• Aucun résultat trouvé

COMMUNAUTÉ POUR ASSURER SON SALUT

1. Choisir un ordre Mendiant

1.1 Bref aperçu des Ordres Mendiants dans le Midi au Moyen Âge

De nombreux cardinaux, mais également des évêques, confient leur dépouille à un ordre mendiant, soit, nous l'avons vu, dans la Cité du Pape, Avignon, soit dans leur lieu de naissance. Comme le rappelle Jean-Loup Lemaître, les ordres mendiants regroupent « un

certain nombre d'ordres, tous apparus dans la première moitié du XIIIe siècle, pratiquant une

certaine forme de pauvreté qui, à la différence des moines, ne concerne pas les seuls individus mais la communauté toute entière. Les mendiants renoncent à la possession de biens et de revenus fonciers pour vivre de la seule charité des fidèles, exprimée par les aumônes et les legs, et, éventuellement, par les revenus liés à une charge pastorale qui pourrait leur être confiée (casuel)440 ».

C'est ainsi que ces nouveaux religieux, dédaignant les vies cloîtrées derrière les hauts murs des abbayes, se mêlent au peuple, vivant au sein des villes, subsistant grâce à l'aumône publique, et, tels les premiers apôtres, prêchent à tous, dans leur langue. La reprise, depuis la fin du XII° siècle, de la circulation monétaire, accompagnée d'une forte vitalité urbaine, s'avèrent des facteurs décisifs dans le démarrage de ces communautés nouvelles.

Il faut attendre toutefois le concile de Lyon, en 1274, pour que soit juridiquement reconnue leur spécificité. Certains ordres mendiants alors existants se voient interdire le recrutement de nouveaux frères, tels les Sachets ou les Blanc-Manteaux, condamnés ainsi à disparaître rapidement. La papauté ne souhaite pas que se propage trop intensément cette forme de spiritualité, qui pourrait à terme faire ombrage aux ordres monastiques anciens. Ce même concile de Lyon interdit également la fondation de nouveaux ordres religieux prônant la pauvreté.

Très rapidement, ces frères Mendiants acquièrent une influence considérable au sein des chrétiens, obtenant de la papauté le droit de dire la messe, de confesser et d'enterrer, tout comme le clergé séculier. Des actions spectaculaires sont menées, conjointement par les franciscains et les dominicains, notamment en Italie du Nord, en 1233. À la suite des prêches publics des religieux, fustigeant cupidité, usure et hérésie, de nombreuses réconciliations entre villes, partis ou familles, ont lieu.

La papauté utilise les Mendiants pour des missions diplomatiques, voire pour des contacts avec des royaumes lointains et non chrétiens. Le franciscain Guillaume de Rubrouck est ainsi envoyé à la cour du Grand Khan de Mongolie, chargé de convertir le souverain au christianisme et le convaincre de lutter contre les Turcs qui ont envahi la Terre Sainte et menacent la Chrétienté.

Au point de vue théologique, les ordres nouveaux s'avèrent être les meilleurs propagandistes des croyances nouvelles. L'idée qu'il existe un troisième lieu dans l'Au-delà, en plus de l'Enfer et avant le Paradis, le Purgatoire, sorte d'antichambre du bonheur céleste, où tout pêcheur peut, à force de patience, racheter ses fautes, est ainsi promue par les Mendiants

à la fin du XIIIe siècle, qui diffusent cette idée, obtenant rapidement un franc succès. Le culte

à la Vierge est également à l'honneur, surtout chez les dominicains, qui “inventent” le rosaire, que leur fondateur aurait eu en songe des mains du Christ enfant. Les Mendiants deviennent enfin les grands spécialistes de la confession auriculaire, imposée au moins une fois l'an à tout chrétien, par le Concile de Latran IV, en 1215. Des simples gens aux puissants de ce monde, de nombreux fidèles choisissent comme confesseur particulier un Mendiant.

La prédication est la véritable force des Mendiants, qui jouent sur l'usage des langues vernaculaires, rompant avec le latin traditionnel des offices, et le recours à des historiettes ou exempla, issues de la vie quotidienne, afin de transformer et surtout d'amender le fidèle qui écoute. Si ce mode de prédication n'est pas nouveau – les cisterciens notamment

y ont eu recours dès le XIIe siècle – il s'amplifie pour devenir prépondérant. Un exemplum

s'articule, d'après Étienne de Bourbon, autour de trois points : inspirer la peur de la damnation éternelle, en insistant sur le pardon reçu avant la mort ; montrer la voie du salut, qui passe par la confession, la pénitence et la charité ; lutter contre les vices, rangés sous les fameux sept péchés capitaux. Ces exempla forment rapidement des recueils, largement utilisés par l'ensemble du clergé tout au long du Moyen Âge.

presque exclusivement urbaine. Les religieux constituent ainsi rapidement de véritables réseaux, les franciscains n'hésitant pas à s'établir dans des villes moyennes - 3000 habitants au moins - alors que les dominicains préfèrent constituer de grands couvents dans des cités importantes. Cette implantation urbaine ne va pas sans inconvénients pour les religieux. Si les pauvres restent leur priorité, de plus en plus de dons affluent vers leurs couvents, qui, reconstruits et embellis, s'éloignent, tous comme les Ordres, de l'idéal originel d'humilité. Le clergé séculier attaque violemment les Mendiants, reprenant à leur compte la maxime paulinienne “qui ne travaille pas ne mange pas”,et défendant les “vrais pauvres”, qui, malades, vieux ou infirmes, n'ont comme seul recours pour subsister que de mendier. Saint Thomas d'Aquin et saint Bonaventure s'emploient alors à restaurer l'opinion, en mettant notamment en avant les études suivies par les religieux, considérées comme du travail.

Leur implantation dans le Midi est très précoce. Saint Dominique fonde l'ordre des Prêcheurs à Toulouse en 1215. À sa suite, Pierre Cellan, compagnon de saint Dominique, a

créé l'un des tous premiers couvents de frères prêcheurs à Limoges en 1220441 . Deux autres

maisons de l'ordre voient le jour dans l'ancien diocèse de Limoges442 : Brive-la-Gaillarde en

1261 et Saint-Junien en 1291. Dans l'ancien diocèse de Cahors443 le couvent de la cité des

bords du Lot est établi par ce même frère Cellan, assisté de Pons de Mons en 1226444 ; celui de

Montauban l'est entre 1251 et 1252 par des frères venus de Cahors, sous la direction de Pons de Montagne445 ; enfin la maison de Figeac est implantée vers 1252446. Dans le diocèse d'Agen, le couvent de la ville principale est établi en 1249 ; celui d'Auvillar est fondé en

1275447. Entre 1215 et 1295, quarante-neuf couvents ont été fondés dans l'aire géographique

de la province dominicaine de Provence448 et six autres ont suivi entre 1305 et 1310449.

441 Deneau, 2003, p. 152.

442 L'ancien diocèse médiéval de Limoges englobe jusqu'en 1318 une partie du territoire du diocèse de Tulle, fondé cette année-là par Jean XXII.

443 Comme pour Limoges, l'ancien diocèse médiéval de Cahors englobe la ville de Montauban et son territoire, devenue siège de l'évêché éponyme en 1317.

444 Couvaras, 2008, p. 29. Les dominicains viennent à Cahors pour répondre à l'appel de l'évêque Guillaume de Cardaillac.

445 L'histoire du couvent des dominicains de Montauban est connue grâce au mémoire d'Eustache Dumay, sous-prieur, terminé en janvier 1706. Ce travail a été demandé à chaque maison de l'Ordre par le supérieur général, pour éditer une histoire générale des frères prêcheurs. Il ne s'agit toutefois que de compilations de documents connus, tels l'ouvrage de Bernard Gui, les archives du couvent ayant été détruites en 1561. Voir Moureau, 2009, p. 133-138.

446 Couvaras, 2008, p. 54.

447 Moulenq, 1894, t. III, p. 356.

448 La province dominicaine de Provence se partage avec celle de France le territoire du royaume des lys. La frontière entre les deux, décidée au chapitre général de Paris de 1224 passe au sud de la Saintonge, au nord du Limousin, au sud de l'Auvergne, au nord des évêchés du Puy, de Valence et de Gap. Voir Vicaire, 1998, p. 103.

Les disciples de saint François constituent de loin le plus grand nombre de maisons de religieux mendiants dans l'aire méridionale. Dans l'ancien diocèse de Limoges, les frères Mineurs s'installent dans le chef-lieu dès 1223 ; à Brive en 1226 ; à Donzenac en 1230 ; à

Saint-Junien en 1252 ; à Nontron en 1267 ; à Bois-Ferru en 1396450. À Cahors, Figeac et

Martel, les Cordeliers s'implantent avant 1236 451; à Gourdon vers 1250452 ; à Montauban entre

1241 et 1250453 ; à Montcuq avant 1283454 .

Les Carmes apparaissent comme un ordre assez discret. Si des maisons existent dans

les principales villes – Limoges en 1264 ; Montauban vers 1277 ; Castelsarrasin en 1281455 ;

Lauzerte vers 1300456 - les frères du Mont-Carmel n'essaiment pas en milieu rural.

Les ermites de saint Augustin, un ordre tardif créé par le pape en 1254 en rassemblant des mouvements érémitiques italiens, s'avèrent encore moins présents. Des couvents sont fondés à Limoges en 1298, à Cahors avant 1278, à Figeac entre 1278 et 1317 et à Montauban en 1349.