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90 La disparition progressive du tramway parisien

En 1914, le réseau de tramway de la région parisienne pouvait être qualifié de « tout neuf ». En effet, entre 1910 et 1914, les compagnies de tramway ont été consolidées ; un certain nombre de lignes ont vu leur tracé s’améliorer et le réseau a été électrifié. Grâce à ces investissements, en trois ans, le trafic du réseau de tramway augmenta de 30% et celui du réseau d’omnibus de 114%. La traction animale a été retirée du réseau58.

Durant la guerre, le réseau continua d’être entretenu et le trafic des passagers progressa. Malheureusement, l’usure du matériel ainsi que l’inflation du prix des matières premières firent que les bilans financiers des compagnies d’exploitation se trouvèrent dans le rouge à la fin du conflit. Après la Première Guerre mondiale, les opérateurs ont demandé au gouvernement une hausse du prix des titres de transport, mais cela fut refusé pour des raisons sociales. À la place, les concessions de transport furent rachetées par le département et un organisme privé exploita les lignes. Un tel arrangement devait prendre place en 1921, mais certaines sociétés d’exploitation ne furent pas en mesure de résister à la pression financière jusqu’à cette date. Les compagnies firent essentiellement faillite, le personnel se mit en grève et le matériel devint hors d’état de rouler. À ce moment, les réseaux furent réquisitionnés et leur exploitation confiée à la Société des Transports en Commun de la Région Parisienne (STCRP). La ville de Paris se désista de tous ses droits au profit du département. Dans les années 1920, le réseau fut consolidé encore une fois et une modernisation des dépôts, des ateliers et du matériel roulant s’établit.

Cependant, dès l’année 1927, et malgré la remise en état du réseau, le tramway apparaissait comme un obstacle à la circulation automobile, et un remplacement par des services d’autobus fut planifié. En effet, dès cette date, la Direction générale des transports de la préfecture de la Seine présenta un projet de réorganisation des transports qui incluait le remplacement de certains tramways par des autobus.

À partir de 1927, le remplacement des tramways par des autobus fut très rapide, et en 1938, la dernière ligne de tramway fut démantelée. Le fait que la suppression de ce réseau intervenait alors que l’infrastructure venait juste d’être remise à neuf fut surprenant, même si l’on accepte que l’automobile était vue à l’époque comme un symbole de modernité. Pendant cette période, les services de l’État n’avaient pas les outils de planification des transports nécessaires pour analyser l’impact de leurs mesures, et l’automobile restait un objet de luxe.

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Du point de vue de l’aménagement de la région parisienne, il est étonnant de constater que la disparition du tramway et l’encouragement de la mobilité automobile allaient complètement à l’encontre des schémas d’aménagement de l’époque, qui tentaient de lutter contre l’étalement de la région parisienne. En outre, les services de l’État semblaient se plaindre partout de l’insalubrité des nouveaux développements résidentiels et de leur proximité avec les usines. Aussi, en réduisant considérablement l’offre de transport en commun (les autobus devant nécessairement être pris dans le trafic), ils ne firent qu’aggraver cette situation.

Le déclin des cyclistes

Le mode de transport cycliste connaîtra lui aussi une régression de son usage en région parisienne, en particulier après la Seconde Guerre mondiale. Il existe plusieurs types d’explication à ce phénomène, l’un d’entre eux étant que l’automobile a supplanté le vélo comme symbole de liberté. Si cela est certainement vrai, la population ouvrière n’est cependant pas en mesure de s’offrir une voiture avant les années 1960. Dans ces conditions, les causes potentielles du déclin du vélo doivent être attribuées à un certain nombre d’autres causes possibles :

► un déclin de la population ouvrière ;

► un changement de l’usage du sol qui rend ce mode de transport non compétitif ; ► des conditions de circulation inadaptées.

Considérant la croissance de la population dans la région parisienne pendant cette période et le fait que les usines restaient encore majoritairement dans cette région, le déclin de la population ouvrière était peu probable.

Le changement d’usage du sol, lui aussi, semble indiquer que ce mode de transport aurait dû rester compétitif puisque les services de l’État mentionnaient des développements résidentiels accolés aux usines en banlieue parisienne.

Les aménagements de l’infrastructure pour l’automobile et le développement de nouveaux modes motorisés ont donc, dans les faits, dressé un certain nombre d’obstacles à la pratique du vélo, incluant59 :

► l’introduction des mobylettes et des vélos solex ;

► la mise en place de carrefours dénivelés dans les années 1930 sur le boulevard des

Maréchaux ;

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► la tolérance puis l’acceptation du stationnement des véhicules automobiles sur rue ; ► la mise en place d’un plan de stationnement avec de nombreuses rues à sens unique ; ► la mise en place de carrefours à feux avec des ondes vertes au profit des automobilistes ; ► le démantèlement du réseau de tramway et les possibilités d’intermodalités qui en découlent ; ► la promiscuité avec un trafic automobile de plus en plus dense et la multiplication des accidents.

Au final, on peut conclure que les aménagements du réseau routier au profit de l’automobile ont participé au déclin du mode de transport cycliste en région parisienne.

Les aménagements des rues de la capitale

L’aménagement des rues de la capitale est illustré sur la Figure 15. Les rues sont marquées suivant différentes couleurs, les plus importantes étant le rouge et l’orange foncé. Ces couleurs indiquent :

► en rouge – « voies à élargir (présentant un intérêt de premier ordre) et nouvelles artères de

grande circulation » ;

► en orange foncé – « voies secondaires à élargir ».

Ce plan d’aménagement des rues au profit de la circulation automobile implique donc un rétrécissement des trottoirs et bien souvent une mise en sens unique des rues. On notera que les boulevards haussmanniens semblent peu touchés par ces aménagements. Cela indique très probablement qu’ils sont déjà considérés comme adaptés à la circulation automobile. Cependant, les propositions de percées de nouveaux axes ne virent jamais le jour. La catastrophe financière des travaux haussmanniens était probablement encore trop récente dans les mémoires.

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Figure 15 Avant-projet du plan d’aménagement de Paris60

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