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I Le malentendu entre la France et la RFA sur le concept de la taxe sur le chiffre d’affaires

A. Les questions posées sur la fiscalité lors de la création d’un Marché Commun 1 La CECA : une organisation supranationale sans pouvoirs réels dans le

3. La mise en question des taxes en cascade

Le principe du pays de destination proposé par Pierre Uri serait simple si chaque pays disposait d’une taxe unique. Cette taxe permet de ne taxer qu’une seule fois un produit quel que soit la longueur de son processus de production et/ou de distribution. Or, la France est le seul pays à disposer d’une telle taxe, et encore, celle-ci n’est pas la seule qui frappe le chiffre d’affaire. Le système fiscal français frappant les produits et les transactions est assez complexe puisque trois types d’impôts existent, la taxe à la production, la taxe sur les transactions et la taxe locale, comme le montre le tableau suivant.

Tableau 2 Tableau de la fiscalité française au début des années 1950

Producteurs Taxe à la production au taux de 15,35 % Taxe sur les transactions : Taux de 1 %

Grossistes

Taxe sur les transactions en cascade Taux spécial : 1,8 %

Taxe locale Taux : 2,70 %

Commerçants Taxe sur les transactions Taux de 1 % Taxe locale 1,5 %

Prestataires de services

Taxe à la production Taux de 6,35 %

Taxe sur les transactions Taux : 1 %

Taxe locale additionnelle aux taxes sur le chiffre d’affaires (frappant toutes les transactions échappant à la taxe à la production), taxe en cascade

Taux : 1,5 %

(Source) Frédéric Tristram, Une fiscalité pour la croissance, la direction générale des impôts et la

politique fiscale en France de 1948 à la fin des années 1960, Paris, CHEFF, 2005, p. 676.

Archives nationale « Notes et Études documentaires » N° 2073, p. 22.

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Les producteurs sont assujettis à la taxe à la production créée. Cette taxe frappe tous les produits et suite à sa création, les taxes uniques qui ont été instituées sont supprimées. Dans le système de taxe à la production, les producteurs « en amont » achètent en suspension de taxe et les derniers producteurs « en aval » paient les taxes en totalité au fisc quand ils transfèrent des produits aux commerçants en gros ou en détail ou aux consommateurs. Avec ce système, alors qu’on peut éviter l’effet cumulatif des taxes sur les matériaux premiers, l’effet cumulatif des impôts pour les frais des investissements et les achats des fournitures indirectes demeure. Après la deuxième guerre mondiale, l’administration fiscale française affronte ce problème et le résout graduellement49.

Or, avant de régler le problème de l’effet cumulatif partiel de la taxe à la production, l’administration fiscale française invente un nouveau mécanisme de perception : il s’agit des « paiements fractionnés » introduit en 1948. Il est introduit pour des raisons budgétaires. À la sortie de la Guerre, le Trésor français souffre d’un manque financier. Dans le système de la taxe à la production existante, le Trésor doit attendre jusqu’au moment où le dernier producteur « en aval » vend et transfert ses produits aux commerçants ou consommateurs pour recevoir le revenu fiscal. Afin que le Trésor puisse recevoir le revenu fiscal plus tôt, l’administration fiscale demande que les producteurs « en amont » versent les taxes partielles sans suspendre le paiement des taxes mais tout en attribuant le montant des taxes payées au fisc aux producteurs suivants. Étant donné que les producteurs « en amont » imputent les taxes qu’ils chargent aux producteurs « en aval », le montant total que tous les producteurs paient au fisc ne change pas. Pourtant, avec ce nouveau mécanisme, le Trésor peut recevoir le revenu fiscal sans attendre le moment de la vente effectuée par les derniers producteurs50. Au moment de la création de la CECA, le taux normal de la taxe à la production est de 15,35 %. Les producteurs subissent également la taxe sur les transactions au taux de 1 % (Tableau 2).

La taxation de la distribution apparaît encore plus compliquée. Les grossistes doivent payer deux taxes perçues de manière cumulative : la taxe sur les transactions et la taxe locale. Les commerçants s’acquittent eux aussi de la taxe sur les transactions, à l’assiette très large, et la taxe locale, étendue en 1948 à l’ensemble du secteur51. Enfin, les prestataires de services doivent s’acquitter de la taxe sur les transactions, la taxe locale et un régime spécial de taxe à la production perçue en cascade au taux de 5,8 %. La technique du forfait est très peu utilisée52.

49 Georges Égret, La TVA, op. cit., p. 7-21. 50 Ibid.

51 Les taux de ces deux impôts sont en outre très variables selon la nature du commerce et selon son

lieu d’implantation, les communes pouvant majorer de 0,25 % la taxe locale.

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Malgré l’existence de ces deux taxes en cascade, ce système fiscal français est toutefois plus neutre au niveau européen dans la mesure où tous les autres pays membres ne disposent que de taxes « en cascade » : il s’agit d’une taxe qui frappe les prix de vente taxe comprise à chaque transaction. Comme le vendeur rejette la charge fiscale sur l’acheteur, la taxe s’accumule dans le prix du produit au cours de la circulation. Le montant des impôts dépend donc du nombre, variable, des transactions antérieures53. Plus le nombre des transactions va florissant, plus le montant des impôts au cours de la production augmente. C’est la raison pour laquelle on appelle cela la taxe « en cascade ». Cette taxe favorise donc inévitablement les entreprises les plus intégrées dont le nombre de transaction est plus petit.

Ces impôts sont instaurés dans la plupart des États membres, à la fin de la Première Guerre mondiale ou immédiatement après elle dans le but de couvrir les dépenses croissantes de l’État54. Or, si l’on adopte le principe du pays de destination, les exportateurs sont exonérés de la taxe sur le chiffre d’affaires et les importateurs sont taxés. Le problème, c’est qu’on ne peut pas calculer exactement le montant de l’exonération pour l’exportation si un pays exportateur applique la taxe sur le chiffre d’affaires en cascade puisque l’on ne peut pas savoir le montant exact des impôts accumulés dans le prix du produit exporté. Ce biais ne peut être contourné que par la création d’un système de compensation et de ristourne. À l’époque, tous les pays membres de la CECA possèdent alors, d’une manière ou d’une autre, ce type de système de taxe sur la production du charbon et de l’acier55.

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