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2-2 L’ESPACE LONDONIEN ET LE ROYAUME-UNI: DES DIFFICULTÉS STRUCTURELLES

La situation du réseau à la fin du XIXe siècle

44 Reverdy G., Les routes de France du XXe siècle 1900-1951, Paris, Presses de l’École nationale des ponts et

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La situation des routes britanniques à la fin du XIXe s. correspond elle aussi à un déclin marqué. Depuis 1835 et l’abolition de la corvée avec le Highway Act, les Turnpike Trusts sont entrés dans une phase de difficultés financières. Avec la concurrence du chemin de fer et par manque d’entretien, les routes principales retrouvèrent une fonction de support du trafic local. Entre le

Public Health Act de 1872 et la loi de 1894, les Turnpike Trusts ont été progressivement absorbés

par les administrations rurales, la question des routes étant perçue comme un élément sanitaire. Malgré cela, une série de mesures furent mises en place pour tenter de conserver en état les routes principales dans le pays. En 1878, le Highway and Locomotive Act transféra la maintenance des routes en direction des districts. Une distinction fut aussi faite entre les routes ordinaires (chemins) et les routes principales. 50% du coût d’entretien des routes principales fut transféré à la charge des Counties, la subdivision administrative supérieure.

En 1882, l’État central accepte d’aider à financer les frais de maintenance des routes, à hauteur de 25% pour les routes principales et 25% pour les districts urbains.

En 1887-1888, le support de financement a été augmenté pour atteindre 50%. Cependant, à partir de ce point, la classification en tant que route principale était le résultat de facteurs historiques locaux, complexes et sans unité nationale. Le Local Government Act de 1888 imposa le transfert d’autorité des routes principales au County Council, qui correspondait à l’échelle d’un département français. En 1894, cette législation fut étendue à toutes les routes afin d’uniformiser la gestion de ces dernières et de lutter contre une fragmentation des unités de gestion paralysantes. En effet, beaucoup de personnel était employé pour un résultant variable et le plus souvent insatisfaisant. Malgré tout, l’échelle de gestion du County ne coïncida pas avec l’intégration du service des routes dans les structures de gestion existantes du County Council. Cette mauvaise intégration mena à un manque important de coopération et à des duplications de structures administratives importantes.

Au-delà de ces réformes, il fallut attendre 1896 pour que la législation du drapeau rouge fût abrogée. Cette loi obligeait une personne portant un drapeau rouge à marcher en avant des véhicules, mesure héritée de l’époque où les tracteurs à vapeur étaient en circulation et effrayaient le bétail. L’abrogation de cette mesure permit aux véhicules automobiles de circuler librement sur le réseau et encouragea le développement rapide de ce mode de transport. Contrairement à ce qui aurait pu être attendu compte tenu de l’historique des Turnpike Trusts, l’État central a compensé la faillite financière de ces institutions. Face aux problèmes de gestion, l’Administration centrale et le Parlement avaient donc commencé un processus de centralisation et de rationalisation avant même l’avènement des besoins automobiles.

63 Les transports urbains dans Londres à la fin du XIXe siècle

De manière similaire à la situation parisienne, les tramways dominaient le transport urbain routier en cette fin de XIXe siècle. Néanmoins, une différence notable se situe dans la structure du

réseau. En effet, les lignes de tramways ont beaucoup de difficultés à entrer dans le centre-ville de la capitale. Les rues sont trop étroites et trop encombrées pour permettre aux tramways de circuler. Le réseau de tramways, comme on peut le voir sur la Figure 8, montre une infrastructure évitant le centre historique.

Figure 8 Carte du réseau de tramway londonien en 191545

Dans le cœur de la ville, le trafic se composait donc principalement d’omnibus et de taxis, situation très différente de Paris. L’absence de travaux d’élargissement, comme ceux qui furent réalisés à Paris sous le baron Haussmann, conduisit aussi à une grande densité de trafic piétonnier.

64 Les associations d’usagers – lobbying pour la création d’une administration des routes

En 1903, le « Motor Union » fut formé en tant qu’organisme démocratique regroupant de nombreuses associations d’usagers comme ceux des automobiles clubs, des associations de cyclistes ainsi que l’association pour l’usage commercial des automobiles. Adjoints à d’autres organismes, ils devinrent le « Road Improvement Association » et commencèrent un travail de lobbying pour l’amélioration des routes dans le pays. Leur principale requête était la création d’une

Highway Commission ou d’un nouveau département des autorités locales, qui deviendrait l’autorité

suprême en matière de routes dans le pays. De manière spécifique, cette autorité aurait un droit de tutelle si une autorité locale ne remplissait pas ses fonctions de manière adéquate.

Ils voulaient aussi voir une simplification de la procédure d’expropriation pour des besoins de travaux routiers. Dans leur proposition de réforme, les autorités locales seraient aussi passibles de poursuites s’il était prouvé qu’un accident de la route était le résultat d’une négligence de leur part. À la suite de leur action de lobbying et des articles parus dans la presse, une commission parlementaire fut créée. Celle-ci devait étudier la question de l’installation d’un ministère des Routes. La commission d’enquête proposa la mise en place d’une hiérarchie du réseau en trois échelons : des routes nationales, des County Roads (routes départementales) et des routes locales. Chaque échelle du réseau serait gérée par un échelon administratif avec des provisions budgétaires adéquates. Malheureusement, cette proposition n’aboutit pas. Les différents échelons politiques du Parlement se désintéressèrent de la question et les autorités locales s’y déclarèrent opposées.

En effet, dans la tradition législative britannique, les autorités nationales n’ont qu’un rôle judiciaire et un rôle d’arbitre. Elles n’ont pas les pouvoirs nécessaires pour mettre en place une structure administrative à la française, encore moins un pouvoir de tutelle. De ce fait, l’administration proposée ressemble très fortement à celle des Ponts et Chaussées, et l’on peut aisément comprendre pourquoi une telle référence est occultée.

Au final, les organisations œuvrant en faveur des améliorations de la route firent des propositions généreuses, mais ces dernières ne correspondaient pas à la structure légale du pays. La frustration des partisans de la route fut bien réelle. En effet, leur enthousiasme se heurta à une indifférence profonde de la part des parlementaires qui avaient probablement très vite perçu l’erreur du plan avancé. Non seulement le contrôle direct des autorités locales n’était pas une tradition britannique, mais surtout, il s’agissait d’une quasi-impossibilité légale. Leurs propositions ne méritaient pas de s’y attarder, même si le problème de l’état du réseau routier était bien réel. Comme en France, des essais de goudronnage pour lutter contre la poussière furent entrepris au travers de nombreuses initiatives locales. Des panneaux de la route furent aussi mis en place

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selon le même schéma qu’en France, indiquant la ville ou la gare la plus proche. Cependant, contrairement à la France, cette structure de signalisation est toujours en place de nos jours.

Le Road Board

Au final, une fois les propositions initiales des lobbyistes rejetées, un organisme chargé de l’amélioration des routes fut tout de même créé : le Road Board. Disons-le tout de suite, cet organisme qui exista de mai 1910 à septembre 1919 fut considéré par les militants de la route comme un échec très important. Les sources littéraires disponibles à son sujet n’étant issues que de sources « pro-route », une certaine mise en perspective est nécessaire. Les missions du Road

Board sont de :

► distribuer des financements aux autorités locales pour les travaux d’amélioration de

l’infrastructure routière ;

► prendre en charge la construction de routes nouvelles.

Bien entendu, les propriétaires terriens se sont opposés à cette mesure, incluant un nombre important de parlementaires. Le ministère des Finances s’y est aussi opposé, car le budget du

Road Board devait provenir d’un fonds central financé par ce dernier.

En définitive, il ne s’agissait pas d’une administration mais simplement d’un petit comité chargé de distribuer des fonds sur demande, structure courante dans l’administration britannique. Un membre éminent de l’administration des chemins de fer fut nommé à la tête du comité, et ce dernier continua l’orthodoxie de l’époque qui voulait que les routes ne soient qu’un moyen d’accès aux gares ou pour les besoins des déplacements locaux. Les fonds distribués se cantonnèrent donc à des travaux d’amélioration, et très peu d’emprunts furent contractés pour de nouvelles routes.

Autant il n’est pas surprenant de voir les autres membres de son comité se décourager, autant la prise de position administrative du Parlement et celle du lobby des chemins de fer furent logiques dans le contexte de l’époque. Le contraste avec la situation française est donc important.

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CONCLUSION DU CHAPITRE 1 : COMPARAISON DES

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