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A 2 Participation et intention dans les bibliothèques participa tives

Si la proposition participative est avérée, et par là nous signions qu'en parlant de l'accroissement de ces pratiques, on ne dit rien de la participation réelle et des eets de celle-ci, si donc cette proposition est en large augmentation, pour autant toutes les propositions ne relèvent pas des mêmes intentions. Le terme d'intention met en évidence la volonté armée de la bibliothèque de se saisir de la participation comme un outil, un instrument pour atteindre des objectifs. Dire que la participation est intentionnelle signie donc qu'elle s'inscrit dans un processus conscient par rapport à l'objectif nal et non comme une modalité de loisir, tout socio-culturel soit-il. Or, dans l'enquête quantitative menée en 2018, seuls 41,3% des répondants (soit 71 bibliothèques) ont inscrit la participation dans le projet d'établissement. L'intention n'est dès lors peut-être pas si simple à débusquer. Pour ceux qui l'ont inscrite, que ce soit dans le projet d'établissement ou dans un document qui peut en faire oce, la participation se situe à des niveaux variés. Nous nous intéresserons ici à trois bibliothèques, mentionnées dans l'introduction comme ayant fait de la participation un point d'orgue de leur travail, à savoir la bibliothèque municipale Philéas Fogg de Saint-Aubin du Pavail, la bibliothèque municipale Louise-Michel à Paris et la BmL. Ces trois bibliothèques sont très diérentes. La première est une bibliothèque en zone rurale, dans un village de moins de 850 habitants avec une médiathèque neuve dirigée par un unique assistant de bibliothécaire accompa- gné d'une équipe de bénévoles. La seconde est une bibliothèque d'arrondissement, en l'occurrence le 20ème, construite récemment et avec une équipe de moins de 10 agents.

Elle fait partie du réseau de la ville de Paris, réseau dépourvu de centrale et dans lequel chaque bibliothèque est assez indépendante de l'organisation générale. La dernière est un réseau de bibliothèques, comme expliqué dans l'introduction, fort de plus de 400 agents.

Pour en revenir aux intentions, la bibliothèque municipale Philéas Fogg, en Bretagne, annonce dans un document cadre publié en 2013 que la bibliothèque et le projet de la commune se sont articulés autour de trois objectifs, puis en énumère quatre, dans l'ordre : promouvoir la lecture, proposer un programme d'animations culturelles, remplir une fonction socio-culturelle et pour nir la mention d'une première  commission médiathèque  dont on ne sait pas si elle est un objectif complémentaire ou un point méthodologique.

Une première  Commission Médiathèque  avait été créée pour participer au cahier des charges de la construction du bâtiment. Constituée de membres du Conseil Municipal, de bénévoles de la médiathèque et du responsable, elle s'est de nouveau réunie pour décliner en actions concrètes le projet culturel depuis l'aménagement des locaux jusqu'à la programmation et l'organisation des animations.18

Ce 4ème point axe la bibliothèque sur la participation comme mode de fonctionnement

et dresse un pont entre la participation et le modèle de bibliothèques Troisième lieu, qui  place l'usager au c÷ur même d'un véritable lieu de vie socio-culturelle. 19. L'intention

participative est claire et plutôt reliée à la part active des usagers, à la reconnaissance d'un rôle social et culturel de la bibliothèque et à l'adaptation à un nouveau modèle de bibliothèque, dans un métier en mutation.

La bibliothèque Louise-Michel, à Paris, n'a pas mis en ligne son projet d'établissement, cependant son blog décrit en détail le projet de la bibliothèque et ses modalités de mise en ÷uvre, notamment dans un article, seul et unique sous l'étiquette  projet d'établissement , qui prend la forme d'une interview ctive20. Dans cet article de blog, l'intention partici-

pative est rappelée comme à la fois interne et externe : externe au sens où la participation est une modalité des services proposés au public et interne au sens où le fonctionnement même de la bibliothèque est calqué sur ces mêmes modalités.

La bibliothèque calque son fonctionnement sur son projet d'établissement, en plaçant la participation au centre.21

La participation interne et externe sert un projet plus général, annoncé de la manière suivante :

Nous pensons que nous ne sommes pas que des représentants de l'institution mais qu'il faut mettre la relation à l'usager au centre de nos préoccupations.22

Là encore, l'idée du public au centre ou au c÷ur de la bibliothèque et de son fonctionnement est le principe qui amène la bibliothèque à tendre vers la mise en place

participation est clairement énoncée comme principe ou objectif, le fonctionnement interne de la bibliothèque est aussi transformé par ce principe ou objectif.

À la Bibliothèque municipale de Lyon, le projet d'établissement peut se résumer par le slogan  la bibliothèque plus que jamais . Le projet d'établissement rappelle d'abord la mission républicaine de la bibliothèque, puis sa mission citoyenne et enn introduit la participation comme dernier point d'entrée dans le projet d'établissement, à travers la reconnaissance de la place et du rôle actif des publics au sein de l'institution :

(. . . ) la bibliothèque est d'abord républicaine : liberté de se construire, égalité d'accès, fraternité d'échange et de partage des opinions, des émotions ; elle est ensuite citoyenne, partageant avec son patrimoine des mémoires et des identités communes, donnant avec ses équipes, ses collections, ses espaces, ses rencontres à écrire, à lire, comprendre et discuter le monde que nous créons et vivons, permettant enn aux membres de la communauté de se projeter, ensemble, vers des avenirs possibles. Elle participe en dernier lieu de ce mou- vement qui va de la collection vers le public, les publics, les plaçant au c÷ur de ses dispositifs et non pas comme variable d'ajustement, les accueillant en acteurs, en créateurs aussi, voire en producteurs de contenus et non plus seule- ment en usagers passifs. Le modèle opérationnel du  living lab  peut ici être convoqué : des environnements et des services innovants, orientés publics et issus d'une conception et d'un développement participatifs.23

Là encore, la participation est proposée en réponse à un principe qui est celui de la place des publics dans la bibliothèque. À Saint-Aubin du Pavail, ce rôle actif des usagers est largement présenté, bien que tournant autour d'une participation au contenu de la bibliothèque plutôt qu'à son fonctionnement. D'une manière générale, l'usager est rarement en situation de prendre part à l'organisation ; il est plutôt invité à transmettre ses propres connaissances et à les voir légitimées par la bibliothèque. Par ailleurs, rien ici ne fait le lien entre la participation et l'organisation hiérarchique interne, contrairement à la bibliothèque Louise-Michel.

Revendication de lieu socioculturel dans un cas, conviction d'une bibliothèque répub- licaine et citoyenne dans un autre, défense d'un lieu pris comme lieu collectif sont autant de nuances en termes d'intention participative à la lecture des textes institutionnels de ces bibliothèques. Qu'en est-il des intentions liées à des activités participatives directement ciblées ?