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CARRIÈRE ET LIGNÉE

C. Les ultimes missions sous Innocent VI

5. Bâtir sa lignée

5.5 Des clercs pour le Salut

Outre ses neveux dans le siècle, Pierre des Prés a également favorisé la carrière de certains de ses proches parents qui avaient embrassé l'état ecclésiastique.

Le cardinal de Palestrina s'est entouré d'un des fils de son frère Giraud, prénommé Jean. Il a très largement contribué à organiser son cursus honorum ecclésiastique. Né vers

1305416, nous avons vu précédemment que Jean des Prés obtint grâce à la protection de son

oncle un canonicat et l'abbatiat du monastère de Saint-Pierre-La-Tour, dans le diocèse et la

ville du Puy, en avril 1325417. Le 2 juin de cette même année, le pape Jean XXII autorisa le

clerc à percevoir les revenus de ses bénéfices durant sept ans, durée de ses études418. Une

faveur similaire fut reconduite par le même souverain pontife moins de deux ans plus tard et la lettre pontificale nous apprend que Jean des Prés poursuivait alors, comme son oncle, des

413 Henriette de Savoie-Villars, après le décès de son époux Melchior des Prés en 1572, se remaria avec le duc de Mayenne, frère du duc Henry de Guise. Le duc de Mayenne qui trouva la mort dans les fossés du siège de Montauban en 1621 était le demi-frère d'Henry des Prés et d'Emmanuel-Philibert de Savoie-Villars.

414 Par cette union, Melchior des Prés devenait le cousin germain de Louise de Savoie, mère de François Ier, ainsi que celui du roi Henry de Navarre.

415 Melchior avait eu un second fils, prénommé Emmanuel-Philibert, qui choisit de relever le nom et les armes des Savoie-Villars, abandonnant ainsi ceux des des Prés. Titré duc de Villars, il trouva la mort lors du siège de Montauban en 1621, tout comme son demi-frère de duc de Mayenne.

416 Cette date peut être déduite d'après une lettre commune de Jean XXII, qui précise que Jean des Prés a 28 ans en 1333. Voir Lettres communes de Jean XXII, n° 061050.

417 Lettres communes de Jean XXII, n° 022159. Il remplaça Jausserand Mallet, décédé.

études de droit civil419. Entre temps, il avait été désigné le 2 décembre 1326 chanoine et

sacriste de Majorque, au sein du chapitre cathédral de Barcelone420. Ses études terminées, vers

1331, il revint en Avignon, auprès de son oncle. Jean XXII lui accorda le titre de chapelain pontifical, qu'il portait en 1333 dans la bulle qui le nomma à l'évêché de Coïmbra. Il ne paraît pas s'être rendu au Portugal, mais est resté sur les bords du Rhône. Le cardinal de Palestrina intercéda auprès du pape Benoît XII pour le transférer en 1337 sur le siège épiscopal de

Castres421, qu'il occupa jusqu'à sa mort, due sûrement à la peste noire, en 1348.

Pierre des Prés a souhaité que son neveu préféré fut consacré évêque, malgré son jeune âge, ce qui nécessita une dispense de Jean XXII. Outre les revenus non négligeables attachés à ce bénéfice et le prestige afférent, la consécration épiscopale était surtout considéré comme l'état ecclésiastique par excellence, la perfection cléricale, car le nouvel évêque sacré par un autre évêque intégrait ainsi la longue lignée apostolique. La consécration épiscopale pourrait être considérée comme une forme d'anoblissement, dans le sens où la condition de noble, nous l'avons dit, constitue la seule honorable dans le siècle. Ainsi, Pierre des Prés s'est assuré de promouvoir ses frères et son neveu dans des statuts sociaux qui correspondaient mieux à sa propre ascension sociale et cléricale. Jean des Prés, devenu juriste a, semble-t-il, accompagné et travaillé avec son oncle le vice-chancelier, même si cette hypothèse reste difficile à vérifier, faute de sources précises. Le but de l'évêque de Palestrina était-il de faire conférer à son neveu le chapeau rouge de cardinal, voire de lui transmettre la chancellerie ? Là encore, même si cela n'est pas impossible - et expliquerait cette étroite collaboration entre l'oncle et le neveu - aucun document ne vient éclairer cette idée.

Comme pour ses neveux laïcs, la mort a frappé Jean des Prés dans la fleur de l'âge. Et une fois encore, Pierre des Prés a choisi de remplacer le défunt par son propre frère, prénommé Pierre, en sollicitant pour lui auprès de Clément VI l'évêché de Castres. Ce second

neveu du cardinal avait également étudié le droit civil422 et était chanoine et archidiacre de

Rivières au chapitre de Saint-Bertrand-de-Comminges, tout en occupant une prébende et un office de prévôt au chapitre cathédral de Barcelone et au chapitre cathédral de Cahors, ainsi

que la cure de deux paroisses rurales du diocèse de Carcassonne423. Il vivait semble-t-il auprès

419 Lettres communes de Jean XXII, n° 027692.

420 Lettres communes de Jean XXII, n° 027173. Le pape lui accorda ces bénéfices malgré son jeune âge et l'autorisa à conserver son canonicat à Saint-Pierre-La-Tour.

421 Il remplaça Amiel de Lautrec, ancien abbé de Saint-Sernin de Toulouse, nommé à Castres en 1326.

422 Pierre des Prés avait obtenu une expectative de prébende dans la ville ou le diocèse de Barcelone en janvier 1330 (Lettres communes de Jean XXII n° 048170).

423 Le pape Benoît XII lui octroya les paroisses rurales de Alzato et Villarassa dans le diocèse de Carcassonne le 10 janvier 1335, en plus de ses bénéfices à Barcelone, Cahors et Saint-Bertrand-de-Comminges. Voir Lettres

de son oncle le vice-chancelier, qu'il aidait dans sa tâche. Nommé évêque de Castres en 1349, Pierre des Prés resta sur les bords du Rhône et continua son travail à la Chancellerie, au moins jusqu'au décès du cardinal de Palestrina en 1361. Il n'est pas possible, dans l'état actuel de la documentation, de savoir si, à la suite de la disparition de son protecteur, Pierre des Prés demeura en Avignon ou bien s'il partit au contraire vers son évêché de Castres. Il mourut en 1364. Il fut inhumé dans un premier temps au sein de l'église des Dominicains de Toulouse, puis, suite à ses dernières volontés, sa dépouille fut transférée non pas à Montpezat mais dans la cathédrale de Castres, dans un tombeau qu'il avait semble-t-il prévu424. Son neveu Raymond-Arnaud devint son héritier universel et acquit ainsi entre autre sa maison de Toulouse425. Cette dernière information pourrait laisser penser que Pierre des Prés a pu également résider sur les bords de la Garonne après son départ d'Avignon.

Avec lui s'éteignit la lignée des évêques de la famille des Prés. La mort du cardinal a privé de leur protecteur les rares membres survivants de la famille, qui plus est encore clercs, et n'a pas permis la nomination sur un siège épiscopal d'un autre rejeton de l'arbre des seigneurs de Montpezat. Raymond des Prés, fils de Giraud, petit-neveu du vice-chancelier, chanoine de Cahors, de Saint-Omer et de Marseille, notaire apostolique à la Chancellerie, n'a pas atteint l'état de grâce de la consécration épiscopale. Il demeura le dernier membre de sa

famille en service auprès de la Chancellerie pontificale après la mort du cardinal426.

Il faudra attendre plus d'un siècle et demi pour qu'à nouveau un lointain neveu du cardinal de Palestrina ne devienne évêque : Jean des Prés occupa ainsi le siège épiscopal de Montauban entre 1519 et 1539, puis après lui successivement son neveu Jean de Lettes des Près jusqu'en 1559, son petit-neveu Jacques de 1559 à 1589 et son arrière-petit-neveu Henri, qui nommé mais non consacré, rentra dans le siècle.

Le cardinal des Prés a largement favorisé la carrière d'un autre proche parent, son

communes de Benoît XII, n° 000053.

424 Sa succession, ainsi que celle du cardinal de Palestrina, avait entraîné des contestations et un litige entre Raymond-Arnaud des Prés, héritiers des deux prélats, et la Chambre apostolique, au sujet des droits à régler à la papauté. Ce règlement de conflit entre les deux partis, intervenu le 6 mai 1365 sous Urbain V, nous apprend que Pierre des Prés a été au préalable inhumé dans l'église des Jacobins de Toulouse avant son transfert à Castres : funus ejusdem Petri de ecclesia Predicatorum Tholosan. in qua traditum fuit ecclesiast.

sepulture suis sumptibus, faciat transferri ad Castren. ecclesiam et in eadem decenter tumulari juxta ordinationem dicti Petri. Voir Lettres communes d'Urbain V, n° 015049.

425 Le règlement du conflit mentionne juste quodam hospitio quod dictus episc. Castren. habebat Tholose sans plus de précisions sur la valeur du bien et sa localisation dans la cité.

426 Raymond des Prés était chanoine de Cahors et de Saint-Omer en 1348 : voir Berlière, 19 , n° 1400, p. 377-378. Pour son canonicat à Marseille, qu'il échange avec Raymond de Caselis, scribe à la Chambre apostolique, le 1er mai 1362, voir Lettres communes d'Innocent VI, A28, fol. 227v .

oncle - bien que beaucoup plus jeune que lui - Geoffroy de Vayrols427. Dès son plus jeune âge, en 1329, il a occupé un canonicat, une prébende et l'office de préchantre au chapitre cathédral

de Barcelone428. Licencié en droit civil dès 1333, il a été dispensé de résidence à Cahors en

1334 puis à nouveau en 1336, où il occupa, outre un canonicat et une prébende, le bénéfice de

chancelier429, pour poursuivre ses études430. Le pape Clément VI le nomma en novembre 1342

évêque de Lausanne, siège épiscopal qu'il garda jusqu'en 1347. À cette date, il fut transféré vers Carpentras, puis devint en 1357 évêque de Carcassonne. En 1361, le pape Innocent VI le créa archevêque de Toulouse. Il prit une part active dans le soulèvement du Quercy contre les Anglais après 1368, et devint l'un des proches collaborateurs du duc d'Anjou, lieutenant du roi de France en Languedoc. En 1369, Geoffroy de Vayrols procéda à l'inhumation des reliques de saint Thomas d'Aquin dans l'église des Jacobins de Toulouse. Il mourut le 10 mars 1376.

Outre ses neveux directs, Pierre des Prés, comme la plupart des cardinaux de la Curie, a protégé d'autres parents, parfois plus éloigné et leur a procuré des bénéfices ecclésiastiques. Le dépouillement des lettres pontificales nous a donné les noms de certains d'entre eux, dont il est difficile de préciser le degré exact de parenté avec le cardinal de Palestrina. Ainsi, qui est ce Géraud des Prés qui obtint le 10 août 1325 un canonicat au

chapitre d'Auch431 ? Ou bien Gaillard des Prés, chanoine et sacriste au chapitre du Vigan,

dans le diocèse de Cahors, en 1353432 ? Et encore Jeanne des Prés, fille de Pierre, de Cahors,

qui est présentée avec l'appui de son parent le cardinal au couvent des religieuses de la

Daurade de la cité des bords du Lot en 1335433 ?

Certains portaient le qualificatif de cousin du cardinal : c'est le cas des membres de la famille Thoset, bourgeois de Montauban. Plusieurs d'entre eux ont bénéficié de l'appui du vice-chancelier : Bernard a eu un canonicat sous expectative de prébende au chapitre de

Saint-Hilaire de Poitiers en 1335434 ; Pierre, un canonicat sous expectative de prébende au chapitre

427 Une génération séparait Geoffroy de Vayrols de Pierre des Prés. Il n'est pas possible, au vu des sources disponibles aujourd'hui, de résoudre l'énigme de ce lien de parenté entre ces deux hommes. Dans certaines lettres pontificales, Geoffroy est défini comme oncle du cardinal, et au contraire qualifié de neveu dans d'autres.

428 Lettres communes de Jean XXII, n° 047271.

429 Il a été nommé à Cahors le 29 juillet 1334. Voir Lettres communes de Jean XXII, n° 063621.

430 Lettres communes de Jean XXII, n° 064133 et Lettres communes de Benoît XII, n° 003776.

431 La lettre pontificale mentionne seulement le fait qu'il est parent avec le cardinal. Voir Lettres communes de

Jean XXII, n° 022988.

432 Il est déjà mentionné comme chanoine surnuméraire en 1348 (Voir Lettres communes de Clément VI, A 39, fol. 92), puis conforté dans son canonicat malgré son jeune âge en 1353. Voir Lettres communes d'Innocent

VI, A 8, fol. 428 v°.

433 Lettres communes de Benoît XII, n° 001622.

collégial de Saint-Étienne-du-Tescou de Montauban en 1335435 ; Pons, malgré son jeune âge, a été transféré du monastère bénédictin de Moissac à celui de Figeac où il occupa la charge de

camérier en 1347436. De manière similaire, les Caselis, cousins du prélat, ont sollicité sa

protection : Raymond eut un canonicat sous expectative de prébende au chapitre de Saint-Aignan d'Orléans en 1335437 et Pierre fut transféré de l'abbaye de Moissac au chapitre

cathédral de Montauban en 1346438. Enfin, dernier exemple, celui de Pons de Roquefort, autre

consanguineus, qui est devenu prieur de Saint-Martin des Espiémonts, dans le diocèse de

Rodez, en janvier 1336439.

Pierre des Prés a occupé durant l’essentiel de sa vie l’un des postes clés de la Curie pontificale. Tour-à-tour réformateur, administrateur et diplomate, il a réussi, de par ses qualités et son habileté, à se maintenir dans ses fonctions jusqu’à sa mort. Son but personnel a surtout été de donner un nouvel élan à son lignage, en favorisant coûte que coûte et malgré tous les aléas de la vie ses plus proches parents, tant religieux que laïcs. Il lui restait également à faire en sorte que son souvenir demeure vif dans son village natal. Pour ce faire, le cardinal de Palestrina a fait le choix de fonder une communauté de clercs pour soutenir sa mémoire et prier pour son salut.

435 Lettres communes de Benoît XII, n° 000734.

436 Lettres communes de Clément VI, A 38 fol. 282 v°.

437 Lettres communes de Benoît XII, n° 000733.

438 Lettres communes de Clément VI, A 34, fol. 478 v°.