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Le 11 janvier 2015, Nathalie Clot (directrice de la Bibliothèque universitaire d'Angers) et moi-même avons traduit un éditorial de David Lankes 21 en réponse à un bibliothécaire

américain lui demandant ce que les bibliothécaires français pouvaient faire suite aux attaques des 7, 8 et 9 janvier. Cette traduction a été l'occasion de lancer une collecte de témoignages et de partage d'actions menées en réponse aux attaques. Il s'agissait

Activité Statut organisateurs collaborateurs internes Odyssée des

langues bibliothécaire médiateur socioculturel Arch and

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I wheel share animateur numérique au sein d'un collectif interne dédié au travail sur le hand- icap

Sans information

Nudges Autre (directeur adjoint en charge de l'animation cul- turelle et de la communica- tion)

Sans information

par courriels ou commentaires de blogs, ou sous forme orale et parfois en mode  o the record 22. Une recherche sur le web à travers les sites web de bibliothèques, leurs

pages Facebook, Twitter ou Pinterest a permis de trouver d'autres actions à ajouter à la collection. Elles ont été à leur tour indexées sur Twitter avec le hashtag Bibenaction. Les mots clés utilisés pour ces recherches étaient principalement :  Bibliothèques et Charlie ,  Bibliothèques et attaques Charlie Hebdo ,  Bibliothèques et je suis Charlie . En février 2015, deux bibliothécaires Philippe Charrier et Dominique Lahary ont lancé à leur tour un appel à témoignage. Leur réseau, diérent du premier, a permis de trouver de nouveaux témoignages qui ont été ajoutés à la liste, avec leur accord. Pour nir, suite aux conférences données sur le sujet en 2015, d'autres témoignages nous ont été envoyés. Certes, cette collecte n'est pas exhaustive, d'une part parce que nombre d'actions qui n'ont pas été relayées dans nos réseaux ou sur le web nous sont restées invisibles, et d'autre part parce que le refus d'agir qui est aussi une action ne s'est pas exprimé comme tel. Il était donc impossible de faire la diérence entre une bibliothèque qui ne mène pas d'action et une bibliothèque qui a posé comme principe de ne pas réagir. Quoi qu'il en soit, la collecte comportait, n 2016, 153 entrées.

Un premier travail d'analyse de cette collecte a permis de voir qu'outre les premières actions de réaction aux attentats (achage du panneau  Je suis Charlie , publications de condoléances et de message de deuils, etc.), d'autres séries d'actions se sont organisées en réponse : des actions liées à l'information du public (bibliographies, expositions, et des approches plus originales par l'art à Saint-Aubin du Pavail par exemple), des actions liées au lien entre les publics (à Dunkerque par exemple où la bibliothèque a demandé aux usagers de valoriser les livres empruntés par des post-its coups de c÷ur mentionnant leur prénom, an d'une part de mettre les lectures des usagers en avant, d'autre part de renouveler la forme de recommandation dans la bibliothèque et enn d'aider à tisser des liens dans une société en sourance par la reconnaissance d'intérêts communs ou même simplement de la présence dans le même lieu) et des actions plus approfondies et engagées en interne sur le rôle des bibliothèques mêmes. Ainsi aux Champs Libres, à Rennes, un travail sur le pluralisme dans la bibliothèque a été mené, tandis que la bibliothèque de Lingolsheim, réseau des bibliothèques de Strasbourg, travaillait sur la laïcité et que la médiathèque du Nord, bibliothèque départementale, explorait avec tout son réseau la notion de citoyenneté.

L'étude de ces actions s'est doublée d'entretiens avec les bibliothèques de Saint-Aubin du Pavail, Lingolsheim, les Champs Libres à Rennes et la médiathèque départementale du Nord. Ces entretiens ont permis de recueillir plus d'éléments sur les intentions des bibliothécaires dans la mise en ÷uvre de leurs actions, mais aussi d'interroger plus avant

BiblioDebout

La deuxième enquête, complément du terrain principal, a été menée en 2016. Au printemps de cette année-là, au sein du mouvement de contestation Nuit Debout, une bibliothèque participative a vu le jour : la BiblioDebout. À la fois bibliothèque participative et bibliothèque politique, il nous a semblé important de voir ce que cette bibliothèque pouvait nous montrer de l'articulation entre bibliothèque et rôle politique. Je me suis engagée dans l'équipe de la BiblioDebout lyonnaise, ce qui m'a rendu possible d'y mener des observations participantes. La BiblioDebout lyonnaise a été créée le 14 avril 2016, est devenue nomade le 1er juin, et s'est nalement arrêtée totalement le 22 octobre. Sept de nos observations ont eu lieu entre sa création et sa mobilité, une a eu lieu pendant sa période nomade. Il ne nous était pas possible d'assurer des permanences et observations tous les jours, de l'ouverture à la fermeture de la BiblioDebout. Aussi nos données sont plutôt qualitatives que quantitatives. Suite à chaque session sur le stand, des notes ont été prises en guise de carnet de recherche. Une attention particulière a été portée aux acteurs du stand, aux visiteurs, aux donateurs et aux preneurs. L'attention s'est portée aussi sur les interactions entre ces diérents acteurs. Enn, des notes sur le contenu de la BiblioDebout ont complété les observations.

Les listes de diusion de la BiblioDebout générale (principalement centrée sur la BiblioDebout de Paris) et de celle de Lyon ont été une deuxième source d'information sur le projet. Si la liste lyonnaise donnait lieu à peu d'échanges, sinon organisationnels pour conrmer les dates permanences ou mobiliser la liste quand il manquait du monde et en de rares cas, pour raconter la session de la veille, celle de Paris a été plus prolixe. Sur celle-ci, plutôt parisienne mais fréquentée aussi par tous les BiblioDeboutistes de France, les échanges étaient plus riches et plus fournis. Cette liste, ouverte par les fondateurs de la BiblioDebout, s'est mise en place peu après l'installation de la BiblioDebout. Elle est restée active jusqu'en juin 2017 bien que sporadique. À l'automne 2018, la liste a été réactivée au moment des manifestations des Gilets Jaunes. Je me suis inscrite sur cette liste le 21 avril 2016, ce qui m'a permis d'avoir accéder et de participer aux échanges. Je suis intervenue à deux reprises : une fois sur l'une des conversations concernant le contenu des documents, l'autre fois pour dire que j'avais écris un article sur la BiblioDebout. Les textes des deux listes de diusion ont été étudiés par le dépouillement des 381 messages23. Là encore, les données sont d'ordre qualitatif. Le

dépouillement consistait à noter la date, l'objet du mail, l'auteur, le sujet, les éléments concernant la constitution du fonds et le contenu des documents, les informations sur les visiteurs, l'extraction de citations. Enn, l'étude du site web de BiblioDebout a per- mis de réunir d'autres informations sur l'événement, son organisation et surtout son relais. Si cette bibliothèque était bien participative, elle n'était pas institutionnelle. En revanche, la grande majorité des personnes engagées étaient des bibliothécaires ou des membres de groupes de promotion du libre et des biens communs. Étudier cette bibliothèque participative a permis d'éclairer ce que peut être un engagement militant bibliothéconomique, les interactions avec le public, les attentes des personnes envers la bibliothèque ou les bibliothécaires, tout NuitDeboutistes qu'ils soient. En d'autres

termes, expérience politique, neutralité et expertise ont pu être discutées en ces occasions. L'étude de ces diérents terrains doit s'accompagner de choix théoriques pour dénir ce que nous cherchons à comprendre de ces situations participatives en bibliothèque. C'est pourquoi dans le chapitre suivant, nous nous intéresserons aux diérentes modalités possibles d'analyse des raisons pour lesquelles les bibliothèques ont fait le choix de mettre en place des activités participatives.

Chapitre 2