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CDD et ex-CDD de l’activité courrier interviewés

Portrait 2. Laurence, 32 ans

Nettement plus âgée que Joséphine, dotée d’atouts sociaux et scolaires plus solides – son père est infirmier militaire, elle a un BTS - Laurence est pourtant toujours dans la même situation : celle d’une salariée en CDD attendant avec impatience sa transformation en CDI. Deux raisons l’expliquent probablement. Elle n’est originaire ni du quartier, ni de la ville – elle n’a d’ailleurs aucune connaissance dans le bureau préalablement à son recrutement -, et elle est restée plus longtemps indécise quant à son avenir. Originaire de la Côte d’Azur, elle part d’abord travailler deux années à la Poste sur Paris avant de revenir dans le Sud rejoindre son nouveau compagnon, postier également, mais avec qui elle ne vit pas. Elle reprend alors des études, mais abandonne quelques mois plus tard. Voilà donc cinq ans qu’elle travaille comme factrice rouleuse sur CDD pour le même bureau de Poste – le seul qui fasse appel à elle - dont les deux dernières années de manière quasiment continue. Pas plus que Joséphine elle ne se voit factrice à vie – elle juge ce travail trop routinier * - elle envisage de préparer des concours soit au sein de la Poste, soit dans d’autres administrations, comme l’Hôpital.

Compte tenu de son parcours on comprend que Laurence s’affirme moins assurée que Joséphine quant à son avenir immédiat. Son bail venant à terme elle doit d’abord penser à se re-loger. Elle n’a pas encore pu passer le permis de conduire, qui conditionne l’accès au CDI. Et puis la précarité, c’est aussi risquer d’« arriver le matin sur une tournée qu’on connaît pas ».

Concernant l’action collective et le syndicalisme, sont point de vue ressemble fort à celui de Joséphine : « nous, on est coincé, on peut pas se permettre de faire grève. On aimerait bien, mais comme on est sur CDD c’est pas possible ». Le Délégué Syndical, qu’elle appelle par son prénom, est appréciée tous les « renseignements » qu’il donne aux CDD. Elle n’a jamais voté lors des élections professionnelles, mais elle « verra » quand elle aura son CDI.

*Elle insiste sur la « facilité » et la « routine » du métier de facteur lors de sa tournée, à pied, au cours de laquelle nous l’avons suivie. Cette semaine-là, elle remplace un facteur « en repos de cycle » Elle y est manifestement connue et appréciée des quelques « clients » - c’est son mot- que nous rencontrons. C’est une des tournée qu’elle connaît le mieux, et qu’elle apprécie. Elle la bouclera en trois heures,- mais sans prendre sa pause réglementaire de 20 minutes – à une allure plutôt moyenne aux yeux de l’observateur, mais très régulière.

-Portrait 3 : Jean, 48 ans

« On est pas à la mine, mais c’est pas la planque »

Jean fait partie de cette petite minorité, parmi les facteurs de sexe masculin récemment cdisés, qui ont connu un long parcours dans le secteur privé avant d’entrer à la Poste. D’origine populaire – père cuisinier dans la Fonction Publique, mère au foyer – il échoue au CAP et devra attendre son service militaire pour obtenir son permis Poids Lourd. Il travaille 18 ans, comme chauffeur-livreur salarié dans trois entreprises différentes, devient contremaître et finit par créer sa propre entreprise de livraison. Celle-ci se révélant non viable économiquement, il est embauché sur CDD au bureau de Poste d’abord comme chauffeur, puis comme facteur. Travaillant rapidement de manière quasiment ininterrompue, il obtient son CDI deux ans et demi plus tard.

Si Jean reconnaît avoir connu des périodes difficiles – suite à la faillite de son entreprise, il s’est retrouvé quelque temps sans ressources et « même à la CMU » - il dit ne s’être jamais senti précaire, car ayant toujours su trouver du travail. Il met en avant son côté débrouillard et « pas dépensier » pour éclairer un rapport fondamentalement confiant dans sa vie, au-delà des aléas de sa vie professionnelle. Avec sa première femme, infirmière, il a pu accéder à la propriété du logement, ce patrimoine l’ayant aidé à passer des caps délicats. Il vit désormais en location avec sa nouvelle compagne dans un superbe « mas » pour le somme modique de 500 euros par mois. Bien sûr il apprécie son nouveau statut d’emploi, notamment parce qu’il reste exigé pour tout achat d’importance. Mais il estime honnête son salaire de 1300 euros. Il apprécie ce nouveau métier dans lequel l’intensité du travail et la pression hiérarchique sont moindres que celles qu’il a pu connaître – « on est pas à la mine ici ». Il comprend en même temps que les facteurs anciens jugent à une toute autre aulne l’évolution de leur condition, et qui lui objectent « il y a trente ans, c’était pas comme ça ».

Contrairement à Joséphine et à Laurence, il terminera très probablement sa vie professionnelle comme facteur. Cela ne l’empêche pas d’entretenir le même rapport distant au syndicalisme, même si il a participé à la grève contre la réforme des retraites : « je m’en fous moi, je suis pas trop syndicats ». Certes il leur reproche leur émiettement, et constate que la séparation des différentes activités postales affaiblit la solidarité entre postiers. Mais plus fondamentalement ils n’ont guère de place dans sa vision du monde social en général - on peut améliorer son sort pour peu qu’on le veuille, et « être bien avec tout le monde » facilite la vie - et de son lieu de travail en particulier, où l’encadrement « ne commande même pas ».

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