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2-1 L’ESPACE FRANCILIEN ET LA FRANCE : LES TOURING CLUBS ET L’INITIATIVE PRIVÉE

La phase d’introduction des véhicules automobiles, comme la plupart des périodes d’innovation technologique, est principalement la conséquence de l’action d’inventeurs, d’entrepreneurs et de passionnés. Dans ce contexte, le cadre législatif et administratif existant eut un impact sur le développement technologique, mais il était trop tôt pour voir l’apparition d’une administration chargée de préserver les intérêts d’un groupe particulier.

Les Touring Clubs, associations d’usagers de la route, ont activement milité pour l’adaptation de l’infrastructure. Soutenant le développement du vélo pour un usage récréatif, les Touring Clubs tournèrent progressivement leur attention sur les besoins de l’automobile.

La situation du réseau à la fin du XIXe siècle

Sur le réseau routier national, vers la fin du XIXe s., le trafic stagnait, voire déclinait. Les véhicules

étaient principalement hippomobiles et les déplacements restaient de nature locale car le chemin de fer avait absorbé la plupart du trafic à longue distance. Une telle situation modifia profondément la nature du réseau routier national. En effet, construit dans le but de servir les déplacements de transit à longue distance, ce dernier se vit réduit à un usage local.

Dans ces conditions, en 1896, il fut sérieusement envisagé de remettre la gestion des routes nationales aux départements, décision retardée au Sénat puis oubliée à la suite de l’intervention de J.-B. Krantz, inspecteur général honoraire41.

En 1900, le nombre d’automobiles sur le réseau n’était que de 3 000, chiffre en forte croissance, mais encore insuffisant pour avoir un impact.

Les transports urbains dans Paris à la fin du XIXe siècle

Dans l’agglomération parisienne, vers la fin du XIXe s., le mode de transport routier en pleine

croissance était le tramway. À l’approche de l’Exposition universelle de 1900, le besoin de

41 Reverdy G., Les routes de France du XXe siècle 1900-1951, Paris, Presses de l’École nationale des ponts et

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développer rapidement un réseau de transport efficace à l’échelle urbaine conduisit à une coordination du réseau ainsi qu’à la mise en place d’un programme de développement.

Malgré l’effort de coordination en place, les multiples compagnies de tramway développèrent leurs véhicules sans se préoccuper de ce que leurs concurrents faisaient. Les véhicules avaient donc des modes de traction divers (électrique, vapeur, air comprimé, chevaux, funiculaire) et les voitures avaient des formes et des couleurs disparates.

La période 1900-1910 reste néanmoins la « belle époque » du tramway dans la capitale. La Figure 6 montre la carte du réseau avec un nombre de lignes très important. Malheureusement, l’inondation de 1910 interrompit le service et endommagea beaucoup de matériel roulant. Après 1910, une campagne d’électrification des lignes fut mise en place.

À partir de l’été 1906, des autobus furent aussi mis en service sur certaines lignes de la capitale. Cependant, très peu de lignes furent équipées avant la Première Guerre mondiale.

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Figure 6 Carte du réseau de tramway parisien en 191042

Les activités du Touring Club sur le réseau

Le Touring Club de France (TCF) s’appliqua à améliorer les conditions de circulation de ses principaux adhérents, soit les cyclistes. L’action la plus visible concernant le réseau fut le développement de techniques destinées à lutter contre la poussière43. En effet, la pulvérisation

d’eau en été ou le goudronnage furent le plus souvent subventionnés par le TCF. Dans l’exemple du goudronnage, le docteur Guglielminetti (1862-1943), d’origine suisse et revenant d’une mission

42 http://www.amtuir.org/05_htu_tw_paris/05_htu_tw_paris_1900_1910/05_htu_tw_paris_04.htm.

43 Reverdy G., Les routes de France du XXe siècle 1900-1951, Paris, Presses de l’École nationale des ponts et

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en tant que médecin militaire aux Indes néerlandaises, initia le mouvement en France. Ce docteur s’était installé à Monaco et considérait la poussière comme un fléau. Il avait découvert cette technique à l’étranger, et son introduction conduisit le TCF à subventionner des essais de goudronnage auprès de certains centres départementaux des Ponts et Chaussées.

En région parisienne, les tests de goudronnage furent importants, menant à des résultats positifs en été, mais plus mitigés en hiver où le goudron se transformait en boue. Cette technique fut donc surtout mise en place sur les routes pavées, avant que d’autres développements techniques ne soient accomplis. Dans ce cadre, il est important de noter à quel point le TCF s’appuie sur le corps des Ponts et Chaussées.

Dans le cadre des interventions en faveur des cyclistes, la mise en place de pistes cyclables ainsi que la production de cartes routières à une échelle adaptée furent très importantes.

Au-delà de sa participation au soutien de l’infrastructure cycliste, le TCF croyait beaucoup au développement de l’automobile et contribua grandement à son accroissement. L’une des actions principales entreprises consistait au développement de la signalisation des directions sur le réseau. Si des panneaux existaient bien sur le réseau national, les routes secondaires en étaient dépourvues, même dans le cas d’itinéraires majeurs. Avec le soutien des municipalités et des automobiles clubs, la mise en place de la signalisation se développa. Cette action fut rapidement relayée par l’administration centrale qui déclara, à partir de 1902, la nécessité de mettre en place une signalisation de direction à toute intersection majeure. Fait intéressant, l’indication sur les panneaux mentionnait dans quelle direction conduisait chaque voie ainsi que la distance de la ville, du village ou de la gare la plus proche. Dans ce contexte, la signalisation en place restait une signalisation de proximité, destinée au trafic à moyenne distance. Le développement de cartes adaptées, en particulier par André Michelin (1853-1931), contribua grandement à l’expansion du trafic cycliste et automobile à grande distance.

Les accidents semblent aussi avoir préoccupé très tôt le TCF et les automobiles clubs. En effet, il faut citer la parution, en 1905, du « code de la route ». Ce document officieux est l’œuvre conjointe de l’automobile club vosgien et du TCF. L’auteur est Jules Perrigot, président de l’automobile club local. Ce document eut beaucoup de succès, notamment auprès des automobilistes, assureurs et magistrats. En effet, il introduisit des règles de priorité (comme la priorité à droite) qui permettaient de réglementer l’usage de la route.

De nombreux panneaux avertissant les automobilistes d’un danger furent aussi mis en place. Leur multiplication était due en partie à leur utilité, mais aussi au fait que les noms des mécènes étaient le plus souvent écrits dessus. Ces panneaux se sont donc largement développés en tant que support publicitaire indirect. La Figure 7 montre des exemples de panneaux en usage à l’époque.

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Dans le cadre du réseau routier d’Île-de-France, le TCF a beaucoup soutenu les aménagements en faveur de l’automobile. En 1901, par exemple, iI a encouragé le prolongement de l’avenue de la Grande Armée en direction de Saint-Germain-en-Laye ainsi que la contraction des emprunts allant avec les travaux. Il a aussi promu la desserte du plateau de Nanterre avec une avenue de 50 m de large comprenant des voies cyclistes et des trottoirs. En 1908, ce projet recevait un avis favorable du Conseil général de la Seine.

Toutefois, la participation la plus marquante du TCF en région parisienne correspond à son intervention directe en faveur de l’aménagement des sorties de Paris pour la circulation automobile. La participation conjointe du TCF et de l’automobile club, à hauteur de 30 000 francs français, vient appuyer le projet de réaménagement des huit grandes sorties de la capitale. Bien que cette contribution soit symbolique par rapport au coût total de l’opération (3 millions), cela montre une participation active et surtout une intégration forte avec l’administration de la ville. Dans le cadre français, les organismes associatifs auto-organisés comme le TCF ont donc collaboré fortement avec l’administration pour mettre en avant les innovations nécessaires en lien avec les usages récréatifs du vélo et de l’automobile. Des actions ponctuelles et/ou légères furent mises en place, quoique limitées.

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Figure 7 Les signaux de l’Association Générale Automobile44

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