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211 Des orientations spécifques pour la Maison du Théâtre et de la Danse

(3a)

Une partie du document portant sur le projet de nouvelle Convention de Développement Culturel est bien entendu consacrée à la MTD.

A - On a vu que la vocation artistique et culturelle de cette ancienne Maison de

Quartier a été affrmée dès le début des années 1990. D'ailleurs, "nommer à la direction de cet équipement une artiste (...) a été à ce titre un acte symbolique". Mais la municipalisation de cet équipement depuis 1995 "a gêné sinon entravé fortement l'évolution de la Maison. En effet, pour faire exister la plupart des actions emblématiques initiées à la Maison du Théâtre et de la Danse nous avons dû créer la Compagnie Quartier Nord, structure associative relevant du droit privé, qui a permis de répondre au manque de souplesse du point de vue administratif, juridique et fnancier dû au régime de la régie directe".

Quoi qu'il en soit du lien établi entre projet et organisation, un sentiment fort s'exprime à propos de la MTD : "nous sommes donc devant un projet qui voudrait rassembler les trois orientations qui ont été à l'origine de sa fondation : création, formation, diffusion et qui doit sans cesse morceler son action à cause d'un fonctionnement administratif inadéquat". D'où l'étude actuellement entreprise, non seulement pour un retour vers le statut d'association type loi de 1901 chargée d'une délégation de missions de service public, mais aussi pour une autonomisation plus grande vis-à-vis de la DAC.

Pour le moins, l'objectif poursuivi serait de reconnaître pleinement la MTD comme un

Théâtre de Ville ayant la double volonté de "s'inscrire profondément dans le tissu local mais aussi de rayonner sur un plus large territoire et être un véritable laboratoire où puissent s'expérimenter et se croiser le champ de l'art et de la pensée".

Rapport entre amateurs et professionnels, visée d'un théâtre citoyen, thèmes structurants (par exemple, après "Utopies" en 1996 et 1997, l'"Amour" pour les 3 saisons 1998 - 2001) sont autant de points d'appui où peut se développer "ce travail d'aller et retour entre la proximité et le lointain, l'intime et l'universel".

D'où une question qui prend tout son sens dans le cas étudié : "Y aurait-il un statut

pour un théâtre de "l'Entre-deux" ?".

B - Des principes fondateurs du travail sont avancés.

"Si l'acte théâtral, malgré le danger permanent qu'il court d'être réduit à sa fonction de simple divertissement, a encore un sens dans notre société, c'est avant tout à l'admirable travail accompli par Jean Vilar et ses complices dans l'immédiat après-guerre que nous le devons. (...) Cette mise en contact du grand public avec le répertoire classique, parallèlement à la recherche d'une dramaturgie contemporaine, ce mouvement vers ceux qui n'ont pas accès immédiat à la culture, reste dans nos esprits un moment exemplaire.

Le théâtre y retrouva ce qui trop souvent lui fait défaut : sa fonction essentielle parmi

les hommes qui est de les relier à leur histoire et à leur communauté. (...) On rendit sa force

au rituel théâtral qui permet aux individus de retrouver, dans le partage de l'émotion, le sens de la relation à l'autre.

C'est ce chemin que nous voulons suivre et prolonger en étant cette maison ouverte, accessible à tous, comme le voulait Stanislavski, où se croisent l'art et le fait politique. (...)

La grandeur et la pérennité des oeuvres ne sont pas fondées sur autre chose que cette rencontre entre les questionnements de la société et la créativité de l'artiste".

Avec ses moyens propres, l'objectif de la MTD est de montrer "que cette adéquation entre le théâtre et la vie reste possible aujourd'hui". Elle cherche ainsi à mettre en oeuvre "un espace de vie et de culture proche de son public, attentif à ses désirs".

C'est ainsi que la "mise en synergie de la présence de créateurs en complémentarité avec des activités régulières de formation permet un profond travail d'échanges avec la population, la naissance de ce qu'on pourrait appeler une relation "organique" à la création artistique".

Si le spectacle vivant ne sufft pas en soi à combler le vide relationnel des existences et les diffcultés du présent, une conception qui en fait un "carrefour des idées et des hommes, du présent et du passé, dans un amour partagé de la scène et du texte, apporte l'une des

réponses fondamentales au déséquilibre d'une communauté". Pour cela, il faut se fonder

sur un champ d'expérimentation qui transcende la seule notion de spectacle, et "où la diversité des cultures donne un véritable refet du monde, où l'expression artistique a pour mission de créer un territoire commun, où chacun soit relié à soi-même et aux autres".

Mais un théâtre qui a l'ambition d'être en phase avec son époque "se doit de contribuer

à faire découvrir et partager des oeuvres nouvelles. Un autre aspect important de notre

démarche est naturellement la collaboration avec des auteurs contemporains".

Sous le label de Regards Contemporains et depuis 1992, la MTD articule ainsi sa programmation autour d'un thème, qui "varie en fonction de l'actualité et des questions particulièrement présentes dans nos esprits". Il s'agit là d'un véritable pôle magnétique de l'inspiration de la MTD. "Chaque année, ou tous les deux ans, reformulé autour d'un thème de société différent "Engagement et Citoyenneté", "Utopies", "Amours", "Regards Contemporains" est l'événement théâtral de la saison de la MTD. Il s'articule autour des créations théâtrales de Nadine Varoutsikos regroupant des élèves amateurs venus des ateliers et des professionnels : comédiens, scénographes, éclairagistes, auteurs. Cette manifestation (...) a pour ambition de faire découvrir au spectateur les liens entre l'art et la vie quotidienne par des rencontres avec des textes, des auteurs, des acteurs, des metteurs en scène. Relayée par les bibliothèques et les établissements scolaires, cette manifestation doit contribuer à favoriser l'appropriation de cet équipement par les habitants" (3c).

Ceci dit, la programmation de spectacles et d'événements à la MTD est aussi conçue en

synergie avec d'autres secteurs, structures et manifestations sur la ville, comme Estudanses,

le Festival Féminins - plurielles , ou encore la manifestation régionale des Iles de Danses, ou (voir § 31 C).

C - Finalement, la MTD cherche à se constituer en "un espace de rencontres que chacun

puisse s'approprier, et où la découverte du texte littéraire et dramatique soit un élément central. Où chacun puisse se réapproprier la langue, retrouver la puissance et la valeur des mots".

Comme le disait déjà un texte de 1992 : "De l'élargissement du champ de conscience et d'expérience naît l'ouverture à l'altérité et à la citoyenneté. La diffusion du spectacle vivant prend alors tout son sens quand ces prémisses là sont établies" (1a/1).

Plus pragmatiquement, il s'agira de désacraliser les arts de la scène et faciliter leur accès plus immédiat à ceux qui n'osent pas s'y risquer (comme spectateurs ou acteurs) ; de voyager d'une discipline à l'autre et faire l'expérience de ce qu'est un plateau en s'y aventurant au moins une fois ; mais aussi, de susciter des vocations de spectateurs qui ne soient réduits ni à

l'acceptation superfcielle ni au rejet trop rapide, qui aiment à circuler entre théâtre, danse et lecture.

Mais cette "familiarité avec la chose scénique, qui est loin d'être évidente pour tous a

priori, demande un vrai travail d'approche. Elle permet alors d'affner son sens critique,

d'apprendre à utiliser au mieux les connaissances acquises.

C'est à partir des ateliers que s'est créée la base de notre public. C'est parce qu'elle a

d'abord été éveillée par les spectacles réalisés par des élèves que sa curiosité s'est aussi ouverte aux oeuvres, qu'elles soient du répertoire ou contemporaines.

La mutation du public (...) que nous constatons actuellement correspond à notre objectif de rayonnement et d'enracinement de celui-ci, en adéquation avec un travail de

proximité".

Cette dynamique des ateliers, encadrés par des comédiens ou danseurs professionnels, apparaît comme essentielle. "De l'élargissement du champ de la conscience, par la rencontre avec des artistes, naît une ouverture à l'altérité, un enrichissement de soi, qui contribuent à la formation d'hommes et de femmes, de citoyens conscients".

Ce dispositif d'ateliers de pratiques artistiques est opérant hors temps scolaire, mais concerne aussi directement le milieu scolaire. Dans le premier cas, il voudrait correspondre à des ateliers intergénérationnels (associant enfants et parents). Pour les actions en milieu scolaire, il s'agirait d'abord d'ateliers en maternelle et primaires. Une politique de jumelage a d'ailleurs pris forme avec certains établissements.

Mais au-delà des scolaires touchés, l'action cherche également à concerner les parents de ces enfants. Ainsi, sur le plan de la programmation, l'association de séances tous publics et jeune public "engage les enfants à devenir vecteurs d'entraînement de sorties culturelles pour les parents. Cette nouvelle dynamique nous permet d'envisager des formes originales de coopération avec les établissements scolaires préélémentaires et élémentaires qui seront reprises dans les conventions de jumelage".

D - Au fondement du projet et comme dans le cas évoqué précédemment des Chemins

de Traverse (§ 123 H), est ainsi constamment réaffrmée une forme particulière d'humanisme, où les deux notions clé de sujet et de citoyen tendraient idéalement à s'interconstituer. "A cet égard, Nadine Varoutsikos développe l'idée qu'être un citoyen actif, c'est avoir une capacité de vigilance, donc un esprit critique, une liberté de pensée, une aptitude à s'exprimer, à trouver sa place, à se bâtir des repères et un système de valeurs respectant les fondements de la démocratie. Pour cela, elle prône la nécessité d'être acteur de son existence sur la base d'une identité solidement construite.

Elle défend l'idée que les pratiques artistiques et le rapport à l'art, en participant à la construction d'un sujet libre, permettent à chacun de s'inscrire dans la vie de la cité pour y exercer ses droits et ses devoirs" (3c).

Ainsi et selon le projet rédigé par cette Directrice:

"L'art, libre, insoumis, est parole singulière et diverse, expression de l'autre dans ses multiples singularités, interprétant le monde à travers des regards différents qui touchent, bousculent, décentrent, mettent en jeu les croyances de chacun, les opinions, altèrent chacun tout en le révélant à lui-même, libérant chacun des "assignations à résidence".

Le spectateur se saisit de cette parole singulière, des rencontres avec l'autre pour réorganiser sont point de vue, parce que celui qui reçoit l'oeuvre n'est pas une page blanche, il la travaille et se la réapproprie, car les oeuvres ne proposent pas un modèle rigide, il n'y a pas d'inscription passive d'une norme culturelle, mais réappropriation singulière.

Ainsi les rencontres avec l'autre dans sa diversité contribuent à construire sa personnalité. La notion d'identité étant comprise alors, non comme une attitude de repli identitaire, mais comme un mouvement psychique ouvert, toujours en mouvement, avec une distance critique toujours à reprendre, une capacité d'aller vers l'inconnu pour se construire une identité singulière.

Le dialogue avec l'autre et avec soi-même, provoqué par le rapport aux oeuvres sont des "colloques singuliers" qui concourent à l'intelligence de soi, de l'autre, du monde" (cité in

idem).

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