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Comme la forme [participative] est un peu particulière et qu'on sait pas quelle forme elle aura parce qu'on parle d'être dans la cité, de s'installer sur le parvis, de faire une web radio, de rencontrer le public usager de la bibliothèque ou pas, et ça c'est quelque chose qu'on ne maîtrise pas, qu'on ne sait pas forcément faire et voilà en ce sens c'est un truc nouveau qui bouscule un peu le quotidien et qui fait rééchir à ce qu'on fait et pourquoi on le fait. Et souvent on fait le boulot du quotidien et il n'a pas forcément de sens ; on a toujours fait comme ça, c'est comme ça que ça marche. Et nalement on peut essayer de se prendre une claque par les usagers et qui nous font réaliser que ce qu'on fait c'est pas forcément ce qu'ils attendent. Personnellement, j'aime bien me remettre en question et rééchir à ce que je fais parce que si ce que je fais n'a pas de sens, je ne sais pas pourquoi je viens. Et même s'il y a des trucs qu'il faut faire qui n'ont pas forcément de sens, ça fait partie du job. Mais après on peut aussi aller un peu plus loin et se projeter sur ce que fera la bibliothèque dans cinq ans ou dans 10 ans. Ça ne sera plus pareil que ce qu'on fait aujourd'hui. On va essayer d'innover et de trouver un peu des trucs qui nous font bouger et qui font bouger des bibliothèques. entretien C1

Analyser le choix de la participation peut se faire de trois façons non exclusives : soit par la description de ce choix et de ce dont il est porteur, soit par la mesure des eets attendus, qu'ils soient réalisés ou pas, soit enn par l'impact de la participation sur la transformation du métier de bibliothécaire lui-même. En d'autres termes, on étudiera ce que les bibliothèques visent, si elles l'atteignent et si cette démarche les transforme. Les pages qui suivent visent à éclairer ces trois éléments que sont le choix, l'eet et l'impact sur les métiers, étudiés sous l'angle des notions d'intention, d'évaluation et de représentation.

• 5,4% avaient organisé des actions dans lesquelles les usagers-habitants-publics ont pris part à la gestion de la bibliothèque

• 37,8% avaient organisé des actions dans lesquelles les usagers-habitants-publics sont acteurs des animations culturelles et scientiques de la bibliothèque

• 14,9% avaient organisé des actions dans lesquelles les usagers-habitants-publics sont acteurs des services proposés par la bibliothèque

• 37,8% avaient organisé des actions dans lesquelles les usagers-habitants-publics sont acteurs des contenus (documents, savoirs) proposés par la bibliothèque

• 13,5% avaient organisé des actions d'un autre type que les quatre premières listées. Cette première typologie reprend principalement celle des activités proposées par la bibliothèque aux usagers : collections (contenus), services, animations. Rapidement cette distinction n'a pas paru susante pour comprendre les enjeux liés à la mise en place de ces actions. Trop calquée sur le fonctionnement de la bibliothèque, cette typologie ne per- mettait pas de percevoir ce qui dans la mise en ÷uvre de la participation interroge, voire bouscule, la bibliothèque. De plus, ce décalque semblait supposer que les bibliothécaires n'avaient d'autres objectifs que de proposer des nouvelles formes à des pratiques biblio- théconomiques habituelles. Étudier les bibliothèques participatives ne peut se satisfaire d'une pure description et l'enjeu est bien de comprendre ce qui conduit une institution culturelle à s'engager dans des pratiques susceptibles de mettre en question son mode de fonctionnement. C'est pourquoi plutôt que de chercher à décrire des situations de participation, nous allons partir à la recherche des intentions des bibliothécaires. Parler d'intention plutôt que de choix n'est pas anodin, alors qu'on étudie une institution et sa forme. L'intention est un concept qui a une acception toute particulière en psychosoci- ologie et en sociologie des organisations. On parle ainsi de l'intention dans l'étude des changements et notamment en écho à ce qu'on appelle le changement planié, et qui fait du changement le c÷ur de l'intention.

Le changement réfère à une perception d'états diérents dans le temps, percep- tion qui précède toujours, une évaluation des diérents attributs du change- ment : la rapidité ou la lenteur, la continuité ou la discontinuité, l'harmonie ou le conit, etc.1

On sous-entend dès lors qu'il y a pour l'acteur une situation problématique qui appelle un changement et que la méthode choisie est intentionnelle au sens où elle vise ce change- ment. Plus encore, l'acteur en question n'est pas tant un individu qu'un collectif réuni justement à la fois par la situation problématique et par l'intention de la résoudre. La notion de cette mobilisation d'un collectif autour d'un problème en vue d'un changement constitue une référence claire à John Dewey2. Ainsi Rhéaume lie changement planié et

intention en s'appuyant sur le philosophe pragmatiste :

1Marquita Riel. Pratiques de changement collectif et individuel de 1960 à nos jours. fr. In: Historique

et Prospective du Changement Planié. Ed. by Roger Tessier and Yvan Tellier. PUQ, 1990, pp. 5788. isbn: 978-2-7605-2064-6, p. 60

. . . un changement déni comme la résultante d'un plan, d'une volonté et d'une intention d'en arriver à un nouvel état souhaité, individuel, groupal ou or- ganisationnel. Mais ce changement intentionnel se produit au terme d'un processus rationnel, celui de la résolution de problèmes. Le philosophe éduca- teur John Dewey concevait ainsi la théorie du changement comme la réplique opérationnelle, dans la vie quotidienne et le sens commun, du raisonnement scientique expérimental : une question de recherche se pose, une hypothèse se forme, un plan d'expérimentation est dressé, des résultats sont obtenus qui sont évalués en fonction des objectifs de changement visés.3

Parler d'intention revient donc à admettre deux choses : d'une part qu'il préexiste une situation considérée comme problématique et que l'on pourrait qualier de crise, et d'autre part qu'il existe des individus capables de se réunir pour résoudre la crise collectivement.  Participativement , pourrait-on dire. Car, et c'est là qu'est le double lien entre l'intention et la participation : l'intention sous-entend une participation au sens de collaboration, et la participation est vue comme déjà une réponse à la crise, au sens où, dès que le collectif se crée, la situation est déjà en cours de transformation.