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3-1 L’ÉVOLUTION DE L’AGGLOMÉRATION LONDONIENNE

Évolution générale

L’histoire de l’agglomération londonienne entre 1960 et 1990 est celle d’une transformation démographique et économique importante. Sur le plan démographique, comme illustré dans le tableau 1, la population de l’agglomération a décliné jusque dans le milieu des années 1980. Ce déclin, contrairement à l’agglomération parisienne, se produit à la fois dans le cœur de l’agglomération et dans la périphérie. Dans les faits, la ceinture verte entourant la capitale agit comme un filtre. Les autorités avaient envisagé une croissance satellitaire de l’agglomération dans des villes satellites de banlieue, idéalement autonome comme centre de population et d’emploi. Dans les faits, ces villes ont été intégrées économiquement à la capitale et la population active de ces localités continue, en majorité, à venir à Londres pour travailler. Les statistiques sont donc trompeuses et la périurbanisation des habitants s’est bien produite. La ceinture verte et un

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système conservateur de planification du territoire ont conduit les populations à se concentrer le long des corridors ferroviaires.

Tableau 1 Évolution de la population urbaine de Londres entre 1961 et 1981

Année Inner London Greater London

1961 3 200 484 7 992 443

1971 3 031 935 7 452 356

1981 2 425 630 6 608 598

Économiquement, la ville s’est profondément désindustrialisée. Dans un premier temps, c’est le port de Londres qui a le plus souffert. L’entrée dans la Communauté économique européenne a dissous les monopoles coloniaux et Londres a été coupé de ses échanges commerciaux traditionnels. Les emplois manufacturiers ont suivi le déclin du port, alors que les emplois de service ont peu à peu remplacé les emplois industriels. Le rythme de croissance de ces derniers ainsi que l’écart de qualification requis entraînèrent une augmentation de l’emploi des femmes issues des classes moyennes et une baisse d’emploi pour la classe ouvrière. Les populations issues de l’Empire britannique, venues dans la période précédente, se sont retrouvées isolées et des émeutes les opposant à la police ont éclaté.

Dans les années 1980, les services financiers ont permis à la ville de retrouver le chemin de la croissance économique. Après une re-régulation aux États-Unis et une dérégulation symétrique au Royaume-Uni concernant le marché des actions, Londres est devenue la principale place boursière pour les échanges internationaux. Cette nouvelle croissance et l’afflux de professionnels qualifiés et bien payés venus du monde entier ont permis à la ville de mettre en place des programmes de régénération des anciennes friches industrielles.

Les New Towns

Les villes nouvelles en Grande-Bretagne, comme en France, ont servi à gérer la croissance urbaine de la capitale. Contrairement à la France, le Royaume-Uni a une tradition moderne plus importante de création de villes nouvelles. En effet, avant la Seconde Guerre mondiale, le développement de quartiers résidentiels entiers était courant dans le cadre des démolitions de quartiers insalubres et de la relocalisation forcée des habitants. La Figure 31 présente la localisation des villes nouvelles en Angleterre. Ces dernières sont concentrées dans la banlieue des grands centres urbains que sont Londres, Birmingham, Manchester et Liverpool.

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Visibles sur la carte, ces villes nouvelles correspondent à trois vagues distinctes :

► la première génération entre 1946 et 1951; ► la deuxième génération entre 1961 et 1964 ; ► la troisième génération entre 1966 et 1970.

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Figure 31 Carte des villes nouvelles en Angleterre110

Deux vagues de villes nouvelles sur trois s’inscrivent dans la période qui nous intéresse dans cette section (1960-1990). Loin des problèmes des grandes villes, tels que la pollution, ces dernières

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correspondent à une volonté de développement de communautés relativement isolées le long des axes de trains de banlieue, conservant une partie de la vision initiale des Garden Cities. La Figure 32 ci-dessous montre les axes de développements urbains dans la région Sud-Est de l’Angleterre. Il s’agit bien d’une volonté de relocalisation des populations en dehors de la ville, au-delà de la ceinture verte.

Figure 32 Stratégie de développement proposée par l’autorité de planification économique du Sud-Est111

111 Foley D. L., Governing the London Region: Reorganization and Planning in the 1960’s, Los Angeles, University

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Contrairement à l’utopie urbaine d’Ebenezer Howard, ces villes nouvelles ont été construites et planifiées par les services de l’État. Ce dernier a d’ailleurs contracté des emprunts à cette fin et le secteur privé fut délibérément écarté de ces opérations. En effet, ces villes nouvelles étaient pensées à l’époque comme une opportunité de faire des villes de très grande qualité dans tous leurs aspects. Que ce soit en termes d’usage du sol ou de qualité de construction et d’infrastructure, ces villes n’ont pas été conçues dans un but commercial.

Malgré ce souci du détail, les villes nouvelles ont souffert de leur aspect moderne, en contraste avec les villages avoisinants qui ont conservé des rues commerçantes beaucoup plus attractives. Du point de vue des transports, ces développements ont été réfléchis comme des communautés isolées. Ils sont certes reliés à la capitale par les trains de banlieue, mais localement, ce sont des villes qui se sont principalement développées sur un mode routier. Leur infrastructure est typique des guides techniques de l’époque. L’exemple le plus remarquable est probablement Milton Keynes, en raison de sa faible densité, qui s’articule sur un plan de rues hiérarchisées en damier. Contrairement au cas américain, les croisements ne sont pas constitués d’échangeurs ou de carrefours en croix mais de ronds-points.

Constitution et caractéristiques du GLC 1965-1986

Comme nous l’avons vu, le Greater London Council correspond à l’élargissement géographique du territoire du London County Council (LCC), autorité administrative en charge de la coordination entre boroughs dans certains domaines techniques de 1965 à 1986, date de sa dissolution.

Visible sur la Figure 33, la carte des autorités locales, avant la mise en place du GLC, présente une multitude d’autorités locales, même si le découpage géographique reste relativement uniforme. Lors des différents travaux réalisés pour réformer cette structure, la position conservatrice du statu quo dominait. Considérant la force des particularismes locaux et des intérêts divergents des communautés locales, une telle attitude n’est pas surprenante. L’une des propositions du Center for Urban Studies de l’université de Londres était la mise en place d’un système de collectivités locales fortes. Ces échelles de gouvernement devaient être laissées tranquilles et une simple coordination à l’échelle régionale était nécessaire. À l’époque, l’autre point de vue possible et discuté était le renforcement du rôle du gouvernement central et la coordination du développement.

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Figure 33 Carte des autorités locales sous le LCC112

112 Foley D. L., Governing the London Region: Reorganization and Planning in the 1960’s, Los Angeles, University

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Au final, la commission d’enquête de l’époque a opté pour une troisième solution, celle de consolider et de renforcer la position des collectivités locales et la mise en place d’une institution régionale de coordination, le GLC. La Figure 34 montre le nouveau découpage administratif adopté.

Figure 34 Nouvelle carte des boroughs du GLC113

113 Foley D. L., Governing the London Region: Reorganization and Planning in the 1960’s, Los Angeles, University

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Cette nouvelle structure sera rapidement affectée par un certain nombre de problèmes organisationnels.

D’un côté, le GLC avait comme mandat affiché de fournir un organe de planification stratégique pour les problèmes d’infrastructure de transport et d’aménagement du territoire. Cette structure devait être légère, composée d’experts, et d’impact limité.

Cependant, dans ses statuts, le GLC n’est qu’une extension géographique du LCC, soit une autorité locale agrandie et non une entité de supervision régionale ayant un rôle de subordination. Dans ce contexte, le GLC n’émet pas de documents stratégiques de planification auxquels les

boroughs doivent se conformer. Son autorité s’exerce au travers de son implication directe dans

les dossiers de permis de construire administrés par les boroughs. Les types de permis incluent :

► ceux des locaux commerciaux de 2 500 m² ou plus ; ► ceux des usines de 50 m² ou plus ;

► ceux des bureaux de 25 m² ou plus ;

► ceux des bâtiments de plus de 50 mètres de hauteur dans le centre-ville et 70 mètres ailleurs ; ► ceux des projets à moins de 70 mètres d’un centre-ville ou d’une route métropolitaine

proposée ;

► ceux des parcs de stationnement de plus de 50 véhicules ; ► ceux des constructions dans la ceinture verte ;

► ceux qui concernent des monuments historiques.

Une telle énumération révèle deux choses :

► qu’un tel niveau d’implication ne peut pas être fait par une structure administrative légère ; ► que ce type de fonctionnement multiplie les conflits entre les boroughs et le GLC.

Comme déjà mentionné, l’élargissement du territoire couvert par le LCC lors de la création du GLC avait comme conséquence attendue le basculement du pouvoir politique du parti travailliste vers le parti conservateur. Un tel changement ne s’est pas produit et la structure politique et administrative du LCC s’est principalement reportée sur le GLC. Le poids des traditions dans le GLC fut donc très important et son fonctionnement est resté essentiellement le même, avec une forte continuité.

Bien évidemment, les boroughs nouvellement intégrés n’avaient pas l’habitude qu’on leur impose un mode de fonctionnement quelconque car ils étaient dans une relation de négociation avec leurs anciens Counties, style qui changea avec le GLC.

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Le GLC fut dissous en 1986 suivant le constat qu’en tant qu’institution, il avait échoué dans son mandat. Les documents de planification stratégique n’ont pas été produits. Il n’y avait donc pas vraiment de fonction coordinatrice mais simplement un processus de tutelle à la merci des conflits politiques. En outre, les compétences en termes d’aménagement, d’urbanisme et d’infrastructure de transport se recoupaient fortement, ce qui entraînait de nombreux conflits paralysants. Enfin, le Premier ministre de l’époque, Margaret Thatcher, entretenait une animosité particulière envers le chef du GLC, M. Ken Livingstone, et la structure avait des difficultés financières.

Ces constats étaient au cœur des réflexions menant à la création de la structure du Greater

London Authority (GLA) à la fin des années 1990.

La structure de gouvernance après 1986

Après 1986 et la dissolution du GLC, la question se posa de remplacer, ou pas, cette structure par une autre. Dans les faits, la question de son remplacement ne fut pas vraiment prévue, et de nombreuses voix s’élevèrent pour se plaindre de cette action.

En l’absence du GLC, ce qui a le plus surpris les Londoniens, c’était l’absence réelle d’impact de la disparition de cette structure. Beaucoup du travail de coordination fut transféré à un niveau ministériel et les boroughs ont intensifié les projets en coopération. On aurait pu penser, comme pour le cas français, que cette désintégration administrative aurait conduit dans une direction plus centralisatrice, alors que cela ne fut pas vraiment le cas.

En effet, les compétences fragmentées du GLC furent principalement transférées dans des agences indépendantes du ministère, sans mécanisme de coordination ni de coopération. En outre, le secteur privé s’intégra fortement dans le système de gouvernance. Dans le cas des transports publics dans Londres par exemple, les services d’autobus furent transférés en concession à des opérateurs privés en 1993114.

Malgré la forte implication du ministère des Transports, le système de gouvernance de l’agglomération londonienne se trouva encore plus fragmenté que sous le GLC. Dans les deux cas, il en résulta une incapacité à mener à bien des opérations d’infrastructure de grande envergure.

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Au final, supprimer une structure administrative inefficace n’était pas suffisant pour résoudre les problèmes réels d’infrastructure. Une longue réflexion s’est donc engagée durant les années 1990 au Royaume-Uni pour réinventer le GLC.

La lente prise de contrôle par Westminster

Malgré l’apparente fragmentation du contrôle administratif exercé par les autorités centrales, comme dans les périodes précédentes, le pouvoir ne se situe pas dans les divers ministères mais au Parlement. En effet, c’est au travers du contrôle des structures administratives locales ainsi que de la fiscalité que le contrôle s’exerce.

Sur la question de la fiscalité, les autorités locales étaient, dans la période concernée, principalement financées par une taxe appelée « rate », calculée suivant un pourcentage de la valeur locative du logement. Les autres sources de revenus étaient les emprunts et les allocations du ministère en charge. Dans les années 1960 à 1980, les dépenses publiques locales avaient beaucoup augmenté, et la part des allocations ministérielles avait elle aussi beaucoup progressé. Sous Margaret Thatcher, le Parlement a tenté d’inverser la tendance concernant la croissance des dépenses publiques. En 1982, une loi fut votée, stipulant que toute augmentation du « rate » devait être approuvée par le gouvernement au préalable. En 1984, ce dernier obtint le pouvoir de limiter le taux des « rates ». Une réforme malheureuse du système de taxation locale participa grandement à la chute du gouvernement. En 1993, le nouveau système consistait en une taxe ajustée sur la valeur immobilière de vente des bâtiments. Dans les faits, au travers de divers systèmes de contrôle, beaucoup de taxes locales (Council Taxe étant le nouveau nom) ont été gelées dans l’agglomération londonienne malgré l’augmentation du prix des habitations.

Le contrôle des investissements routiers allait donc être de plus en plus piloté par Westminster, au travers d’un contrôle législatif et d’un contrôle budgétaire indirect. Les autorités centrales n’intervenaient pas directement dans la gestion au quotidien des boroughs.

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