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3-2 LES MULTIPLES RAISONS D’INTERVENIR SUR LE RÉSEAU

La décision du pouvoir exécutif d’intervenir sur le réseau peut avoir de nombreuses raisons. Les plus couramment exprimées sont :

► des raisons stratégiques ; ► des raisons microéconomiques; ► des raisons politiques ;

► des raisons macroéconomiques.

Les raisons macroéconomiques viennent en dernier car elles sont plus récentes que les autres. Comme détaillé dans le chapitre qui suit, consacré aux contraintes, le pouvoir exécutif est le plus souvent restreint dans son action par le mode de justification de son intervention et le cadre légal qui s’y rattache.

29 Les raisons stratégiques

La rationalité stratégique fait référence au devoir de l’État de protéger la nation sur le territoire. Il est donc possible de construire une route pour des raisons de stratégie militaire21. Il s’agit le plus

souvent de routes interurbaines, qui sont assez distinctes des rues ou chemins d’accès locaux. Dans le cadre d’un empire, la conquête militaire est le plus souvent étroitement liée à des objectifs commerciaux ; donc, l’usage de ces infrastructures pour le commerce est courant une fois la conquête militaire achevée.

Les routes de cette nature les plus célèbres sont celles de l’Empire romain. À l’époque moderne, les constructions d’autoroutes en Italie et en Allemagne avant la Seconde Guerre mondiale sont aussi des exemples d’infrastructure justifiés par des impératifs de stratégie militaire.

Ces routes font rarement l’objet d’une justification économique, car les intérêts en jeu dans le cadre, soit d’une conquête territoriale, soit de la défense du territoire, vont bien au-delà du coût de l’infrastructure.

Les raisons microéconomiques

La rationalité microéconomique pour l’intervention de l’État dans le réseau routier se concentre sur la défaillance du marché. En effet, dans un certain nombre de cas, il est possible que les mécanismes du marché soient incapables de mener à l’optimum du surplus collectif. Il existe trois sortes de défaillance du marché22 :

les biens collectifs : ces biens se distinguent des biens privés car ils sont non divisibles, c’est-

à-dire que la consommation du bien par un individu n’empêche pas la consommation par un autre individu ; ou, il y a impossibilité d’exclusion par le prix, c’est-à-dire qu’on les consomme sans les payer, ou qu’il est trop coûteux de les faire payer ;

les externalités : les réseaux sont caractérisés par des externalités positives que les forces du

marché ne seraient pas en mesure de prendre correctement en considération. Laissés au marché, les réseaux connaîtraient un sous-investissement, et donc limiteraient les externalités positives de production et de consommation ;

le monopole naturel : il s’agit d’une situation où le coût de production moyen est toujours

moindre dans une situation de monopole plutôt que dans une situation de concurrence. Un

21 Von Tilburg C., Traffic and Congestion in the Roman Empire, London and New York, Routledge, 2007. 22 Angelier JP, Économie des industries de réseaux, Presses Universitaires de Grenoble, 2007.

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monopole public aurait donc pour conséquence de maximiser le surplus collectif. En effet, comme il ne prend pas de profits, il conduira à produire plus de biens pour le même prix unitaire que le monopole privé.

La défaillance du marché conduit donc à appeler une prise en charge de l’État pour la gestion de l’infrastructure routière quand cette dernière encourage et soutient le développement économique. Ce raisonnement, s’il place l’infrastructure routière dans le champ du public, ne permet cependant pas d’identifier l’ampleur de l’action publique ou son retour sur investissement.

Les raisons politiques

La rationalité politique est un autre pilier fondamental de l’action de l’État pour la construction de l’infrastructure routière. En effet, dans la mesure où la nation peut être une communauté d’individus se reconnaissant comme ayant une certaine solidarité, un certain nombre de principes politiques peuvent motiver la construction et le maintien de l’infrastructure.

En effet, dans certains pays, il existe des principes d’égalité de traitement qui peuvent se rattacher à une notion de territoire. Des notions de service minimum, soit de quantité d’infrastructure minimum dans notre cas, peuvent motiver la mise en place d’une infrastructure. On peut donc imaginer la mise en place d’une route ou d’une autoroute sans que cette dernière soit nécessaire d’un point de vue technique (il n’y a pas de demande suffisante sur le réseau pour nécessiter un gabarit routier plus important) et sans que la production d’externalités positives soit suffisante pour la justifier.

Ce type de rationalité trouve son origine dans les fondements juridiques des États.

Les raisons macroéconomiques

La justification macroéconomique pour la construction de routes est relativement récente et date de la grande dépression des années 1930 et des travaux de J.M. Keynes. Dans ce cadre, la construction de routes permet la mise en œuvre de politiques de dépenses publiques contre le cycle économique. L’objectif est de créer des emplois qui permettent de soutenir la croissance. Ces emplois conduisent à une diminution du taux de chômage qui permet de maintenir le niveau des salaires. Ce qui va aussi dans le sens d’une stabilisation du niveau de consommation.

Les infrastructures de réseaux sont de bons candidats pour mettre en œuvre une politique de relance étatique de type keynésien. En effet, la durée de vie de ces infrastructures est longue, et par conséquent, les bénéfices liés à leur présence iront à l’activité économique sur une longue période. Il s’agit donc plus de différer un investissement que de simplement gaspiller des fonds publics.

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Au sein de l’industrie des réseaux, l’infrastructure routière permet de mobiliser rapidement une grande quantité de travailleurs peu qualifiés. Comme une crise économique ne dure pas, il n’est pas souhaitable de dépenser des fonds dans la formation du personnel pour des tâches qui seront moins en demande une fois la crise passée. Il est donc plus facile de mettre en place rapidement un plan de construction des routes plutôt qu’un plan de construction d’une infrastructure ferroviaire, plus complexe à planifier et à construire.

Le réseau n’est cependant pas une fin en soi, surtout du point de vue économique. Dans ce contexte, le concept de mobilité permet de prendre en compte le transport des personnes au cœur de la fonction du réseau.

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