• Aucun résultat trouvé

Le contenu de l’accord de « stand-still »

I La remise en question des réajustements des taxes aux frontières

C. Le parcours difficile vers un accord

3. Le contenu de l’accord de « stand-still »

La réunion préparatoire des secrétaires d’État aux Finances se tient le 19 mai 1960 sous la présidence de Hans von der Groeben53. La France est le seul pays membre à soutenir les propositions de Walter Hallstein qui proposent de restreindre la compétence en matière de politique fiscale des États membres. Le gouvernement français est « pleinement54 » d’accord avec la notion de « stand-still » et donne « son entier accord » sur la consultation préalable55 . Au sein de la délégation française, Valéry Giscard d’Estaing56, à l’époque secrétaire d’États aux Finances, critique le maniement des taxes compensatoires par ses partenaires :

« Les effets de la diminution des droits de douane ne doivent pas être annulés par des augmentations de taxes compensatoires. Si le niveau de celles-ci était insuffisant pour compenser réellement la charge fiscale intérieure, les modifications jugées nécessaires auraient dû être introduites avant les premières mesures de désarmement douanier. [...] Elle estime que la plupart de ces modifications sont liées

52 ANF, 19900580/20, Document de Travail précité pour la réunion des secrétaires d’États aux

Finances. Cette réunion préparatoire des Secrétaires d’État aux Finances a été prévue pour le début d’avril mais a finalement été annulée puisque tous les pays n’étaient pas en mesure d’y être représentés.

53 ANF, 19900580/20, Lettre du P. VerLoren van Themmat au représentant permanent français auprès

de la CEE, Georges Gorse, datée du le 3 juin 1960. Les participants sont : Hans von der Groeben, Wirsing (chef adjoint du Cabinet de von der Groeben), Prof Möller (conseiller économique de la Commission de la CEE), VerLoren van Themaat, Nasini, Jansen (chef de division « Impôts Indirects), Hutchings (chef de division « Cas Particuliers »), De Jonge (membbre de division « Cas Particuliers »), Guieu « membre de Décision « Impôts Indirects »), Thiesing (Service Juridique Commun), de la France : Giscard d’Estaing (Secrétaire d’Etat aux Finances), Mille (représentant permanent adjoint), Estèva (cabinet du ministre des Finances), Mayoux (secrétaire général adjoint du SGCI), Frapsauce (sous-directeur ministère des Finances), Semini (directeur adjoint – ministère des Finances), Mermoux (conseiller Financier à la RP), Colmant (conseiller Commercial à la RP). Idem, Projet du compte-rendu de la réunion tenue le 19 mai 1960 sous la présidence de Monsieur von der Groeben, avec les Secrétaires d’État aux Finances et les représentants permanents.

54 Idem. 55 Idem, p. 7. 56 Idem, p. 4.

149

à l’abaissement des tarifs douaniers : si les droits de douane n’avaient pas été abaissés, les taux des taxes compensatoires n’auraient pas été aussi généralement modifiés57».

Les partenaires de la France ne se rallient pas à l’avis de Valéry Giscard d’Estaing. La délégation néerlandaise, entre autres, s’y oppose. Les Pays-Bas ont souvent changé les taux des taxes compensatoires même après l’entrée en vigueur du Traité de Rome. Cependant, pour eux, l’augmentation du taux des taxes compensatoires à l’importation et des ristournes à l’exportation effectuée par son gouvernement après janvier 1959 n’a aucun rapport avec la diminution des droits d’entrée débutée à ce moment-là. Aux Pays- Bas, le changement est effectué en conséquence des recherches depuis 1951, donc bien avant la signature du Traité de Rome58.

La délégation néerlandaise développe d’ailleurs ses contre-critiques en argumentant que le changement du taux est de temps en temps nécessaire pour observer la neutralité fiscale. Elle estime ainsi que le taux en vigueur peut être fixé à un niveau inapproprié. En adoptant un tel point de vue et concernant l’accord de « stand-still », les Pays-Bas souhaitent donc que l’on « abandonne purement et simplement59 » cette idée.

Elle a une bonne raison pour refuser les propositions. Il est vrai que les Pays-Bas sont, d’une part, un pays membre qui fait avancer l’intégration européenne au niveau diplomatique, et d’autre part, ils défendent avec ferveur la nécessité de respecter la souveraineté fiscale. Ils ont en effet l’habitude d’effectuer une politique sociale et économique au travers de la fiscalité.

L’Italie, quant à elle, adopte une position unique justifiée par son système fiscal en cours. En effet, la délégation italienne n’est pas capable d’accepter un accord de « stand-still » immédiat puisque les taxes compensatoires à l’importation et les ristournes à l’exportation sont alors fixées en Italie au-dessous du plafond prévu par les articles 95 à 97. Le gouvernement italien impose donc les taxes compensatoires pour les produits importés à un niveau moins élevé que les taxes indirectes pour les produits similaires fabriqués à l’intérieur du pays. Comme il existe donc encore une marge pour augmenter ses taux des taxes compensatoires et des ristournes, l’Italie ne souhaite pas immédiatement accepter l’idée d’un accord de type « stand-still ».

Effectivement, en Italie, le système de taxe compensatoire est introduit pour la

57 Idem, p. 4. 58 Idem, p. 3. 59 Idem, p. 6.

150

première fois au taux maximum de 4 % en juillet 195460. À l’époque, le gouvernement italien n’avait pas réussi, pour des raisons budgétaires, à fixer des taux de taxes compensatoires conformes à l’incidence réelle. C’est la raison pour laquelle ce n’est qu’à la suite des plaintes des milieux intéressés que le gouvernement italien entreprit une révision de ces taux espérant ainsi les faire correspondre, dans la mesure du possible, à l’incidence réelle. Cependant, compte-tenu de la particularité de la procédure législative italienne, les mesures projetées n’étaient alors pas encore mises en application. Le projet de loi était en instance devant le Parlement. Le gouvernement italien ne pouvait donc accepter un accord de « stand-still » qu’après la mise en ordre de ces mesures qui interviendrait vraisemblablement le 1er janvier 196161.

Après la réunion des secrétaires d’État aux Finances, les représentants permanents à Bruxelles se réunissent et débattent de ce sujet à deux reprises au cours du mois de juin dans le but de coordonner les différents points de vue des États membres62. Ils peinent à se mettre d’accord mais avec certaines exceptions. Par exemple, prenant en compte la situation particulière de l’Italie, il est décidé de l’écarter momentanément de ces règles. L’Italie obtient donc une dérogation provisoire concernant le projet de loi modifiant le régime appliqué à l’importation et à l’exportation qui est alors soumis au Parlement63.

Lorsque le Conseil des ministres se tient les 20 et 21 juin 1960, les ministres des Finances des Six tombent d’accord sur les quatre propositions faites par Walter Hallstein et précédemment mentionnées64. Après ce jour, les États membres s’engagent à ne pas modifier, en principe, les taux des taxes compensatoires et des ristournes sauf pour des

60 Secretariat on Trade, Trade Barriers and the Activities of the Contracting Parties, International

Trade – 1954, Document of GATT, p. 10.

Disponible sur https://docs.wto.org/gattdocs/q/.%5CGG%5CMGT%5C55-31a.PDF [Consulté le 30 août 2018] “Mention was made in International Trade - 1952 of import taxes which are imposed to compensate for internal taxes levied on similar home-produced goods and in some cases the levy of a single import tax equivalent to several internal taxes collected at various stages of production. Such equivalent taxes were applied in 1952 and 1953 by Germany and Belgium. In 1954 the Belgian tax was slightly increased. The Netherlands has also applied such a compensation tax and in January 1955 provision was made for the rate to be increased where necessary up to 7 per cent. In July 1954, Italy imposed a similar tax of up to 4 per cent and provided (in the same law) for the reimbursement of the domestic purchase tax in the case of exported goods.)”.

61 ANF, 19900580/20, Compte-rendu précité de la réunion tenue le 19 mai 1960 sous la Présidence de

Hans von der Groeben, p. 3.

62 Pour les comptes-rendus des réunions, voir CM2/1960-143 et CM2/1960-144. 63 ANF, 19900580/20, Compte-rendu de la réunion tenue le 23 juin 1960, p. 1-2.

64 CAEF, B-59782, Propositions de la Commission au Conseil relatives à l’application des articles 95

à 97 du Traité concernant les ristournes à l’exportation et les taxes compensatoires à l’importation, (projet du procès-verbal de la 33ème réunion du Conseil de la CEE tenu à Pau les 20 et 21 juin 1960),

151

considérations de technique fiscale, et à consulter préalablement, deux mois avant au plus tard, leurs partenaires lorsqu’ils envisagent de telles modifications en raison de la difficulté de calculer. Au cours de la réunion, les ministres des Finances donnent, du reste, un avis favorable à une méthode commune de calcul des taux des taxes compensatoires et des ristournes. Il s’agit là d’une solution temporaire dans l’attente de la mise en place de l’harmonisation des taxes sur le chiffre d’affaires entre les Six65.

Outline

Documents relatifs