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Orselli Jean, « Usages et usagers de la route, mobilité et accidents 1860-2008 », Conseil général de

1 LE DÉVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE DE L’AUTOMOBILE

47 Orselli Jean, « Usages et usagers de la route, mobilité et accidents 1860-2008 », Conseil général de

72 L’adaptation du réseau existant : le milieu urbain dense

En milieu urbain, la problématique principale est celle de la gestion des conflits, que ce soit les conflits entre véhicules ou les conflits entre un véhicule et un autre usager de la route. En effet, dans les espaces bâtis des zones urbaines de Londres ou de Paris, le milieu urbain est très dense et peu d’aménagements physiques sont possibles. Une série de mesure furent donc prises pour réguler la circulation et ordonner la gestion de ces conflits. Les principales mesures incluaient :

► la mise en place de marquage au sol ; ► le renforcement de l’éclairage urbain ;

► la mise en place de passages piétons et de bordures de trottoirs ; ► la création d’une police régulant la circulation et de feux tricolores.

Le marquage au sol en France et en Grande-Bretagne correspondait à une copie de ce qui était pratiqué aux États-Unis. Le type de marquage développé au fil du temps fut différent, mais la délimitation des voies de circulation opposées fut adoptée rapidement.

Pour l’éclairage, cela concernait aussi bien le réseau que les véhicules. L’éclairage urbain durant la nuit était cependant peu mentionné, alors que l’obligation d’équiper les véhicules avec des feux apparut très tôt.

En ce qui concerne les piétons, des passages piétons furent aussi mis en place ainsi que des bordures de trottoirs surélevées. Des discussions quant au besoin d’installer ces bordures, et donc des trottoirs dans les zones rurales, eurent lieu, mais le projet fut abandonné aussi bien en France qu’en Grande-Bretagne. Une telle considération impliquait l’acceptation de faire cohabiter les piétons avec le trafic motorisé et les véhicules non motorisés qui circulaient encore sur le réseau au début de la période.

Pour la gestion de la circulation, la régulation du trafic eut rapidement besoin de feux tricolores. Traditionnellement, des policiers régulaient les intersections les plus encombrées aux heures de pointe, mais cela ne réglait pas les problèmes de sécurité le reste du temps. En outre, lorsque le trafic était très dense, il pouvait être nécessaire de coordonner différents carrefours entre eux au moyen de feux de circulation, type d’équipement déjà testé dans les années 1920 à Paris comme à Londres. La Figure 9 montre un exemple de ce type d’aménagement à Paris. Les feux tricolores furent donc dès leur origine utilisés pour des raisons de sécurité routière et des raisons de gestion de la circulation congestionnée.

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Figure 9 Exemple de synchronisation de feux de circulation à Paris

L’adaptation du réseau existant : le milieu rural et périurbain

En milieu rural et périurbain, en revanche, il était tout à fait possible d’aménager, pour des coûts acceptables, les routes existantes. Dans ce contexte, il s’agissait vraiment d’adapter la route aux nouvelles vitesses pratiquées. Il fallait donc définir :

► la qualité des couches de roulement et du drainage ; ► la géométrie en plan des routes et des carrefours.

La qualité des couches de roulement consistait d’abord à éviter la présence d’ornières et de nids- de-poule sur la route. En effet, ces défauts de chaussée étaient importants car ils pouvaient causer des accidents et endommager sérieusement les véhicules. Plus la vitesse de la circulation était élevée, plus les couches de roulement, partie visible de la route, devaient être en bon état. La question du drainage était aussi importante car la présence d’eau sur la chaussée risquait d’occasionner des glissades, en plus d’endommager la route par des infiltrations.

Pour ce qui est de la géométrie en plan, ce problème est typiquement européen. En effet, traditionnellement, les routes vicinales ont été le résultat d’un usage local (France) ou d’une délimitation par les autorités de l’époque (Angleterre). Dans les deux cas, les chemins eurent tendance à respecter la délimitation des parcelles de terres cultivées, ce qui parfois donna lieu à des géométries routières compliquées. Les virages et les courbes résultant de ce processus ne furent donc pas, la plupart du temps, adaptés à la circulation automobile. Cette circulation à grande vitesse sur le réseau impliqua donc, pour des raisons de sécurité, une nouvelle conception

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des routes. Comme nous le verrons dans les sections suivantes, le besoin d’acquérir du terrain pour réaligner les routes est encore un sujet contentieux en Grande-Bretagne.

Les autoroutes

Le cas des autoroutes est particulier car il est question d’une infrastructure faisant directement concurrence aux types de déplacements desservis par le chemin de fer. Il ne s’agissait donc pas simplement d’adapter l’infrastructure à la vitesse, mais aussi de doubler un service déjà existant. Cette infrastructure étant spécifiquement construite pour les véhicules individuels motorisés, les autres usagers de la route en étaient exclus (piétons, cyclistes, véhicules à traction animale…). En outre, une vitesse minimale était le plus souvent préconisée.

Conçue dès l’entre-deux-guerres, initialement dans des buts stratégiques, en Allemagne et en Italie, ce type d’infrastructure correspondait au renouveau du type de route dédié aux déplacements à longue distance, comme pouvaient l’être les routes d’empire dans l’Antiquité. Il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour voir ce type d’infrastructure apparaître en France et Grande-Bretagne.

Synchronisation des développements techniques

La conclusion forte qui ressort de l’examen du développement des techniques sur le réseau routier est que tous les éléments fondamentaux du réseau ont été développés très rapidement, à la suite de la stabilisation du design automobile et de sa croissance en nombre.

En effet, si les objets techniques comme les feux de circulation, les autoroutes… sont beaucoup plus présents de nos jours, il est difficile de trouver une technologie de contrôle de la circulation qui n’ait pas été inventée et mise en service dès les années 1920. Bien évidemment, ces outils ont suivi les progrès auxquels on pouvait s’attendre : meilleurs matériaux, optimisation des procédés, informatisation, etc. Cependant, fondamentalement, rien ne semble nouveau.

Ce que l’on peut dire, c’est que l’automobile développée au début du XXe s. reste relativement

inchangée. L’administration au service du développement du réseau, quant à elle, a dû s’adapter pour assurer la mise en place du réseau.

Les contraintes financières

Comme nous l’avons vu précédemment, le développement d’une infrastructure routière relève d’une défaillance du marché. En effet, il ne serait pas efficace d’un point de vue économique de faire payer directement les usagers de la route, car le coût d’une telle opération aurait été trop important avec les moyens de collecte classique. Cela aurait pu aussi engendrer une perte économique pour le pays en réduisant la mobilité.

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Dans ce contexte, l’augmentation de la vitesse et de la distance parcourable par les automobiles changea la relation qu’entretenait une collectivité locale avec le réseau routier. En effet, ce dernier supportait non seulement les déplacements des habitants sur son territoire, mais aussi un nombre de plus en plus important de personnes ne faisant que le traverser. Dans ces conditions, l’investissement requis sur le réseau routier pour permettre la mobilité des individus traversant une circonscription, relevait aussi d’une défaillance du marché. En effet, pourquoi une collectivité investirait-elle dans le réseau routier sans être en mesure de financer ce dernier au moyen de taxes sur le travail ou sur la résidence ? En outre, généraliser l’usage des péages n’était pas souhaitable.

La nouvelle mobilité résultant de l’automobile, en particulier celle des déplacements pendulaires, impliqua donc de repenser le système de financement de l’infrastructure routière. En conséquence, l’échelle nationale prit beaucoup plus d’importance dans la mesure où les taxes pour payer l’infrastructure routière devaient être collectées de manière centralisée.

Au-delà de la structure de collecte des fonds, le problème se posa de trouver les ressources nécessaires à la construction de la nouvelle infrastructure. Les sommes en jeu étaient tellement importantes que la réduction des coûts fut une priorité. Construire une route n’étant pas comparable à la production d’un produit industriel, la baisse des coûts passa principalement par des gains organisationnels et des économies d’échelle administrative.

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