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VOYAGEURS DU CORPUS :

G) Le retour de la paix

III- Motivations du voyage

Depuis le XVIIe siècle, la tradition du voyage tel que le pratiquent les élites européennes consiste à envoyer les fils de bonne famille effectuer un Grand Tour du continent, afin de compléter leur éducation, d’acquérir d’amples connaissances et de rencontrer les élites des cours européennes.168 A l’article « voyage » de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, le Chevalier de Jaucourt détaille les tenants de cette pratique :

Les grands hommes de l’antiquité ont jugé qu’il n’avoit de meilleure école de la vie que celle des voyages ; école où l’on apprend la diversité de tant d’autres vies, où l’on trouve sans cesse quelque nouvelle leçon dans ce grand livre du monde ;

& où le changement d’air avec l’exercice sont profitables au corps & à l’esprit. […] Aujourd’hui les voyages dans les états policés de l’Europe sont au jugement des personnes éclairées, une partie des plus importantes de l’éducation dans la jeunesse, & une partie de l’expérience dans les vieillards. […] Les voyages étendent l’esprit, l’élèvent, l’enrichissent de connoissances, & le guérissent des préjugés nationaux. […] le principal but qu’on doit se proposer dans les voyages, est sans contredit d’examiner les mœurs, les coutumes, le génie des autres nations, leur goût dominant, leurs arts, leurs sciences, leurs manufactures & leur commerce.169

Le voyageur sur le continent européen au XVIIIe siècle est cosmopolite, il a pour ambition de s’ouvrir au monde, de dépasser toute frontière et tout préjugé national et d’améliorer le sort de l’humanité en observant ce qui fait la force de chaque nation. Le voyage devient un outil permettant au visiteur d’adopter un regard plus critique sur son pays d’origine et d’en corriger les défauts, comme l’expose Joseph Addison dans le Spectator en 1712 :

168 Voir Paul Fussell, Abroad, British Literary Traveling Between the Wars, Oxford, OUP, 1980, 39 ; Gerald Newman résume ainsi les motivations du voyageur cosmopolite en Europe : “The goals were to polish the traveller’s conversation and manners, deepen his experience of the world, sharpen his judgment of the arts, habits and character and provide him with an easy fluency in foreign languages, especially French […], to develop international friendships and marriages” (Newman, The Rise of English Nationalism, 13-14).

169 Le Chevalier de Jaucourt, Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une société de gens de lettres, tome 17, Neufchastel, Samuel Faulche et Compagnie, 1765, 476-477.

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Certainly the true end of visiting foreign parts, is to look into their customs and policies, and observe in what particulars they excel or come short of our own; to unlearn some odd peculiarities in our manners, and wear off such awkward stiffnesses and affectations in our behaviour, as possibly may have been contracted from constantly associating with one nation of men.170

A partir de la fin du XVIIIe siècle, et plus encore au XIXe siècle, le séjour se double d’une ambition patriotique qui l’emporte peu à peu sur les préoccupations universelles héritées des Lumières : le voyageur sert sa patrie en étudiant les mœurs ainsi que les systèmes économiques et politiques des nations européennes, en s’efforçant de percer les secrets de leur puissance. En transférant à son retour toute connaissance utile, il offre à son pays la possibilité de rivaliser avec les plus grands, aussi bien sur le plan technique que culturel.171 Samuel improvements in the Knowledge of Mankind –a Knowledge which when acquired and duly improv’d will necessarily be the Cause of useful Reflexions, during the

170 Joseph Addison, “On Early Travelling,” The Spectator, No. 364, Monday April 28 1712 (Selections from the Spectator, Tatler, Guardian, and Freeholder, Joseph Addison, Sir Richard Steele, Vol. II, London, Printed for J.

Johnson by R. Taylor, 1804, 130). On retrouve les mêmes arguments défendus par le personage de Lord Shaftesbury dans un dialogue imaginaire avec John Locke, écrit par le Révérend Hurd et publié en 1764 :

“[Tribes of men], if shut up within one territory […] run into the same common sentiments and opinions ; and presently take, in the whole extent of their community, one uniform prevailing character. Hence the necessity of their still looking beyond their own, into other combinations and societies ; that so, as the mind strengthens by this exercise, they may be enabled to shake off their local, as we may say, and territorial prejudices. […] by this free prospect of the differences subsisting between different nations, each naturally gets quit of his own peculiar and characteristic vices” (Richard Hurd, Dialogues VII and VIII, On the Uses of Foreign Travel, Considered as a Part of an English Education, between Lord Shaftesbury and Mr. Locke, 1763, Sixth edition, Vol. III, London, printed for T. Cadell, 1788, 1-188, 29-30).

171 Robert E. Spiller, The American in England during the First Half Century of Independence, 153. Voir également Achour Khelifi, “La Révolution industrielle en Grande-Bretagne vue par les voyageurs français contemporains, 1780-1840”, 181-196 ; Jacques Raynaud, « Ecrivains anglais et américains en France entre 1764 et 1830, évolution du récit de voyage », 55-56.

172 Samuel Johnson, Idler, 97, 23 February 1760, in Johnson, The Idler and The Adventurer, eds. W.J. Bate, John M. Bullitt and L.F. Powell, New Haven, 1963, 300 (cité par Turner, British Travel Writers, 28).

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whole Course of your future Life. Travelling has been at all times and is still esteem’d an almost necessary Accomplishment in the Education of every Gentleman. […] I shall take the Liberty to quote a few lines from the Spectator nearly in his own Words – “Certainly (says he) the true End of travelling…”173

De la même manière, William Bingham écrit à Benjamin Rush depuis Paris en 1784 : « My Situation here is perfectly agreable, mixing the utile dulci in all my Pursuits».174 L’agréable est indissociable de l’utile, et on retrouve là un des topoï de la littérature de voyage au XVIIIe siècle.175 Miss Abigail Adams note dans son journal que William et Ann Bingham « voyagent pour leur plaisir»,176 mais il semble encore difficilement concevable à l’époque de voyager uniquement pour son agrément. Néanmoins, un changement de mentalité s’amorce progressivement avec l’apparition du « voyageur sentimental » à la fin des années 1760, comme le souligne Alain Bony : « il est difficile de ne pas voir dans le Voyageur Sentimental tel que le décrit Yorick le prototype [du] voyageur pour le plaisir ».177 Les voyageurs du corpus confirment cette évolution : en 1799, Joseph Sansom écrit à ses parents depuis Londres: «[we] have little to do but please and be pleased in this mighty Metropolis», et lorsqu’il publie en 1805 le récit de son voyage, il se présente dans sa préface comme un

“touriste américain.” Les exemples se font plus nombreux à partir des années 1810 : William Bayard Jr. écrit à son père qu’il a croisé le marchand de Boston M. Higginson et sa femme, qui voyagent en Europe « uniquement pour leur plaisir »,178 et en 1816, Charles Longstreth effectue plusieurs « excursion pour le plaisir » dans la campagne anglaise (Longstreth, 28 June 1816).

Le séjour se double d’une fonction patriotique : dans leurs témoignages, les visiteurs s’attachent à pointer les faiblesses et les mérites de la Grande-Bretagne et des autres pays visités en Europe. Ils pourraient prétendre à un regard plus détaché sur leur pays d’origine et ses coutumes, mais, en réalité, rares sont ceux qui osent critiquer la jeune et fragile société américaine.179 Ils ne veulent pas courir le risque de s’aliéner leurs lecteurs et de se voir

173 Letter from Nathaniel W. Appleton to William Smith, Salem, 31 October 1776, Smith-Carter Family Papers, 1669-1880, mss., Massachusetts Historical Society.

174 Letter from William Bingham to Benjamin Rush, Paris, Nov. 10 1784, Archives and Special Collections, Dickinson College.

175 Batten, Pleasurable Instruction, 8 ; Raynaud, « Ecrivains anglais et américains en France entre 1764 et 1830», 56 ; Viviès, Le Récit de voyage en Angleterre au XVIIIe siècle, 12, 16.

176 September 25th 1784, Journal and Correspondence of Miss Adams, Daughter of John Adams…written in France and England, in 1785, C.A.S. De Windt, ed., New York and Longon, Wiley and Putnam, 1841, 19.

177 Viviès, 12. Voir également Jeremy Black, The British Abroad, 300 ; Eche, « Le récit de voyage britannique en France, 1688-1789”, 23 ; Jean Didier Urbain, Secrets de voyage. Menteurs, imposteurs et autres voyageurs invisibles, Paris, Editions Payot & Rivages, 1998, 123, 350.

178 William Bayard Jr. to Col. William Bayard, Glasgow, October 3 1810, Bayard-Campbell-Pearsall Families Papers, New York Public Library.

179 Elkanah Watson est l’un des rares qui ose formuler quelques améliorations à apporter aux coutumes américaines en s’inspirant de ce que l’Europe a, selon lui, de meilleur à offrir : “A sentimental traveller, who

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reprocher leur manque de loyauté. Ils n’utilisent leur expérience européenne que pour mieux vanter les bienfaits de la nation américaine et donner davantage de poids à leurs arguments.

Cela leur permet d’affirmer, comme le fait Joseph Sansom, que leur admiration sans faille pour les Etats-Unis n’est pas le fruit de préjugés nationaux, mais qu’elle est dictée par des arguments raisonnés :

[Travellers], when they return home, with a rational preference for their country, because it best befits their own habits of life, instead of gratifying national malignity by an unfair comparison of their own advantages with the disadvantages of other people, they will be rather disposed to justify, and adore, the impartial distribution of providential benevolence, to which they have every where been witnesses. (Sansom, Travels, 279, c’est moi qui souligne)

Les marchands poursuivent avant tout un objectif commercial. Ils font partie de ce que Zachariah Allen désigne en 1832 comme des « touristes pratiques », qui partent « à la recherche de connaissances utiles » :

The knowledge of the useful arts, now cultivated as a branch of public instruction, is not infrequently to be gained [by the Practical Tourist] either by entering apartments filled with the smoke of the furnaces, and resounding with the deafening noise of machinery, or by conversing with men devoted to the common handicraft labours of life. (Zachariah Allen, The Practical Tourist, 2 vol., Providence, 1832, I, 5)

Henry Laurens incarne parfaitement ce type de voyageur qui passe plus de temps dans les manufactures que dans les salons, comme il l’écrit à son ami et marchand de Charleston Gabriel Manigault :

From [my] accounts you will naturally conclude that more of my Time is spent in Company with the Workers and Contrivers in Earth, Wood, Iron, & Stone, than of such Men whose Time is much employed in contriving to live upon the Labours of the former Class, without labouring themselves. (Henry Laurens to Gabriel Manigault, 20 March 1772, Papers, vol. 8, 225)

Un séjour en Angleterre peut se révéler extrêmement utile pour compléter la formation professionnelle. William Bayard observe à son arrivée à Bordeaux en 1810 que plusieurs de ses compatriotes séjournent en Europe pour y acquérir une expérience commerciale,180 et c’est

posts thro’ other kingdoms, & makes impartial, liberal reflections, discovers at once, the absurdities of his Countrymen, as well as the Country’s he traverses. […] Since my arrival, it has been my uniform study, to observe in what points we ought to abolish, & where to adopt the customs of other nations, so as to leave our medium perfect” (Elkanah Watson to Mr Wheeler, Nantes, May 1st 1781, Papers). La lettre est reproduite dans les annexes (vol. 2, p. 147).

180 Letter of William Bayard to his brother, Bordeaux, 1810, Bayard, Campbell, Pearsall Collection, Box 2, New York Public Library. Citée dans Marzagalli, “Voyageurs étrangers à Bordeaux”, 156: « I have here found many young Americans like myself travelling to obtain the language, to see the country & complete the Merchant.».

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le cas de Henry Laurens, qui se forme dans une maison londonienne entre 1744 et 1749.

Toutefois, rares sont ceux qui ont les moyens de financer un apprentissage en Grande-Bretagne, et ils se contentent pour la plupart d’y effectuer un séjour assez court au début de leur carrière.181

Le voyage est l’occasion rêvée pour les marchands encore peu expérimentés de découvrir les produits européens, de se familiariser avec les marchés et leur fonctionnement, ou encore de rencontrer des négociants et des industriels, comme en témoigne Joshua Gilpin à son oncle en 1796 :

I have not failed during my stay here this winter to apply myself not only to obtain a knowledge of mercantile affairs in general, but of a great variety of manufactures in the detail […]. It is my wish to lay down some plan & obtain the information necessary that may enable both my brother & myself to pursue a regular line of business on my return. (Letter from Joshua Gilpin to Miers Fisher, London, April 2nd 1796, Fisher Family Papers)

Les instructions de la famille Fisher à l’intention de Jabez Maud en 1775 sont également très claires à cet égard :

Thou may, by a Steady Attention, improve thyself in a more extensive Knowledge of all the Branches of Business in which we have been concerned or hereafter may upon due deliberation engage in. […] [In the course of thy Travels, we would have thee] endeavour to procure our Goods from the several Merchants and Manufacturers upon the best Terms, […] thou may find some New Articles that may answer as well as to the means of our being supplied with others upon better terms than we have been. (Letter to Jabez Maud Fisher, Philadelphia, 4 September 1775, dans Fisher, American Quaker, 321)182

Fisher semble avoir accompli sa mission à la perfection, puisqu’il remplit trois carnets entiers, dans lesquels il identifie les négociants susceptibles d’intéresser la maison familiale, il détaille les prix et les crédits qu’ils proposent, la qualité de leurs marchandises et leur sérieux. Au cours de ses déplacement dans les Iles britanniques, il est également attentif aux caractéristiques commerciales et industrielles de chaque région, note les produits fabriqués, les réseaux de transport existants, ou encore, s’il s’agit d’un port, le nombre de quais disponibles et la facilité d’accès pour les navires.

Que les marchands soient novices ou expérimentés, un séjour d’affaires en Europe s’avère toujours avantageux. Samuel Rowland Fisher profite de son voyage en 1783-1784

181 Samuel Shoemaker, John Hancock ou Jonathan Williams se lancent dans les affaires à leur retour d’Angleterre. Ces marchands s’y rendent respectivement en 1745, en 1760-1761 et 1771.

182 Cette lettre est reproduite dans les annexes (vol. 2, p. 123).

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pour rapporter des catalogues de produits britanniques.183 Pour John Warder en 1776, il s’agit de réclamer des dettes impayées et de mettre de l’ordre dans ses affaires.184 La plupart des voyageurs sont également à l’affût des dernières techniques dans le domaine agricole : Henry Laurens revient d’un séjour en France, en Allemagne, en Suisse et en Hollande en 1772, ravi des connaissances « utiles » qu’il a pu acquérir pour sa région natale,185 et il fait acheminer jusqu’en Caroline plusieurs machines et outils agricoles, ainsi que divers plantes et arbustes.186

Le voyage en Europe fournit également l’occasion de s’instruire au contact de la riche culture européenne. Le conflit révolutionnaire entre les colonies et la mère patrie étant essentiellement politique et l’indépendance n’entraînant pas de réelle rupture avec l’héritage britannique,187 ce n’est qu’au terme d’un long processus que la jeune nation américaine parvient à se forger une culture nationale distincte : jusqu’au début du XIXe siècle, la norme reste donc anglaise ou européenne dans de nombreux domaines.188 Un séjour en Europe offre la possibilité d’assimiler le raffinement européen,189 comme Elkanah Watson l’écrit en arrivant en France en 1779 : « I expect to be handsomer by spring, after I have acquired the graces » (Elkanah Watson to his brother, Nantes, 10 October 1779, Papers). Voyager en Grande-Bretagne et en Europe apporte la touche finale à l’éducation d’un gentleman et permet aux marchands de réaffirmer leur appartenance à l’élite de la société de l’époque. Ce que Marjorie Morgan analyse à propos des Britanniques en Europe s’applique parfaitement à leurs cousins d’Amérique :

A desire to boost social value and prestige sent people to the Continent […] to acquire the manners, dancing steps and foreign phrases for shining in polite society at home. Many went as well to tick off the sights so they could score

183 Charles F. Hummel, « Samuel Rowland Fisher’s ‘Catalogue of English Hardware’», Published by the University of Chicago Press on behalf of the Henry Francis du Pont Winterthur Museum, Winterthur Portfolio, Vol. 1 (1964), 188-197, 190.

184 Letter from John Warder to Bulkeley & Co., Bordeaux, July 27 1776, Letterbooks.

185: “I am passing time in the most agreeable manner […] in collecting some knowledge in the Course of this pleasant amusement which I shall strive to make useful to my Country.”

186 Voir par exemple Henry Laurens to James Laurens, August 6 1772, Papers, vol. 8, 395 ; To James Laurens, April 24 1773, Papers, vol. 9, 13-14. Les multiples transferts dont Laurens est à l’origine seront détaillés plus loin (deuxième partie, chapitre 1, IV-, p. 211).

187 Michael Zuckerman, « Identity in British America : Unease in Eden », 115 ; Michael Rozbicki, « The Cultural Development of the Colonies », 82 ; Commager, Britain through American Eyes, XX ; Marienstras, Mythes fondateurs, 69.

188 Richard Bushman, “American Highstyle and Vernacular Culture,” Colonial British America, 348.

189 Le séjour permet aux visiteurs de revendiquer l’appartenance à une élite distinguée, noble et élégante, capable de rivaliser avec l’aristocratie européenne, comme le note Richard Bushman: « Their goal was to please and shine as men of the world, to become polite members of the best company » (Bushman, 354).

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social points at home by saying at advantageous moments that they had seen such and such. (Morgan, National Identities, 11)190

C’est bien ainsi que Martha Coffin Derby (1783-1832) perçoit l’intérêt d’un Grand Tour en 1802 : « It is impossible to travel without improvement even though you should not seek it.

Every object serves to improve the taste and the mind.”191

Les activités culturelles des voyageurs seront examinées dans la deuxième partie de cette étude,192 mais on peut dès à présent en donner un aperçu rapide : afin de s’instruire, de cultiver leur goût et leur jugement esthétique, ils se rendent à des expositions de peinture et à des ventes de tableaux, ils multiplient les sorties à la comédie, à l’opéra et au théâtre, pour y voir les grands noms des scènes anglaise et européenne, ou encore se rendent à des spectacles dans les « jardins d’agrément ». Plusieurs d’entre eux profitent même de leur séjour pour se faire portraiturer.193 Ils ne manquent pas de visiter les monuments des capitales européennes, ainsi que les musées et cabinets de curiosité. Ils partent à la découverte des richesses historiques du vieux continent, qui n’ont aucun équivalent en Amérique, en visitant camps romains, cathédrales gothiques, châteaux moyenâgeux et monastères en ruines, au coucher du soleil ou au clair de lune pour en apprécier davantage le caractère romantique. Ils sont également fascinés par les grandes demeures aristocratiques britanniques et leurs jardins paysagers, comme Jabez Maud Fisher qui en visite plus d’une trentaine en l’espace de quelques mois et détaille avec précision leur architecture et leur décoration intérieure. En explorant ces demeures, ils se posent en hommes de goût, en touristes érudits, en fins connoisseurs, et ils se familiarisent avec le mode de vie de l’aristocratie. Imitant les mœurs de la société élégante britannique, ils partent également à la recherche du beau et du sublime en suivant des itinéraires pittoresques à travers la vallée de la Wye, dans le Peak District, dans le Lake District, ou encore, sur le continent européen, dans la vallée de Chamonix et aux alentours de Genève.

Bien que marchands, ils sont également férus de littérature britannique et, pour la plupart, partent en pèlerinage sur les traces des grands auteurs. A Stratford-upon-Avon, ils se

190 Voir également Gerald Newman, The Rise of English Nationalism, 42: “The tour [in Europe] was a way for upper-middle classes of distinguishing themselves [...]. [They would] imitate their betters abroad and come back with educational and social superiority inaccessible by any other route. […] The Tour brought a certificate of social acceptability and a ticket to wordly advantages”.

191 Martha Derby to Eleanor Coffin, March 1 1802, lettre retranscrite en ligne par une descendante de la famille

191 Martha Derby to Eleanor Coffin, March 1 1802, lettre retranscrite en ligne par une descendante de la famille