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BÂTIR EN PIERRE : DES PALAIS SUR CETTE TERRE ET UNE ÉGLISE

2. La collégiale Saint-Martin

2.1 Historique des travaux effectués sur la collégiale

Travailler sur la collégiale Saint-Martin implique de saisir au mieux l'histoire de ce bâtiment depuis ses origines, tant sur les travaux d'entretien ou les modifications éventuelles qui l'ont affecté au fil des siècles, que sur la perception que pouvaient en avoir ceux qui le desservaient ou qui l'ont visité lors d'une occasion quelconque ou dans un but précis.

A. De l'époque médiévale à la fin du XVIII

e

siècle : entretien et

bouleversements

Les archives de la collégiale de Montpezat conservent encore les comptes du

chapitre, en série quasi continue entre 1445 et 1639, puis de 1730 à 1785852, associés à

quelques registres de délibérations capitulaires, qui ne remontent toutefois pas au-delà du

milieu du XVIe siècle853. Leur dépouillement exhaustif a permis de découvrir quelques traces

de travaux sur le bâtiment même de l'église ou sur l'ensemble des maisons des chapelains et du doyen durant cette période (fig. 51).

L'inventaire des archives du chapitre, dressé en 1626 (fig. 52), donne toutefois une mention parmi les plus anciennes de réparation des bâtiments collégiaux : le 15 février 1437, un jugement, donné à Montauban, en faveur du seigneur de Montpezat, Hugues des Prés, a obligé le doyen Jean de Quercy, et les chapelains Jean Boniol, Jean Lavidie, Jean Rouchart, Bertrand Mayonnade, Michel Laporte et Jean Beloy à réparer leurs chambres qu'ils tenaient

852 Arch. Dép. Tarn-et-Garonne, G 846 (1445-1551), G 847 (1153-1603), G 848 (1607-1623), G 849 (1617-1623), G 850 (1623-1630), G 851 (1630-1639) puis G 852 (1730-1779) et G 862 (1709-1782).

dans le collège, sous peine d'une amende de 25 marcs d'argent854.

Ainsi, la tour du doyen a été restaurée en janvier 1445 par le maître maçon Jean de Sanolac, que le chapitre a logé sur place et à qui il a également fourni la pitance. Ce maçon

s'est occupé entre autre de poser quatre serrures neuves855. Cette même année, en février, des

ouvriers couvreurs se sont chargés de travailler à la toiture de l'église, et l'importante somme dépensée - 200 livres - permet d'avancer l'hypothèse d'une reprise d'une grande partie de la

couverture de l'édifice856. Les travaux n'en sont pas restés à ce stade puisque le bayle du

chapitre a réglé à Guillaume Coste, chapelain, une certaine somme d'argent, pour ses frais

occasionnés le 25 février par son déplacement à Villeneuve d'Aveyron857, afin de négocier

avec un certain Arnolhet, pour les travaux de l'église858. Un accord a été conclu, car le 8 mars

suivant, deux chapelains, Guillaume Coste et Bernard Cras, sont retournés voir Arnolhet pour se mettre d'accord sur les détails du contrat859.

Il faut attendre l'année 1483, soit près de quarante ans plus tard, pour voir à nouveau la mention de travaux sur le bâtiment de la collégiale : le 14 avril, Marot du Sirech est payé pour avoir recouvert l'église et le clocher, suite à une tempête860.

Rien de significatif n'a été repéré pour le XVIe siècle, mise à part certaines menues

réparations qui se situaient dans le cadre de l'entretien du collège surtout. Durant cette période de troubles - Montpezat-de-Quercy s'est trouvé dans la situation d'un îlot catholique dans un environnement très largement gagné au protestantisme - l'action du chapitre s'est portée sur la mise en défense du collège et sur l'entretien de gens de guerre pour assurer leur sécurité. Les comptes du début du siècle suivant s'avèrent beaucoup plus diserts sur les travaux afférents aux bâtiments canoniaux. Le souci d'entretien régulier paraissait très présent au sein des

854 Arch. Dép. Tarn-et-Garonne, G 789. Cet acte montrerait que le chapitre considérait que l'entretien du collège dépendait du seigneur de Montpezat, en tant que patron du chapitre et héritier du fondateur, et non au chapitre en lui-même. Le jugement rendu a, au contraire, obligé le chapitre à entretenir au moins le collège – mais peut-être également la collégiale – sur ses fonds propres.

855 per comandamen de mossen le degua fasi adobar la tour a Johan de Sanolac e comprie IIII sereles despendie en tot tant en companatge tant per o lolguie del mestre tant per los sereles que monta tot 3l 3dt.

Arch. Dép. Tarn-et-Garonne, G 846, f° 9 v°.

856 paguie ap obrie acaptador del […] de la gleya de monpezat le premier jorn de fevrier 1 V Ll. Arch. Dép.

Tarn-et-Garonne, G 846, f° 10 v°.

857 Le texte ne précise que Villeneuve, mais la localité la plus proche de Montpezat qui porte ce non est Villeneuve d'Aveyron, aujourd'hui dans ce même département éponyme.

858 per comandamen de mossen lo degua et de los autros senors a XXV de fevrier mossen Guilhem Costa anec a Vilanova per parlar am Arnolhet per las besonhas de la gleya bayle li XII lt. Arch. Dép. Tarn-et-Garonne, G

846, f° 10 v°.

859 coma desus mossen Guilem et mossen Bernat de Crassi ly tornero a vilanova per porta lo [?] et autres sciermenes per se acosselhar al dig Arnolhet a VIII de mars. Arch. Dép. Tarn-et-Garonne, G 846, f° 10 v°.

860 lo XIIII dabrial bayle per comandamen de mossen degua et dels senhors a Marot del Sirech per far recubrar la gleyssa et lo cloquier que lo ven avia rotz los teules . Arch. Dép. Tarn-et-Garonne, G 846, non folioté. Le

Sirech est le nom d'un lieu-dit de la commune de Montpezat-de-Quercy ; le couvreur sollicité ici par le chapitre est donc un artisan local.

chapelains : ainsi, le 22 août 1605, le chapitre a décidé que le produit des quinze jours de pointe assignés à M. Petit, chapelain, qui entretenait une jeune servante dans ses

appartements, serait employé pour les réparations de l'église861. Mais là encore, l'entretien

courant des bâtiments - serrurerie, vitrerie, menuiserie - prime sur des travaux de plus grande

envergure862, exception faite d'une opération sur la toiture de la collégiale durant l'été 1626,

peut-être la conséquence d'un orage plus violent que de nature863.

Finalement, les seuls travaux de grande ampleur, qui ont touché la collégiale, ne sont intervenus qu'en 1777. Cette année là, le chapitre a décidé de faire appel à un entrepreneur et sculpteur toulousain, François Laurent Montreuil, membre de l'Académie des Beaux Arts, pour transformer le chevet de la collégiale. Les travaux consistaient au départ à supprimer le jubé médiéval, à rehausser le sol de l'abside de la valeur de deux marches, à déployer les stalles médiévales le long des murs du chevet, à remplacer le maître-autel médiéval par un autel double-face « à la romaine » et de mettre en place une balustrade en fer forgé pour séparer symboliquement la nef des fidèles du chœur des religieux. Cette campagne de transformation de l'espace liturgique est à mettre en rapport avec les préconisations du Concile de Trente, ainsi qu'avec l'esprit de la Contre-Réforme et du Caeremoniale

episcoporum, publié à Rome en 1600, porté par des évêques soucieux de rappeler

l'importance de la présence réelle dans le Saint-Sacrement, et donc de rendre visible aux fidèles le tabernacle du sanctuaire. De nombreux jubés médiévaux ont alors disparu tout au long des XVIIe et XVIIIe siècle pour céder la place à des autels modernes864.

Pour Montpezat, il était précisé dans le contrat, signé le 31 janvier 1777 (fig. 53), que Montreuil se devait de « demonter le jubé pour le placer aux deux chapelles latérales » et de « faire servir les très vieux retables de lautel et des reliques pour décorer les deux cotes latéraux qui seront après les stalles »865.

861 Arch. Dép. Tarn-et-Garonne, G 777, f° 150.

862 Par exemple, le 27 septembre 1624 « a Catusse serurier 6 l 10 s pour avoir rabilhe le reloge de lesglise et le grand portal de lentree du devant lesglize » ; le 11 juillet 1626 « a antoine Quintard vitrier 3 l pour avoir accomoder la roze de devant lesglise et les quatre vitres de la maitrise » ; le 11 décembre 1630 « 24 s payes a Catusse sarrurier pour avoir faict une clef a la porte de la sacristie et la fiche del balsutre du coeur » ; le 7 septembre 1630 « a Hugues Nada vitrié de Caors pour avoir acomodé la grande rose de lentree de lesglise 16 l 10 s » ; le 14 septembre 1630 « 13 l a Hugues Nadal pour avoir accomode et rabilier plusieurs vittres de lesglise » ; le 16 septembre 1630 « 4 l 16 s a Pierre Cavalhé forgeron pour avoir faictes 28 barettes fer huict pattes fer soixante clavettes fer pour estre employé aususd. vittres ». Arch. Dép. Tarn-et-Garonne, G 850.

863 Le 12 juillet 1626 « 5 l 12 s a Jean Linon pour lachat de 399 tuiles canals pour lesglise » ; le 16 juillet 1626 « 2 charretées de canals pour lesglise » ; le 9 août 1626 « a messire Roubinot pour fin de retuiller nostre esglise 6 l ». Arch. Dép. Tarn-et-Garonne, G 850.

864 À Chartres, le jubé médiéval est mis à bas au XVIIIe siècle, tout comme à Angers, Noyon ou Clermont ; à Reims, il est abattu en 1744 : à Rouen, le jubé de la cathédrale disparaît en 1772.