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La dernière méthode utilisée pour cette recherche sur la participation en bibliothèque est l'observation. Il a semblé nécessaire de combiner aux deux autres approches quantita- tives et qualitatives une approche ethnographique. Par ethnographies, on reprend ici la dénition donnée dans la revue Participations :

Ethnographies   au pluriel, tant les styles en sont divers  est pris ici au sens strict d'une enquête incorporant un moment central d'observation, de première main, directe ou participante, et de description dense, dont procèdent les analyses.9

Plusieurs observations ethnographiques ont été ainsi menées pendant l'étude du programme Démocratie de la BmL, notre terrain principal. Ce projet est un programme culturel organisé par la BmL entre 2015 et 2017, proposé au public de novembre 2016 à mars 2017, et qui portait le titre ociel  Démocratie, penser, rêver, agir ensemble .10.

Par mesure de simplicité, nous appellerons ce projet  Projet Démocratie , qui, outre le fait d'être moins long que le nom ociel, était aussi le nom qu'a porté le projet pendant toute son organisation, notamment au sein du comité de pilotage. Le Projet Démocratie se basait sur quatre objectifs : faire de la bibliothèque un lieu d'échange et de débat sur les questions politiques, favoriser la transversalité entre les équipes, mettre en place de nouvelles pratiques internes, pour pouvoir ensuite aller vers des pratiques externes, viser des publics spéciques (6-12 ans, 15-35 ans et les publics dits éloignés11).

Le choix de ce terrain s'est fait pour plusieurs raisons. Travaillant à l'Enssib, je suis donc basée à Lyon, ce qui rend la proximité géographique avec la BmL très confortable. Ensuite, mon travail à l'Enssib, ainsi que mon statut de conservateur, m'amènent à connaître les directions de plusieurs établissements locaux, dont ceux de la BmL, que je connaissais d'autant plus que nous avions monté en 2014 un grand projet international ensemble. Cette connaissance des cadres de la bibliothèque a facilité l'intégration dans le projet et surtout l'accès aux espaces, aux réunions, aux contacts, etc. Enn, le contenu du Projet Démocratie était tout à fait en lien avec mon projet de recherche, puisqu'il s'est vraiment articulé autour de la notion de participation. Cette notion s'est inscrite dans le projet de trois manières. Premièrement, le Projet Démocratie partait de l'hypothèse que la participation est une nouvelle pratique démocratique qui peut répondre à une certaine crise de la démocratie. Deuxièmement, le comité de pilotage a organisé les événements autour de trois thèmes : la capacité à agir, la participation et les communs, thèmes qui guidaient à la fois le choix des actions à retenir et leur organisation dans le programme. Enn, ce même comité de pilotage a lancé une forte injonction à la participation auprès des agents, injonction qui a pris la forme d'une formation à la participation pour trente-sept agents (sur les 450 de la

9Cefaï et al.,Ethnographies de la participation, op. cit., p. 8

10Le nom souhaité par le comité de pilotage était  Elle est où la démocratie ? , mais un vote proposé

aux agents de la bibliothèque en a décidé autrement.

11En bibliothèques, on parle de publics éloignés pour signaler aussi bien les publics empêchés parce

Fig 1.1: Supports de communication des deux premiers programmes du Projet Démocratie, Ateliers Perluette et Beau Fixe pour la BmL, 2016

Fig 1.2: Logo des activités participatives, Programmes de communication du Projet Démocratie, Bibliothèque Municipale de Lyon, 2016

BmL et sur les 130 personnes impliquées au nal sur le projet) et d'ateliers participatifs internes pour la mise en place du programme. Lors de la préparation du programme, les bibliothécaires du réseau étaient invités à remplir des ches d'intention et à y signaler auquel des deux thèmes  communs  et  capacité à agir  leur événement répondait. La participation n'était plus mise comme l'un des thèmes, mais était dénie comme une qualité distribuée au sein des thèmes, voire factorisable. Ainsi, les agents devaient préciser si  une participation (active) du public  était prévue et si oui, s'il s'agissait que  les gens s'expriment ou co-construisent . Au nal, 50% des actions Démocratie ont été participatives, notion que nous gardons ici volontairement oue, pour pouvoir mieux l'étudier dans les pages qui suivent. Ces actions reconnues comme participatives par la bibliothèque étaient marquées d'un logo spécique sur le programme. Bien que ce programme ait donc toute légitimité à être le terrain central d'une thèse sur la participation en bibliothèque, il ne nous a pas échappé que le caractère très poli- tique du programme Démocratie pouvait jouer un rôle sur la nature de la participation mise en ÷uvre, rôle qui a pu constituer un biais dans la recherche menée. Il est vrai que la dimension assez critique de la démocratie et l'enthousiasme du comité de pilotage pour la participation pouvaient donner l'impression faussée que les bibliothécaires partagent à la fois un sens politique très développé et des opinions claires sur les enjeux de la par- ticipation. Aussi, nous avons pris garde à ne pas interroger seulement les organisateurs principaux, mais également des agents qui pouvaient n'être pas du tout investis dans le projet ou l'être de plus en plus au fur et à mesure de l'avancée du projet. Par ailleurs, nous avons travaillé sur cette dimension politique, non pas seulement à partir des entre- tiens, mais bien à partir des observations, dans une approche méthodologique, qui permet d'éviter les poncifs et les sous-entendus liés à cette question politique au c÷ur du projet, de la participation elle-même, et des bibliothèques-mêmes. En eet :

à la statistique ou à la cartographie, à la documentation ou à l'entretien pour réunir, ordonner et analyser des données. L'une des plus-values de l'ethnographie du politique est son attachement à l'observation in situ et à la description dense pour faire émerger une compréhension inédite de situations concrètes et produire de nouvelles catégories et propositions théoriques.12