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VOYAGEURS DU CORPUS :

B) La fin de la période coloniale

A partir du milieu du XVIIIe siècle, le commerce transatlantique connaît une croissance sans précédent, et cela se vérifie tout particulièrement dans les treize colonies.

Kenneth Morgan a calculé qu’entre 1700 et 1750, les exportations britanniques vers l’Amérique du Nord font plus que tripler, et doublent de 1772 à 1797 : cette demande accrue pour les produits manufacturés britanniques est induite par un accroissement démographique et un niveau de vie plus élevé dans les colonies, ainsi qu’une meilleure productivité dans la métropole.118

Les colonies nord-américaines exportent de multiples matières premières vers la métropole : des produits de la pêche (morue) et de la chasse à la baleine (huiles), du bois pour la construction navale et des navires de la Nouvelle-Angleterre, des fourrures des colonies du nord et de New York, du tabac de Virginie et du Maryland, des matériaux pour la construction navale (goudron, brai) de Caroline du Nord, de l’indigo (utilisé par les teinturiers anglais) et du riz de Caroline du Sud et de Géorgie. Elles importent en retour des textiles, de la laine, du

118 Kenneth Morgan, “Business networks in the British export trade to North America, 1750-1800,” The Early Modern Atlantic Economy, 36.

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thé, de même que divers produits manufacturés. Les plus grands ports de l’époque sont Boston, Philadelphie, Charleston et New York.

Les treize colonies mettent également en place des échanges avec l’Irlande, ainsi qu’avec le sud de l’Europe (Espagne, Portugal et les îles de la Méditerranée) : farine, céréales, morue, et riz sont échangés contre du vin et du sel, et le tabac, le rhum et le sucre antillais sont introduits en contrebande. Le commerce avec les Antilles britanniques se développe tout autant : les colons importent du sucre, de la mélasse (qui sert à la fabrication de rhum dans les distilleries de Boston, New York ou Philadelphie), du café et ils exportent du pain, de la farine, du riz, du bois, du bétail, de la viande (porc, bœuf), du maïs et du poisson séché.

Les colonies s’échangent par ailleurs des marchandises : la Pennsylvanie, le Maryland et la Virginie envoient par exemple leurs céréales vers le Massachusetts et le New Hampshire.

Les réseaux commerciaux sont donc multiples, et il existe tant de disparités pendant la période coloniale qu’il est impossible de parler d’une seule économie nord-américaine. On peut toutefois identifier trois régions principales, la Nouvelle-Angleterre, la Baie de Chesapeake avec les colonies centrales, et le sud.

Le climat et les terres de Nouvelle-Angleterre ne permettant pas de produire autant de cultures que les colonies de la Chesapeake ou celles du sud, les Antilles constituent le premier partenaire commercial et c’est par le transport des marchandises que la Nouvelle-Angleterre rééquilibre sa balance commerciale. A la veille de la révolution américaine, près de 39% des bâtiments utilisés dans tout l’empire britannique et apparaissant dans le Lloyd’s Register ont été construits en Amérique, et tout particulièrement en Nouvelle-Angleterre : elle fournit les mâts, le bois et la térébenthine, alors que la Caroline du Nord produit brai et goudron.119

Les colonies centrales bénéficient quant à elles d’une agriculture plus prospère et surtout d’un excellent réseau de transport fluvial qui encourage l’expansion de la culture céréalière vers des terres situées plus à l’ouest, et stimule la croissance des villes de Philadelphie et New York. Comme pour la Nouvelle-Angleterre, la plupart des échanges commerciaux de ces colonies se font avec les Antilles. Le sud de l’Europe représente leur deuxième partenaire commercial, et la métropole n’occupe que la troisième place.

Au contraire, les colonies du Sud commercent principalement avec la métropole et l’Europe, produisant près de 2/3 des exportations nord-américaines vers le Vieux Continent.

Leur balance commerciale est donc positive. La Virginie, qui est alors une des colonies les plus riches et les plus peuplées, exporte son tabac vers l’Angleterre ou l’Ecosse, dont les 2/3 sont ensuite réexportés vers les Provinces-Unies, la France et l’Allemagne. La Caroline du

119 Jacob M. Price, « Colonial Trade and British Economic Development, 1660-1775, » Lex and Scientia: The International Journal of Law and Science, 14, Great Neck, NY, 1978, 112.

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Nord est la moins peuplée des treize colonies et celle dont l’économie repose le moins sur le commerce extérieur.

Au total, de 1768 à 1772, 52,7% des exportations (en valeur) des treize colonies sont à destination de la métropole, 25,7% vers les Antilles et 17,9% vers le sud de l’Europe.120

Concernant les activités des marchands du corpus, Francis Goelet offre l’exemple d’un négociant assez prospère de New York dans les années 1740-1750.121 Il effectue un premier voyage en Angleterre en 1746-47 afin de s’approvisionner auprès de marchands londoniens, qu’il paye grâce à la vente de sa cargaison de sucre, de cacao et de coton. Il semble remporter un certain succès car il investit peu de temps après dans l’achat de terres et de moulins et, à l’été 1748, il devient le propriétaire d’un navire dont il confie le commandement à son frère. Il repart en Angleterre en 1750-52 et une publicité de 1751 détaille ses articles « tout juste importés de Bristol » et « vendus à un prix très abordable » : pas moins d’une quinzaine de variétés de tissus en coton, soie, velours et laine de qualité plus ou moins fine, du matériel de couture, des vêtements et accessoires vestimentaires, des pipes, du tabac à priser et des boîtes en étain.122

Les marchandises importées par l’entreprise « Thomas Clifford & Sons » à Philadephie à la fin des années 1760 illustre l’étendue de certains réseaux. Sont proposés à la vente des produits des Caraïbes (rhum, café et sucre antillais, eau de vie de Jamaïque), du thé Bohea, de la soie et des épices d’Inde et de Chine, des marchandises en provenance des treize colonies (chapeaux en poil de castor et rhum de Nouvelle-Angleterre, farine et porc de Pennsylvanie), ainsi que toutes sortes de produits manufacturés anglais (ustensiles de cuisine et quincaillerie, vêtements et accessoires de mode), de la nourriture (bière et fromage anglais, sel, vin de Madère, de Lisbonne et de Porto), et même des serviteurs par contrat (gallois et anglais).

L’entreprise importe des Caraïbes du sucre, du rhum, des mélasses et du cacao et exporte vers Bristol, Liverpool et Londres des matières premières nord-américaines (du tabac, du bois de

120 Jacques Portes, Nicole Fouché, Marie-Jeanne Rossignol, Cécile Vidal, Europe / Amérique du Nord, Cinq siècles d’intéraction, chap. 1, 14-68 (chiffres cités p. 36) ; Jacob M. Price, “The Imperial Economy, 1700-1776,”

78-98 ; James F. Shepherd, “British American and the Atlantic Economy,” The Economy of Early America, The Revolutionary Period, 1763-1790, Ronald Hoffman, John J. McCusker, Russell Menard and Peter J. Albert, eds., Charlottesville, University Press of Virginia, 1988, 3-37 ; Susan Previant Lee and Peter Passell, A New Economic View of American History, New York, London, Norton & Company, 1979, chap. 1-2 ; Paul Butel, Européens et Espaces maritimes (vers 1690-1790), Presses Universitaires de Bordeaux, 1997, chap. II, 29-58.

121 Pour de plus amples informations biographiques, se reporter à la présentation des marchands du corpus en annexe (vol. 2, p. 16).

122 New York Gazette, 19 August 1751, Issue 448, New York, p.4. Publicité consultée sur America’s Historical Newspapers et reproduite en regard.

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construction et de l’huile de baleine).123 Comme dans le cas de Goelet, Thomas Clifford Jr.

effectue un voyage en Angleterre en 1770, et il emporte à cette occasion une longue liste de commandes personnelles de sa famille ou d’amis, qui montre combien les produits manufacturés anglais sont alors prisés : y figurent des lames de rasoir, des mouchoirs, un tire-bouchon, un canif, un chandelier, des lunettes ou encore des médicaments.124

La concurrence est rude et les marchands ont recours à diverses stratégies de vente pour se démarquer. Ainsi, à Boston, Jonathan Williams se spécialise en 1772 dans l’importation de textile britannique de qualité et, pour attirer l’attention dans ses annonces publicitaires, le jeune homme encadre ses textes, utilise différentes tailles de polices et met certains mots clés en majuscules, en gras ou en italique. Il prend également soin de remercier ses clients dans ses annonces, affirme qu’il propose le plus grand choix de tissus de la ville à un prix concurrentiel, et vante la qualité de sa marchandise, en insistant sur une série de tissus

“exclusivement destinés au marché londonien.”125 En 1773, il élargit son offre en proposant des produits antillais (café, cacao), de la farine, du fer, du coton et du sel de Lisbonne. Face à un marché saturé, il décide finalement de tenter sa chance en Angleterre en 1774 : il fait construire deux navires et règle ses dettes en vendant leur cargaison à son arrivée à Londres. Il a pour ambition de limiter au maximum les intermédiaires et en mars 1774, il semble satisfait car il écrit qu’il a pu nouer de précieux contacts avec des négociants de Liverpool, Manchester, Lancaster, Glasgow, Edimbourg et Londres.126

Joshua Johnson part lui aussi à Londres en 1771 : il a pour mission de vendre les cargaisons des navires affrétés par ses partenaires d’Annapolis, dans le Maryland (tabac, blé, maïs, fer) et d’acheter au meilleur prix des marchandises britanniques (textiles, vaisselle, livres, clous, thé, fromage et vin). Comme Williams, il tente de passer directement commande auprès des industriels, mais se heurte à de nombreuses difficultés.127 Le contexte économique est défavorable : les crédits excessifs accordés à certaines maisons, la chute des prix de vente du tabac et la saturation du marché américain provoquent une crise financière en 1772 et 1773. Johnson reste toutefois à l’affût des opportunités car suite à la faillite de plusieurs

123 Voir par exemple les publicités pour les produits proposés par Thomas Clifford dans The Pennsylvania Chronicle, April 18-25 1768, vol. II, Issue 13, p.103 ; The Pennsylvania Gazette, 27 June 1753, Issue 1331, p.4 ; The Pennsylvania Gazette, 27 November 1760, Issue 1666, p.1 ; The Pennsylvania Gazette, 27 October 1768, Issue 2079, supplement 2, America’s Historical Newspapers. Publicité reproduite en regard.

124 Letters from Thomas Clifford Jr. to his father, 1770-72, Memorandum, Clifford Correspondence, Pemberton Family Papers, mss., Historical Society of Pennsylvania. Le document est reproduit dans les annexes (vol. 2, p.

81).

125 The Boston Gazette, 1st June 1772, Issue 895, Supplement 2 ; The Boston Post-Boy, 22 March 1773, Issue 813, p.3 ; The Boston Post-Boy, 12 June 1773, America’s Historical Newspapers. Reproduction en regard.

126 Jonathan Williams to Benjamin Franklin, March 30th 1774, Benjamin Franklin Papers.

127 Letter to the firm, 17 April 1772, Joshua Johnson’s Letterbook, 1771-1774, Letters from a Merchant in London to his Partners in Maryland, Jacob M. Price, ed., London Record Society, 1979, XIII-XIV, 33. Les lettres sont disponibles en ligne sur http://www.british-history.ac.uk (dernière consultation : juin 2015).

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Exemple de publicité pour les marchandises vendues par Francis Goelet. New York Gazette, 19 August 1751, Issue 448, New York, p.4 (America’s Historical Newspapers):

Publicité pour les marchandises vendues par l’entreprise “Thomas Clifford &

Sons”. The Pennsylvania Chronicle, April 18-25 1768, vol. II, Issue 13, p.103 (America’s Historical Newspapers).

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Deux publicités pour les marchandises vendues par Jonathan Williams Jr.

Boston Gazette, June 1st 1772, Issue 895, Supplement 2 ; Boston Post-Boy, 22 mars 1773, Issue 813, p.3. Boston, Massachusetts (America’s Historical Newspapers).

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maisons britanniques et écossaises spécialisées dans l’exportation de tabac de Virginie et du Maryland, il propose à ses partenaires de s’implanter dans la filière. C’est un succès : en 1775, il occupe le septième rang des plus grands importateurs de tabac à Londres.128 Mais les tensions croissantes entre les treize colonies et la métropole, ainsi que les accords de non-importation conclus par certains marchands américains, perturbent les échanges. Johnson met fin au partenariat en 1777 et, patriote convaincu, il part s’installer à Nantes où il restera jusqu’à la fin du conflit en qualité d’agent commercial du Maryland et de consul du Congrès continental.

Comme le suggèrent les difficultés rencontrées par Jonathan Williams et Joshua Johnson, le commerce colonial de la fin de la période coloniale est caractérisé par une alternance de phases d’expansion et de récession : les années 1740 sont relativement prospères, suivies par une dépression au début des années 1750 due à un marché saturé et aux dettes importantes de certains colons. Les échanges connaissent ensuite une période de croissance pendant la guerre de Sept Ans, suivie par une recession au retour de la paix. La croissance repart à la fin des années 1760 lorsque le boycott des marchandises britanniques en 1765-77 et 1768-70 permet d’écouler les stocks avant la crise financière de 1772-73.129

Pendant les dernières années de la période coloniale, le commerce est cependant globalement florissant et les planteurs américains sont moins accablés de dettes à la veille de la révolution qu’ont pu l’affirmer certains historiens progressistes tels Charles Beard ou Arthur Schlesinger. Il est certain que le commerce au sein de l’empire britannique ne fonctionne pas selon les principes du libre-échange,130 mais jusque dans les années 1760, les

128 Ibid., p.XXVI.

129 Marc Egnal and Joseph A. Ernst, “An Economic Interpretation of the American Revolution,” The William and Mary Quarterly, Third Series, Vol. 29, No. 1 (Jan. 1972), 4-32, en particulier pp.14-34.

130 La Grande-Bretagne poursuit une politique mercantiliste, mise en place dans les années 1650-1670, pour faire face à la compétition des Provinces-Unies. Selon cette pratique, les colonies ne devaient pas se développer pour elles-mêmes mais étaient uniquement destinées à servir de débouchés aux produits manufacturés anglais et à lui fournir des denrées non cultivées en métropole. Tout se faisait dans l’intérêt de la métropole, selon trois principes, que John McCusker résume ainsi : « England [and Great-Britain after 1707] was to be the exclusive beneficiary of the trade in the products of its colonies. England was to be the exclusive beneficiary of the trade in the supply of goods to its colonies. England was to be the exclusive beneficiary of the carrying trade of the colonies” (McCusker, The Economy of British America, 1607-1789). Les colonies contribuaient de la sorte à renforcer la puissance économique et maritime de la Grande-Bretagne, lui apportaient une source de revenus indépendante et garantissaient son autosuffisance en temps de guerre grâce à de solides réserves d’or et d’argent.

Les Lois de Navigation imposaient les restrictions suivantes: tous les produits énumérés (tabac, sucre, indigo, coton, fourrures et bois pour la construction navale) devaient être transportés depuis les colonies vers l’Angleterre ou une autre colonie, sur des navires britanniques ou coloniaux, avec un équipage aux trois-quarts anglais et un capitaine anglais. Les colons ne pouvaient pas exporter vers la métropole certains produits agricoles comme le blé, la farine ou la laine, ni développer d’industries (textile, sidérurgique), pour éviter toute concurrence avec la production domestique. Enfin il leur était interdit d’entretenir le moindre échange commercial en dehors de l’empire, toute marchandise étrangère devant obligatoirement transiter par la métropole. Quelques exceptions avaient toutefois été consenties concernant l’importation d’esclaves africains,

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colons ont peu de raisons de se plaindre des règles imposées par la métropole. Tout d’abord, nombre d’entre eux - en particulier en Nouvelle-Angleterre et dans les colonies centrales - contournent les mesures douanières en organisant un commerce de contrebande avec les colonies françaises, espagnoles, hollandaises et danoises dans les Caraïbes.131 D’autre part, John McCusker et Russell Menard ont montré que si les contraintes sont nombreuses (des produits étrangers plus chers, l’impossibilité d’exporter directement le riz et le tabac vers l’Europe ou encore une concurrence restreinte en matière de transport maritime), elles sont largement compensées par les bénéfices : la protection de la marine royale britannique, un accès privilégié à tous les marchés de l’empire, la possibilité d’importer des produits manufacturés bon marché et de bonne qualité, des tarifs protecteurs sur le tabac, l’indigo, le goudron ou encore le bois de construction, et enfin des propositions intéressantes de crédit de la part des maisons britanniques.132

Dans ces conditions, comment expliquer le changement d’attitude chez les marchands patriotes ? Pour commencer, la perception mercantiliste a évolué depuis le XVIIe siècle : lorsque les lois de navigation sont mises en place dans les années 1650-1660, il s’agit pour l’Angleterre de contrôler le commerce de son empire pour le bien de tous, mais dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, c’est l’intérêt de certains groupes d’individus influents, comme la Compagnie des Indes Orientales et les planteurs antillais, qui semble l’emporter.133 Les marchands nord-américains, qui ne bénéficient pas de groupes capables de faire pression sur le Parlement, ne peuvent que constater leur incapacité croissante à se faire entendre en métropole.

Dans le même temps, les colonies connaissent une croissance démographique spectaculaire et voient la demande en produits coloniaux en Europe fortement augmenter à partir des années 1740, ce qui se traduit par un meilleur niveau de vie et un pouvoir d’achat en hausse. Face à un tel essor, les marchands des colonies deviennent plus ambitieux, ils sont tentés de tirer davantage de bénéfices et de développer des réseaux plus étendus comme le montrent Jonathan Williams et Joshua Johnson.134 Les profits sont tels que l’indépendance

les denrées d’Ecosse ou d’Irlande, du vin de Madère, du sel du sud de l’Europe (à destination des pêcheries de Nouvelle-Angleterre), ainsi que l’exportation de riz des colonies du sud et de la morue de Nouvelle-Angleterre (Voir Portes, Europe / Amérique du Nord : cinq siècles d’intéractions, 32-35 ; Pascal Brioist, L’Atlantique au XVIIIe siècle, Atlande, 2007, 168-169 ; Delecroix et Rosselin, La Grande-Bretagne au XIXe siècle, 145-146).

131 Les marchands vendent des grains, de la viande et du bois contre du sucre, du rhum et des mélasses, qui sont ensuite écoulés en Europe.

132 Susan Previant Lee and Peter Passell, A New Economic View of American History, chap. 2, 28-45 ; John McCusker and Russell Menard, The Economy of British America, 354. Voir également Thomas Doerflinger,

« Philadelphia Merchants… », 198.

133 McCusker, « British Mercantilist Policies », 352-360.

134 La population des treize colonies est multipliée par neuf entre 1700 et 1775 (T.H. Breen, « An Empire of Goods : The Anglicization of Colonial America, 1690-1776, » Journal of British Studies 25 (Oct. 1986),

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leur semble non seulement envisageable mais aussi souhaitable, car les nouvelles taxes imposées par le parlement britannique menacent sérieusement leurs possibilités futures et semblent destinées à détruire toute l’économie coloniale.135 Thomas Paine se fait l’écho de ces sentiments dans son célèbre pamphlet de 1776 Common Sense:

America would have flourished as much, and probably much more, had no European power have any thing to do with her. The commerce, by which she hath enriched herself are the necessaries of life, and will always have a market while eating is the custom of Europe. […] no nation in a state of foreign dependence, limited in its commerce, and cramped and fettered in its legislative powers, can ever arrive at any material eminence. America doth not yet know what opulence is; and although the progress which she hath made stands unparalleled in the history of other nations, it is but childhood, compared with what she would be capable of arriving at, had she, as she ought to have, the legislative powers in her own hands.136

L’augmentation de la consommation joue un rôle clé dans l’avènement de la Révolution. Le chercheur Timothy H. Breen montre que la multiplication des échanges avec la métropole au cours du XVIIIe siècle conduit à une forte anglicisation et une standardisation des habitudes de consommation, qui permettent aux colons de prendre conscience de l’existence d’une communauté nationale.137 L’achat de marchandises importées de la métropole devient alors un acte politique et ces produits, qui incarnent un symbole de tyrannie impériale, offrent aux patriotes des différentes colonies la possibilité de se rassembler derrière un projet commun.

Comment le commerce évolue-t-il pendant le conflit révolutionnaire : est-ce une période de grandes difficultés pour les marchands américains ? Dans quelle mesure les réseaux d’échanges commerciaux sont-ils transformés?

499). Voir également Peter Messer, Stories of Independence, Identity and History in Eighteenth-Century America, Dekalb, Northern Illinois Press, 2005, 18.

135 Portes, Europe / Amérique du Nord : cinq siècles d’intéractions , 37 ; Lee and Passell, A New Economic View of American History, 37-40 ; Egnal and Ernst, “An Economic Interpretation of the American Revolution,”

135 Portes, Europe / Amérique du Nord : cinq siècles d’intéractions , 37 ; Lee and Passell, A New Economic View of American History, 37-40 ; Egnal and Ernst, “An Economic Interpretation of the American Revolution,”