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Les propositions du rapport du Comité Neumark

II Des études en faveur de la TVA européenne

B. Le Comité Neumark : la TVA commune et le principe du pays d’origine 1 L’élaboration du rapport du Comité Neumark

2. Les propositions du rapport du Comité Neumark

À la différence des sous-groupes A, B et C, le Comité Neumark envisage les « disparités existant dans les finances publiques48 » dans un sens plus large. Son analyse s’effectue donc à partir d’un point de vue plus vaste que celui des sous-groupes des administrateurs. C’est une raison pour laquelle le Comité Neumark propose finalement la suppression des frontières fiscales. Voici les disparités existant dans les finances publiques traitées dans le Comité Neumark49 :

a) Le montant global des recettes publiques (impôts) et les dépenses par rapport au produit national

b) Le rapport des impôts directs aux impôts indirects

c) La nature et le taux des impôts indirects, tant ceux des impôts généraux

44 Idem, 1961/7/2 Neumark to Shoup, 1962/9/12 Shoup to Neumark

45 Idem, 1961/7/2 Neumark to Shoup. Les correspondances entre Carl Shoup et Neumark montrent

que la position du Comité à ce sujet n’est pas claire au début du mois de juillet 1962.

46 Hideo Nakamura, op. cit., p. 140.

47 Georges Vedel,« Les aspects fiscaux du marché commun », Bulletin de Documentation Fiscale

Internationale, Vol XII, 1958.

48 ANF, 19900580/21, « Rapport du Comité fiscal et financier », 1962, p. 5. 49 Idem, p. 5-6.

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(taxes sur le chiffre d’affaires) que ceux des impôts spéciaux (accises) d) La nature et le taux des impôts directs, y compris les abattements et

franchises, régimes spéciaux et mesures prises en matière de double imposition

e) La taxation des transports (en liaison avec le financement des coûts d’infrastructure)

f) Les autres impôts (sur la fortune, les successions, les mouvements des capitaux, etc…)

g) La structure des dépenses publiques, en particulier, le niveau absolu et relatif des dépenses des administrations publiques au sens étroit, celui des dépenses militaires et d’une part, les dépenses publiques de consommation et d’autre part les investissements et les transferts correspondant à la politique sociale (subdivisés en transferts de revenus et subventions).

L’harmonisation du système des taxes sur le chiffre d’affaires n’occupe ainsi qu’une partie dans ce rapport. Pourtant, les membres du Comité pensent que l’harmonisation des taxes sur le chiffre d’affaires des États membres « doit être considérée comme la mesure la plus importante et la plus urgente à prendre dans le cadre de la politique d’harmonisation fiscale50». En conclusion, elle propose clairement la création de la TVA commune et la future suppression des frontières fiscales. Comment alors les membres arrivent-ils à cette conclusion ?

Les objectifs du Comité se résument en quatre points : la création d’un Marché Commun, l’élimination des distorsions, la neutralité fiscale, la croissance économique. Chaque objectif est étroitement lié aux questions concernant l’harmonisation des taxes sur le chiffre d’affaires.

Dans le but de la création d’un véritable Marché Commun, le Comité souligne que la suppression des frontières fiscales est l’objectif final. C’est la différence la plus importante du rapport des sous-groupes A, B et C. Selon le Comité, la libre circulation des marchandises et des capitaux est recherchée et obtenue grâce à la suppression des frontières douanières. Cette suppression ne peut avoir pour conséquences l’établissement d’un Marché Commun ayant des allures de marché intérieur que si elle est complétée par une suppression des frontières fiscales. Une telle mesure semble également nécessaire pour des raisons d’ordre psychologique et politique51.

50 Idem, p. 89.

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Dans la perspective d’une distorsion fiscale au niveau international, le Comité propose de remplacer le système de taxe sur le chiffre d’affaires « net » (non-cascade) par le système de taxe sur le chiffre d’affaires en cascade52. Il faut donc avoir soit la taxe unique, soit la taxe générale sur le chiffre d’affaires « net » comme par exemple la TVA. Le troisième point concernant la neutralité fiscale nous apprend quel est le type de TVA préférable pour un véritable Marché Commun. Deux types de TVA possibles sont ainsi proposés. Tout d’abord, il est avancé la TVA « la base sur la base » qui frappe la valeur ajoutée par les entreprises mais admet des déductions pour les investissements au fur et à mesure des amortissements annuels. Autrement dit, il s’agit là d’un impôt sur le revenu des entreprises. Puis il est également avancé la forme d’un impôt sur la consommation, dit la TVA « l’impôt sur l’impôt », abouti grâce à la déduction totale des dépenses pour les investissements dans l’année d’acquisition et qui frappe annuellement la différence entre la valeur ajoutée et les investissements nets. Autrement dit, il s’agit là d’un impôt sur la consommation finale. Le Comité conclut que seul ce dernier type peut être « qualifié d’économiquement neutre » puisqu’il ne réduit pas fiscalement le revenu provenant d’un emploi du capital53.

Cependant, les choses ne sont pas si simples. Le Comité considère que du point de vue des échanges de biens entre les pays de la CEE, ces différences ne jouent pas un rôle considérable si on applique le principe du pays de destination puisqu’il existe des compensations entre deux pays. En cas d’adoption du principe du pays d’origine, en revanche, seule entrerait en ligne de compte la méthode de déduction « la base sur la base » ce qui impliquerait naturellement qu’on renonce à une différenciation du taux des impôts fondée sur la nature des biens imposables. Étant donné que le Comité Neumark est d’avis favorable pour le principe du pays d’origine, il opte finalement pour l’imposition « base sur base »54.

« Gewerbeteuern » entre l’Allemagne et le Luxembourg a montré que le principe du pays d’origine ne provoque pas de distorsion importante [Sijbren Cnossen and Carl S. Shoup, “Coordination of value- added taxes”, op. cit., 1987, p. 68].

52 ANF, 19900580/21, « Rapport du Comité fiscal et financier », précité, p. 41. 53 Idem, p. 42.

54 Dominique de la Martinière témoigne que « la TVA française, quant à elle, est une imposition sur

la consommation : il s’agit donc de l’imposition de « l’impôt sur impôt ». À chaque transaction, même pour des matières premières comme les biens d’investissement, les entreprises sont chargées des taxes que les acheteurs leur paient en déduisant le montant total d’impôt qu’elles ont déjà payé pour leur propre achat. Le résultat est que les montants de l’impôt des entreprises sont calculés sur la base de « l’impôt sur impôt ». En France, les administrateurs comme les experts des entreprises se mettent d’accord sur ce concept. La TVA est donc une imposition sur la consommation finale. Dominique de la Martinière mentionne qu’« intellectuellement, cette harmonie a été troublée dès le départ par un individu, très sûr de lui-même, très dominateur, le professeur Neumark, président du comité

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Selon le Comité, il est en outre d’autant plus intéressant que l’on se place du point de vue de la croissance économique. Celui-ci présente le quatrième élément de la proposition du Comité. Prenant en compte ces quatre points, le Comité recommande l’introduction d’un système commun de la TVA « consommation » au lieu d’autres types de système de taxes sur le chiffre d’affaires. En effet, si l’on se prononce pour le maintien du principe du pays de destination mais en même temps pour la suppression des frontières fiscales, on ne peut prendre en considération comme système d’imposition du chiffre d’affaires qu’une taxe perçue au stade du détail qui, en aucun cas, ne nécessite des frontières fiscales. Comme un impôt au stade du détail n’est pas réalisable, et ce pendant longtemps encore, en tant qu’unique réforme de l’impôt sur le chiffre d’affaires, à cause de raisons pratiques de technique fiscale, une décision en faveur de l’application du principe du pays d’origine a théoriquement la portée d’une décision en faveur d’un impôt sur le chiffre d’affaires net à tous les stades55.

En plus de cela, le Comité propose un calendrier concret afin de réaliser l’harmonisation des taxes sur le chiffre d’affaires dans le cadre de la CEE. D’abord, il y a lieu de supprimer la taxe sur le chiffre d’affaires en cascade perçue à tous les stades partout où elle existe et de la remplacer, dans la mesure du possible, par une taxe sur la valeur ajoutée ou éventuellement par une taxe perçue à un seul stade. Entre temps, chacun des États membres peut préparer – et, le cas échéant, mettre en vigueur – l’impôt sur les transactions au stade du commerce de détail, destiné à compléter la taxe sur la valeur ajoutée. Après l’instauration de la TVA, on procède à une harmonisation progressive de l’impôt sur le chiffre d’affaires « net » portant notamment sur les taux, les exonérations

scientifique. Ce comité scientifique, composé d’universitaires et créé en 1960 pour étudier les questions fiscales au sein de la CEE, a prétendu que la TVA frappait le bénéfice brut des entreprises. Pour que sa neutralité soit parfaite, il fallait donc, selon lui supprimer les frontières fiscales et taxer les chiffres d’affaires dans le pays d’origine. Le professeur français s’est rallié au point de vue de son président. Cet écart n’a guère contrarié l’évolution de la TVA mais la Commission, pour des raisons que je vous ai expliquées, et les Allemands ont toujours été favorables à la taxation selon le « pays d’origine » ». [Dominique de la Martinière, « l’administration fiscale française et les négociations européennes, 1961-1966 », in Le rôle des ministères des Finances et de l’Économie dans la

construction européenne (1957-1978), Actes du colloque tenu à Bercy le 14 novembre 1997 et le 29

janvier 1998, Paris : CHEFF, Tome II, 2002, p. 22-23]. Cependant, surtout aux États-Unis, ce concept de l’imposition de « l’impôt sur impôt » n’est accepté ni par les milieux universitaires ni par les milieux d’experts. Ces derniers considèrent que la taxe sur la valeur ajoutée est un impôt sur les entreprises et elle est calculée à partir du livre de comptes des entreprises. Ainsi, chaque année, les entreprises calculent la valeur ajoutée, le chiffre d’affaires total moins le coût total durant l’année d’exercice. Comme nous allons le voir plus tard, alors que les administrateurs de la Commission et des États membres adoptent l’idée de la création de la TVA commune en Europe soutenu par le Comité Neumark, ils optent pour la méthode de déduction de « l’impôt sur impôt » qui est plus proche de la TVA française.

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etc. Les frontières fiscales seront ainsi supprimées dès que possible en ce qui concerne la taxe sur le chiffre d’affaires. Dans ce contexte, le cas échéant, les accises seront incorporées dans la TVA ou bien les règles d’exonération pour ces accises seront à unifier dans les pays membres56.

III L’élaboration du projet initial de la directive pour le système

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