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CARRIÈRE ET LIGNÉE

C. Les ultimes missions sous Innocent VI

5. Bâtir sa lignée

5.3 Les neveux dans le siècle

De son mariage avec Bonne de Montpezat, Raymond des Prés eut en effet un fils aîné, prénommé Bertrand. Celui-ci épousa, à une date inconnue, Alpaisie de Montaigut, fille

et héritière universelle de son père Bertrand de Montaigut380(fig. 22). Ce mariage renforçait

encore plus la position sociale du nouveau rameau de la famille des Prés. Les Montaigut

étaient l'une des plus anciennes familles du Quercy, dont l'origine remontait au XIIe siècle. Il

est tentant de voir dans cette union prestigieuse l'ombre du cardinal des Prés, qui indirectement aurait pu largement favoriser un tel rapprochement entre ces deux familles.

Bertrand des Prés, de par son épouse, a hérité de droits féodaux à Bourg-de-Visa, contestés par les consuls de Lauzerte, ce qui engendra un procès devant le Parlement de Paris381.

Parlement de Paris. L'année précédente, Bernard, Onfroy, Arnaud et Finamande de Montpezat, dépositaires de la haute et basse justice, avaient fait pendre, par le biais de leurs oficiers, deux prévenus qui avaient fait appel au roi du jugement qui les condamnait. Le reste de la justice appartenait par moitié à l'évêque de Cahors et à Hugues de Cardaillac, héritier d'Arnaud de Montpezat. Voir Albe, 1905, p. 255-256.

379 Registre du trésor des chartes, t. III, JJ 70 à 75, n° 2841 p. 378.

380 Son père mourut alors qu'elle était encore considérée comme mineure, puisque c'est le vicomte de Fézensaguet qui était son tuteur. Le 22 février 1343, Alpaisie de Montaigut obtenait du Parlement de Paris la condamnation de son tuteur, qui était condamné à payer 1850 livres tournois à raison de fruits appartenant à Alpaisie et perçu par lui pendant 7 ans et 3 mois. Voir Actes du Parlement de Paris, 1960, n° 4692 p. 7.

381 Le 21 juillet (?) 1344, Bertrand des Prés et sa femme Alpasie de Montaigut, fille et héritière universelle de feu Bertrand de Montaigut ont fait assigner les consuls sans le procureur du roi, qui avait procédé conjointement avec eux en cette cause, les consuls obtiennent congé de se retirer. Alpasie disait avoir la juridiction haute moyenne et basse et les fourches patibulaires à Bourg près Lauzerte et les consuls prétendaient y avoir la haute justice. Voir Actes du Parlement de Paris, 1960, n° 6041 p. 96. Le procès tourne

Bertrand des Prés a intégré l'armée royale et participé aux guerres de Gascogne et de Flandres, ce qui lui a valu l'estime du roi de France. Ce dernier lui a accordé en récompense de ses « bons et agréables services » en 1340 la haute justice sur la seigneurie de

Bourg-de-Visa382, puis en 1341 une rente de 100 livres tournois assises sur les rentes royales perçues sur

la cité de Mirabel383. Bertrand est devenu, de par ce service des armes pour le roi, le véritable

premier rameau de la nouvelle famille des des Prés, celui par qui la greffe a pris et a porté son premier fruit. En effet, comme le rappelle Jérôme Luther Viert, « l'honneur d'un lignage consiste toujours à "poursuivre les armes". Le passage par l'état militaire reste le meilleur

moyen d'accélérer l'assimilation du lignage à la noblesse384 ». Bertrand des Prés a même été

entre-temps armé chevalier, comme le précisent les lettres royales. Ainsi, il parachève l'intégration de sa famille dans l'ordre nobiliaire, commencée avec son père.

Le souverain a agi de même avec Philippe de Jean, chevalier, et neveu du cardinal d'Albano, en lui accordant toute la justice - haute, moyenne et basse - sur les lieux des sénéchaussées de Périgord et de Quercy dans lesquels il avait déjà obtenu une assiette de 100 livres tournois385.

Le 23 octobre 1345, Bertrand des Prés participa à la bataille d'Auberoche, en Limousin : les troupes anglaises d'Henri de Lancastre, comte de Derby, sortirent vainqueurs de l'affrontement d'avec les chevaliers méridionaux commandés par le comte de L'Isle-Jourdain. La majorité des français fut faite prisonnière : Bertrand des Prés en fit partie, tout comme son frère Giraud et son beau-frère Pierre-Raymond de Rabastens. Le seigneur de Montpezat devait en outre payer une rançon de 12 000 écus d'or et déclarait avoir perdu pour

en leur défaveur : 5 août 1345 le Parlement ordonne au bayle royal de Lauzerte de contraindre Bertrand des Prés et Alpaisie de Montaigut à rendre leur dépens aux consuls et la communauté de Lauzerte. Voir Actes du

Parlement de Paris, 1960, n° 6655 p. 138.

382 En juin 1341 Philippe VI a vidimé ses lettres du 4 août 1340 et confirmé des lettres du 16/10/1340 par lesquelles Guillaume de Flavacourt archevêque d'Auch, Pierre de la Palu, chevalier sénéchal de Toulouse et Albi, lieutenants du roi en Languedoc donnèrent à Bertrand des Prés seigneur de Montpezat en récompense des services rendus au roi dans la guerre de Gascogne la haute justice à Bourge de Visa. Voir Registre du

trésor des chartes, t. III, JJ 70 à 75, n° 4240 p. 156.

383 Albe, 1905, p. 245. Ce don fut largement contesté par les consuls de Mirabel, qui rappelèrent au roi un acte de Philippe IV daté de mars 1308 de ne pas alinéner la ville. Cet acte fut vidimé par Philippe VI en décembre 1343 ; ce vidimus confirmait en même temps le don octroyé à Bertrand des Prés. Voir Registre du trésor des

chartes, t. III, JJ 70 à 75, n° 5622 p. 369. Le 30 juin 1344, Bertrand des Prés était toujours en procès devant

le Parlement de Paris contre les consuls de Mirabel : la juridiction royale mandait au sénéchal et au receveur du Quercy et à tous les justiciers royaux de laisser Bertrand des Prés, chevalier, percevoir 100 livres tournois sur Mirabel durant le procès qu'il soutenait contre le procureur du roi et les consuls de Mirabel.Voir Actes du

Parlement de Paris, 1960, n° 5919 p. 88. Le 23 mars 1345, le Parlement a ordonné le maintien de l'assiette

de la rente viagère de 100 livres tournois pour Bertrand des Prés à Mirabel. Voir Actes du Parlement de Paris, 1960, n° 6287 p. 112.

384 Viret, 2014, p. 127.

8000 écus en armes et en chevaux dans la bataille. Devant cette catastrophe, le cardinal des Prés fit jouer ses relations. Il souffla certainement au pape Clément VI une série de lettres que le souverain pontife adressa le 28 juin 1346 en premier lieu au fils du roi de France Philippe VI, le duc de Normandie, futur Jean II le Bon , afin que le prince intercéda auprès des Anglais

pour libérer ses neveux et leur parent386. Ce même jour et en suivant, le pape écrivit une

missive similaire à Jean de Marigny, évêque de Beauvais et lieutenant du roi en Languedoc387.

Ces demandes restèrent sans effet, puisque Clément VI, toujours à la demande de son vice-chancelier, écrivit le 31 décembre 1346 au roi Philippe VI pour implorer sa générosité, afin

que Bertrand des Prés pût honorer le montant de sa rançon388. Une lettre identique gagna les

appartements de la reine Jeanne de France, pour que la souveraine intercéda auprès de son

royal époux389. Pierre des Prés usa à nouveau de sa position au sein de la Curie et de sa

connaissance personnelle du souverain, rencontré lors des tentatives de paix en 1342-1343 pour sauver ses neveux. L'enjeu était de taille, car si ses deux neveux restaient prisonniers des Anglais, voire venaient à passer de vie à trépas suite à des conditions d'incarcération possiblement moyennes, son projet de refondation de sa famille tombait en quenouille. Il devenait donc vital pour lui de faire libérer Bertrand et Giraud des Prés.

Ce vœu fut semble-t-il assez rapidement exaucé, car Bertrand des Prés est à nouveau mentionné dans les actes royaux dès l'année suivante. En septembre 1347, le roi accorda des lettres de rémission à Seguin d'Auty, clerc et à son serviteur Raymond Manhani, bannis par contumace pour le meurtre de Géraud de Fagia, bachelier es lois, commis au cours d'une rixe dans une rue de Cahors. La grâce fut accordée sur intercession de Bertrand des Prés, dans la

compagnie duquel Seguin d'Auty servait à cheval et en armes390. Cette lettre nous apprend

également que Bertrand des Prés possédait alors une compagnie de gens de guerre qu'il commandait, ce qui apporte une preuve supplémentaire de son aisance financière et de sa position élevée au sein de la noblesse du Quercy. Il mourut avant le mois de novembre 1348, date à laquelle le roi Philippe VI rappela qu'il avait donné à Bertrand des Prés pour sa vie

seulement 100 livres de rentes à Mirabel en récompense de ses services391. L'acte précise

encore que le souverain donna après la mort de Bertrand une rente de 100 livres en héritage à

386 Lettres secrètes et curiales (relatives à la France) du pape Clément VI, n° 002616.

387 Lettres secrètes et curiales (relatives à la France) du pape Clément VI, n° 002617. Les deux lettres se suivent dans l'enregistrement de leur expédition, preuve de leur rédaction concomitante.

388 Lettres secrètes et curiales (relatives à la France) du pape Clément VI, n° 003033.

389 Lettres secrètes et curiales (relatives à la France) du pape Clément VI, n° 003034.

390 Registre du trésor des chartes, t. III, JJ 76 à 79B, n° 6362 p. 36. Auty est le nom d'un village quercynois, proche de Montpezat-de-Quercy.

son neveu Pierre-Raymond des Près, pour lui et ses descendants, à prendre sur terres et biens échus au roi depuis deux ans dans sénéchaussées Quercy et Rouergue. Or, un second acte, non

daté, fait mention d'un don similaire mais pour Bertrand des Prés, fils de Bertrand392. Cette

lettre fut donc produite entre septembre 1347 et novembre 1348 et le fils unique de Bertrand, prénommé comme lui, mourut avant cette dernière date. La proximité des deux décès et la période de leur mort - 1348 - laissent penser que le père et le fils ont succombé à l'épidémie de peste noire qui frappa alors durement l'occident.

Bertrand et son fils décédés, la seigneurie de Montpezat revint à son frère puîné Giraud. Ce dernier avait épousé à une date inconnue Gausserande de Voisins de Mons, fille de Guillaume dit Dragonnet de Voisins, seigneur de Confolens et de Limoux, sénéchal de Carcassonne et de son épouse Gausserande de Narbonne. Par cette union, Giraud des Prés devenait le parent de prestigieuses familles du Midi : les Anduze, les Narbonne, les Jugie, les Castellane mais également du Nord du royaume : les Lévis, les Poitiers-Valentinois et les

Montmorency393.

Giraud a participé, nous l'avons vu, aux guerres de Gascogne et de Flandres. Grâce à l'appui de son oncle le cardinal, il se fit octroyer en 1345 par le Dauphin de Viennois Humbert II 120 livres tournois de rentes sur les revenus de la viguerie de Sommières. Cette rente fut déduite de la rente de 4000 florins d'or reconnue au Dauphin par les dernières conventions

réglant le transport du Dauphiné à Charles, fils du duc de Normandie394. Un même honneur fut

conféré en février 1339 par le Dauphin de Viennois à Guillaume Bertrand, chevalier, fils du neveu de Pierre, cardinal-prêtre de Saint-Clément : 600 livres de rentes à prendre sur des terres sises en Auvergne, dans les châtellenies de Pont-du-Château, de Monton et de Langeac395.

Giraud mourut avant décembre 1349396, date à laquelle des lettres royales ont confirmé le don perpétuel fait par Humbert II Dauphin de Viennois audit Géraud, qualifié de

392 Registre du trésor des chartes, t. III, JJ 76 à 79B, n° 6840 p. 115.

393 Gausserande de Narbonne est elle-même la petite-fille de Pierre-Bermond VII d'Anduze et de Philippa de Poitiers-Valentinois, et d'Aymeric III de Narbonne et de Marguerite de Montmorency. La sœur de Guillaume de Voisins, Allisende, a épousé Raymond de Castellane.

394 Voir Valbonnais, 1721-1722, p. 515, qui édite l'acte de 1345.

395 Le roi de France confirme ce don par des lettres-patentes données en mars 1339. Voir Registre du trésor des

chartes, t. III, JJ 70 à 75, 3658, p. 76.

396 Le chanoine Albe, qui n'avait pas connaissance des lettres royales de 1349, pensait que Giraud était mort plus tard, vers 1353. Il ne s'expliquait pas le renoncement de Pierre-Raymond des Prés à ses bénéfices ecclésiastiques, alors que la date de 1349 pour le décès de Giraud donne la clé au retour dans le siècle de Pierre-Raymond.

défunt397.

De son union, Giraud des Prés eu de nombreux enfants. Une fille au moins est mentionnée dans les sources : Finamande des Prés, qui épousa en 1353 un italien, Roger de

Spello398. Une lettre pontificale d'Innocent VI accorda cette même année une dispense pour le

mariage de Finamande car la veuve de Giraud, Gausserande, était la marraine de Roger de Spello399.