtenir la note 10 aux tests écrits, être reconnu apte par le médecin de la prévention professionnelle, réussir l’entretien oral.

Si la CGT peut s’enorgueillir d’avoir au plan départemental amélioré les orientations de l’accord national – accroissement de l’effectif concerné, limitation des contre parties en termes de sélection et de polyvalence – la DRH engrange avec satisfaction une amélioration du climat social – les syndicats ont mis en sourdine leur dénonciation publique de la précarité à la Poste -, quelques progrès en matière de flexibilité interne, et ce dans un contexte départemental ou le niveau des transformations d’emploi peut être supérieur au niveau national, compte tenu d’un taux de vacance d’emploi supérieur : à près de 10% en 2004, il peut ainsi être rapproché de l’objectif national de 5%.

Plus important peu-être, cet accord met en forme des règles de recrutement et de stabilisation des nouveaux facteurs et agents de tri susceptibles de normaliser quelque peu des pratiques locales très diverses au niveau des établissements.

On a donc affaire à un compromis où le syndicat participe d’une réduction quantitative de l’emploi précaire et d’une diminution qualitative de la précarité – les nouveaux CDD peuvent plus facilement s’inscrire dans une perspective temporelle normée de stabilisation [encadré] – et où la direction régule l’embauche et la gestion des débutants dans une perspective plus favorable à leur engagement professionnel et à la qualité de service. Son souhait est d’ailleurs de pouvoir accroître le recours à l’apprentissage au détriment des CDD.

Reste qu’un tel accord de « dé-précarisation » peut également être interprété comme une régulation-institutionnalisation d’une norme d’embauche et d’insertion par l’emploi précaire. Une telle interprétation serait validée si à l’avenir le recrutement direct sur CDI ne se substituait pas de manière significative à la pratique d’embauche via le CDD devenue dominante depuis les années 1990.

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