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III L’élaboration du projet initial de la directive pour le système commun de TVA

B. Des avis divers sur la création de la TVA commune 1 Une réunion des dirigeants des administration fiscales

2. Les hésitations italiennes

Les administrateurs de la direction C « Problèmes fiscaux » répètent la discussion avec les dirigeants des administrations fiscales et préparent le projet initial de directive concernant la création du système commun de la TVA. La première édition est achevée en septembre 1962. Voici le résumé du projet86 :

- le remplacement, dans un délai de quatre ans, par les États membres qui pratiquent ce système, de la taxe sur le chiffre d’affaires à cascade par un régime de taxes non cumulatives, les États membres conservant, cependant, la possibilité d’établir une taxe complémentaire au stade des détaillants se superposant à la taxe non cumulative précitée. (Article 1er )

84 Il faut noter que Georges Vedel, l’autre membre français du Comité Neumark ne partage pas l’avis

d’Alain Barrère. Pour en savoir plus, voir le quatrième chapitre concernant les membres du Comité.

85 ANF, 19900580/20, Projet du compte-rendu du Colloque du 11 mai 1962 avec les membres du

Comité Fiscal et Financier et les dirigeants des Administrations fiscales nationales, direction C « Problèmes fiscaux », daté du 29 mai 1962.

86 ANF, 19900580/59, Télex par courrier du conseiller Financier du représentant permanent, R.

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- L’introduction, avant la fin de la période transitoire, par les États membres d’un système commun de TVA s’étendant jusqu’au commence de gros inclus, les États membres ayant la faculté d’appliquer au stade du commerce de détail une taxe complémentaire autonome (article 3) - la soumission, par la Commission, de propositions au Conseil avant la fin de la période transitoire en ce qui concerne la manière et le délai dans lesquels l’harmonisation des taxes sur le chiffre d’affaires, prévue à l’article 3, peut aboutir à une suppression des taxations à l’importation et des détaxations à l’exportation pour les échanges intracommunautaires. (article 4)

Après l’apparition du projet initial de la directive, les hauts fonctionnaires fiscaux se réunissent à nouveau à Bruxelles le 13 septembre 1962. L’obstacle le plus important est l’opposition des administrateurs italiens. En effet, la délégation italienne met le principe de la directive en question. Selon elle, les rapports permettent « en théorie de répondre à la question de savoir si les régimes fiscaux étudiés répondent aux nécessités du Marché Commun87 ». Cependant, « cela ne signifie pas que ces régimes répondent aux exigences actuelles de chacun des États membres88 » :

« Pour ce qui est de la structure économique particulière de l’Italie, dont toute réforme fiscale doit tenir compte, la délégation italienne communique les chiffres ci-après : Compte tenu du nombre des personnes employées, il existe 1 % de grandes entreprises, 8 % d’entreprises moyennes et 91 % de petites entreprises. Par contre, sur un chiffre d’affaires total évalué à 17.000 milliards de lires, 9.000 milliards ont été réalisés par les grandes entreprises, tandis que 4.000 milliards l’ont été réalisés par des entreprises moyennes et 4.000 milliards par de petites entreprises. C’est surtout en raison de ces données que la délégation italienne demande que l’on fasse preuve de compréhension à l’égard des observations relatives à chacune des hypothèses étudiées dans le rapport89».

D’autres délégations, comme les délégations française et néerlandaise, s’opposent notamment à l’idée de l’article 4 qui stipule la suppression des frontières

87 Idem. 88 Idem. 89 Idem.

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fiscales. Pourtant, en fin de compte, avant que les administrateurs nationaux n’aboutissent à un accord unanime, la Commission transmet au Conseil le 5 novembre 1962 une proposition de directive en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires.

À Bruxelles, le Comité des représentants permanents prépare le débat qui déroulera au Conseil des ministres. Compte-tenu de l’importance des problèmes soulevés par le projet de directive, il est opportun de réserver au Conseil la possibilité d’avoir un échange de vues avant d’en décider la transmission au Parlement européen90 et au Comité économique et social. Le Comité des représentants permanents convient, au cours de sa réunion du 11 décembre 1962, de soumettre au Conseil les considérations développées par les délégations91.

Le gouvernement italien n’est pas facile à persuader. Au cours du Conseil des ministres qui se tient le 17 décembre 1962, le ministre italien des Finances, Giuseppe Trabucchi, expose les objections de fond que le gouvernement italien éprouve à l’encontre de la proposition de la Commission. Elles se fondent principalement sur l’insuffisance des études faites par la Commission quant aux répercussions sur le plan budgétaire et sur le plan économique de ces propositions dans chaque État membre. Prenant prétexte de ces insuffisances, Giuseppe Traubucchi demande d’abord que le projet ne soit transmis au Parlement européen et au Comité économique et social qu’une fois les études complémentaires nécessaires effectuées ou, tout au moins, après la réunion des ministres qui doit se tenir à Baden-Baden le 31 janvier prochain.

Le secrétaire d’État aux Finances néerlandaises fait une déclaration analogue à celle de Giuseppe Trabucchi quant aux objections de fond de son gouvernement. Néanmoins, il indique qu’il ne s’opposerait pas nécessairement à l’envoi immédiat de cette proposition au Parlement européen et au Comité économique et social. Les autres membres du Conseil s’étant eux-mêmes prononcés en faveur de cette transmission, Trabucchi s’y est, en définitive, également rallié. Les ministres décident ainsi, à l’unanimité, de transmettre pour avis au Parlement européen et au Comité économique et social la proposition de directive de la Commission relative à l’harmonisation des législations des États membres en matière de taxes sur le chiffre d’affaires92.

Cette décision du Conseil admet seulement la transmission du projet de directive

90 L’Assemblée parlementaire européenne prend le nom de « Parlement européen » le 30 mars 1962. 91 ANF, 19900580/59, Proposition de directive en matière d’harmonisation des législations des États

membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, préparé par le Conseil, datée du 13 décembre 1962.

92 ANF, 19900580/59, Télex du SGCI, session des conseils des 17 et 18 décembre, propositions de

directive de la commission relative à l’harmonisation des législations des États membres en matière de taxe sur le chiffre d’affaires, daté du 18 décembre 1962.

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au Parlement Européen ainsi qu’au Comité économique et social qui ne jouent qu’un rôle de consultation. Donc, cette décision n’influence pas immédiatement le système fiscal des États membres. En ce sens, il est possible que le gouvernement italien s’accommode pour l’instant avec ses partenaires, bien qu’il s’oppose principalement au projet. Pourtant, il est évident que la force numérique l’amène finalement à donner son consentement. Comme se plaint la délégation italienne, l’harmonisation fiscale au niveau de la Communauté est avancée sans suffisamment tenir compte de la situation économique et sociale de chacun des États membres. Elle est menée plutôt par la théorie pour le Marché Commun qui est en train de naître. L’essai de l’harmonisation des taxes sur le chiffre d’affaires apporte ainsi une nouvelle logique dans la politique fiscale nationale des États membres.

* * *

L’harmonisation des taxes sur le chiffre d’affaires entre plusieurs pays est un défi inédit. Ce défi est en première lieu étroitement lié à la modification de l’attitude de la Commission vis-à-vis de la fiscalité : au début, elle envisageait l’harmonisation des taxes sur le chiffre d’affaires afin d’éliminer la distorsion dans le commerce international. Cependant, plus le débat sur l’harmonisation fiscale avance, plus elle prend conscience de l’importance de créer un système commun adapté au Marché Commun.

Le nouveau défi est dû aux efforts apportés par les fonctionnaires ainsi que les universitaires qui contribuent à former les consensus sur le système de TVA parmi les États membres : la TVA est un des impôts les plus neutres et la TVA n’est pas une taxe sur les entreprises mais une taxe sur la consommation. Le fait que la TVA est une taxe sur la consommation, quant à lui, pourtant, n’est pas accepté par tous les États membres. Cette opposition naît de lecture différente de la nature de la taxe. En particulier, la plupart des membres du Comité Neumark ont tendance à penser que la TVA est un impôt sur les entreprises. Pourtant, au sein des groupes des administrateurs, ce concept est largement partagé grâce aux deux administrateurs français qui assistent régulièrement aux réunions à Bruxelles. Les contacts des administrateurs à Bruxelles permettent ainsi la transmission d’idées portant sur le système de TVA entre les États membres. Les travaux menés par les fonctionnaires des États membres à Bruxelles crée ainsi un lieu d’échange de savoir, ce qui permet effectivement l’harmonisation fiscale entre plusieurs pays.

Il est bon de noter que la notion de productivité s’impose de plus en plus dans le débat sur l’harmonisation des taxes sur le chiffre d’affaires et que cela soutient davantage l’introduction de la TVA commune dans les Six. Autrement dit, il est entendu que le

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système fiscal doive être organisé en faveur des activités économiques des entreprises. Un instrument fiscal qui sert à l’économie est en effet déjà expérimenté dans les années 1950 au niveau national. La création de la TVA est en ce sens une nouvelle expérience élargie au niveau européen. Effectivement, comme nous allons le constater plus tard, les milieux industriels vont intervenir dans le débat qui va se dérouler à Bruxelles et tenter de créer la TVA commune la plus adaptée à leurs activités. Cependant, étant donné que le processus de décision à Bruxelles est strictement basé sur le consensus entre les États membres et la Commission, cela prend plus de temps qu’au niveau national.

Ainsi, l’accord pour la création de la TVA commune est au fur et à mesure formé dans plusieurs aspects au niveau gouvernemental comme communautaire. Il reste que les États membres fixent les règles communes pour cette nouvelle taxe commune, qu’il est encore plus difficile à arriver à un accord.

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