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Les mesures, les plans et les politiques ministériels éducatifs à la lumière du

CHAPITRE I : PROBLÉMATIQUE

1.1 Le contexte social et scolaire québécois et la prise en compte de la diversité culturelle

1.1.3 Les mesures, les plans et les politiques ministériels éducatifs à la lumière du

L’hétérogénéité de la population québécoise et le modèle interculturel adopté ont sûrement des répercussions sur le système éducatif au Québec et, en conséquence, sur le travail des enseignants en classe ordinaire au primaire. Ainsi, face aux flux migratoires qu’il connaît, le gouvernement du Québec est amené à se positionner officiellement et à trouver des solutions à l’intégration linguistique, sociale et culturelle des nouveaux arrivants. Depuis les années 1960, plusieurs mesures, politiques et plans d’action9 ont été mis sur pied afin de favoriser l’accueil et le soutien des élèves immigrants dans les écoles du Québec (Lessard, Henripin, Larochelle, Cournoyer et Carpentier, 2007), visant à améliorer la réussite scolaire et la réussite éducative des élèves, notamment celles des élèves d’origine immigrante.

En effet, les mesures qu’on retrouve dans le Rapport Parent (début des années 1960) se rapportent surtout à l’intégration linguistique et à la francisation des élèves (Armand, 2005). Les politiques qui suivent visent, en outre, l’intégration culturelle et sociale des élèves d’origine immigrante.

Comme déjà mentionné, le Québec opte pour des mesures qui défendent le patrimoine francophone de la province, dont la langue française. Ainsi, les mesures de francisation et d’intégration linguistique consistent à mettre en place, dès 1969, des classes d’accueil10 pour accueillir les nouveaux immigrants (Benes et Dyotte, 2001). Sont admissibles à ces classes, les élèves qui font pour la première fois leur scolarité en français et qui n’ont pas une maîtrise suffisante de cette langue pour intégrer la classe ordinaire (Collin, Karsenti, Fréchette, Murataj et Fleury, 2011). Ces classes consistent à faire acquérir aux élèves d’origine immigrante des habiletés langagières minimales leur permettant de cheminer ultérieurement vers la classe ordinaire et à développer, chez ces élèves, une attitude positive envers la communauté francophone (Armand, 2005).

La fréquentation de ces classes s’est accrue après l’adoption de la Charte de la langue française (découlant de l’Énoncé du projet de Loi 101, en 1977) qui a promulgué le français comme langue officielle d’enseignement et a imposé son usage dans tous les domaines de la vie publique (Pagé et Lamarre, 2010). Avant ce projet de loi, les élèves d’origine immigrante ont été traditionnellement intégrés au secteur scolaire anglophone (Benes et Dyotte, 2001). Ainsi, ce n’est que depuis l’adoption de la Loi 101 que les nouveaux immigrants intègrent obligatoirement les écoles du système francophone. L’apprentissage du français devient une obligation et une nécessité. Les établissements de langue française, traditionnellement homogènes, sont donc confrontés aux défis du pluralisme (Mc Andrew et Audet, 2010).

Dix ans après avoir mis en place ces classes, on a constaté que le séjour en classe d’accueil est insuffisant pour favoriser le développement des compétences linguistiques des élèves d’origine immigrante récemment arrivés. Pour mieux agir sur la francisation et l’intégration linguistique, le ministère de l’Éducation ajoute, en 1988, un soutien linguistique aux classes ordinaires pour aider les élèves qui n’ont pas encore maîtrisé la langue d’enseignement au terme de leur séjour dans les classes d’accueil (Volcy et Lefebvre, 1996). Ce soutien permet aux élèves d’origine immigrante de combler l’écart entre leur compétence en français et celle attendue chez les élèves des classes ordinaires (Armand, 2005). Le soutien linguistique dans les classes ordinaires est aussi offert aux nouveaux arrivants provenant de pays peu

francophones et qui maîtrisent peu le français. Les élèves inscrits à ce service sont déjà intégrés à une classe ordinaire et sont rencontrés à l’extérieur de celle-ci sur une base hebdomadaire (Proulx, 2013). En effet, le soutien linguistique est offert par un spécialiste à l’école. Les élèves quittent la classe pendant leur période d’études pour rejoindre le spécialiste pour un nombre d’heures, qui diffère d’une école à l’autre et d’un élève à l’autre. Toutefois, comme ce service est fortement lié au budget de chaque école, il se peut que des élèves ayant besoin de soutien ne puissent pas le recevoir. Par ailleurs, ce service fournit un soutien linguistique et aide l’élève à améliorer son niveau linguistique mais le prive, par la même occasion, des activités d’apprentissage qui ont lieu au même moment dans sa classe. L’enseignant est alors appelé à aider l’élève à récupérer les notions qui lui manquent afin de se maintenir au même niveau que celui de la classe.

En somme, les mesures qui ont marqué le Rapport Parent (comme la mise en place des classes d’accueil et les applications de la Loi 101) ont permis à un plus grand nombre d’élèves d’origine immigrante d’accéder aux écoles francophones, même s’ils ne maîtrisent pas la langue d’enseignement à leur arrivée au Québec. Pourtant, la réforme des années 1990 considère que ces actions ne sont pas suffisantes. On passe de l’objectif d’accès à l’école pour tous des années 1960 à un objectif de réussite pour tous, quelles que soient les caractéristiques personnelles, linguistiques, culturelles et socioéconomiques des élèves. Ce virage s’accompagne de la mise sur pied de politiques qui, d’une part, reconnaissent la diversité culturelle et, d’autre part, responsabilisent davantage les établissements scolaires et les enseignants et augmentent les défis en termes de réussite scolaire des élèves, y compris celle des élèves d’origine immigrante. Les politiques concernent la francisation, la socialisation et l’éducation à la citoyenneté des élèves immigrants (Lessard et al., 2007) et demandent aussi aux enseignants de sensibiliser l’ensemble des élèves au « vivre-ensemble ».

Ainsi, les efforts pour la francisation se poursuivent et s’inscrivent dans un cadre plus juridique et instauré. La Politique linguistique apparaît en 1996 pour soutenir les immigrants dans leur apprentissage de la langue d’enseignement (Pagé et Lamarre, 2010). Elle vise à créer un environnement en langue française dynamique, accueillant et attrayant qui peut influencer les choix et les comportements linguistiques de tous les citoyens du

Québec (Sécrétariat à la politique linguistique, 1996). Cette politique complète les mesures prises auparavant et vient contourner les lacunes pouvant apparaître dans les mesures de francisation déjà adoptées. Dans l’un de ses objectifs, la Politique incite les commissions scolaires à se doter de modèles de francisation plus intégrateurs à long terme, surtout pour les élèves ayant séjourné dans des classes d’accueil :

malgré le temps passé en classe d’accueil, les élèves immigrés n’arrivent pas toujours à acquérir les connaissances nécessaires à la poursuite d’études en français. Sans prolonger indûment le séjour en classe d’accueil où ne se retrouvent que des élèves immigrés, il faut rechercher des moyens d’accompagner ces jeunes pour favoriser au mieux leur intégration et leur succès dans les classes ordinaires. (Sécrétariat à la politique linguistique, 1996, p. 9)

Dans le même ordre d’idées, un plan d’action pour la valorisation du français, langue d’enseignement, Lire, écrire, communiquer et réussir, est apparu en 2001 (Pagé et Lamarre, 2010). Ce plan tend à encadrer les élèves d’origine immigrante de façon à faciliter leur intégration. Par exemple, réviser les contenus, élaborer des objectifs et des standards nouveaux qui répondent aux besoins des allophones. Ce travail d’ajustement du curriculum exige la coopération de l’enseignant. Ce dernier est appelé, d’une part, à remettre ses pratiques en question et, d’autre part, à travailler en collaboration avec les autres enseignants et avec les élèves dans le but d’ajuster le curriculum pour qu’il réponde aux besoins des immigrants, sans s’écarter des exigences du programme scolaire et des besoins des autres élèves de la classe. Les efforts pour soutenir l’intégration linguistique des élèves immigrants ainsi que leur intégration sociale et culturelle se poursuivent. Une politique scolaire sur l’interculturel au Québec, Politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle. Une école d’avenir, est rendue publique en 1998 (Mc Andrew et Audet, 2010). Elle a comme but d’intégrer les immigrants dans la société québécoise et de créer un environnement ouvert envers les différentes cultures (Molinaro et Ego, 1999). Elle définit l’éducation interculturelle comme le « savoir vivre ensemble dans une société francophone, démocratique et pluraliste » (MEQ, 1998, p. 23). Elle insiste sur l’importance de la maîtrise du français et des codes sociaux par l’élève pour pouvoir réussir ses apprentissages et savoir communiquer avec les autres, tout en optant pour un modèle intégrateur non assimilationniste :

On peut définir l’intégration – première dimension de la politique – comme un processus d’adaptation à long terme, multidimensionnel et distinct de l’assimilation qui, elle, renvoie à l’adoption intégrale de la culture de la société d’accueil et à la fusion avec le groupe majoritaire. Le processus d’intégration, qui postule l’acceptation de références à l’identité culturelle d’origine et dans lequel la maîtrise de la langue de la société d’accueil joue un rôle essentiel, n’est achevé que lorsque la personne immigrante ou ses descendants participent pleinement à l’ensemble de la vie collective de la société d’accueil et ont développé un sentiment d’appartenance à son égard. Cela implique que l’élève immigrant ou immigrante qui arrive dans le réseau scolaire québécois n’est qu’au début de son processus d’intégration. Il ou elle, dans le cas, par exemple, de l’élève jeune non francophone, a besoin d’apprendre et de maîtriser à la fois le français – langue d’enseignement et langue commune de la vie publique – pour réussir ses apprentissages scolaires (intégration linguistique et scolaire) et les codes sociaux pour établir, avec l’ensemble de ses camarades, des relations significatives qui transcendent les barrières linguistiques et culturelles et pour participer à la vie collective. (MEQ, 1998, p. 1)

Outre l’intégration linguistique, la politique sur l’éducation interculturelle engage les enseignants à promouvoir l’intégration sociale et culturelle de l’élève, l’aider à s’intégrer dans le contexte hétérogène, valoriser sa culture, tolérer et valoriser les cultures des autres. Le travail des enseignants, par exemple, ne se limite pas à enseigner le français, mais aussi à inciter l’élève à valoriser cette langue, tout en développant un environnement d’ouverture culturelle en français. Le travail des enseignants, selon l’éducation interculturelle, consiste aussi à mettre en œuvre une pédagogie active (Armand et al., 2008) qui met l’élève et l’enseignant au centre des processus d’enseignement-apprentissage. Dans une telle pédagogie, le travail des enseignants tend à s’éloigner des pratiques basées sur le magistral et à développer des pratiques basées sur les interactions et les échanges en classe afin de rejoindre tous les élèves selon le principe d’égalité des chances. Selon Perrenoud (1996), dans le contexte de la pédagogie active, la responsabilité de l’enseignant est de faire travailler l’élève dans un climat de confiance, de transformer la classe en lieu d’apprentissage construit collectivement, de lui faire vivre des activités qui ont du sens pour lui et de réguler la vie affective et sociale en coopération et en concertation avec l’élève. Selon cette pédagogie, le travail des enseignants consiste, entre autres, à créer des situations interactives entre l’élève et l’enseignant qui permettent à l’élève de communiquer, d’échanger, de négocier et de faire des choix dans son apprentissage.

En plus de la maîtrise du français, cette politique s’appuie sur deux autres principes qui sont l’égalité des chances et l’éducation à la citoyenneté (MEQ, 1998). Ces principes se manifestent par des orientations pour favoriser l’intégration et la réussite scolaires des nouveaux arrivants, par exemple insister sur l’importance des services offerts aux élèves immigrants (MEQ, 1998) tels que les classes d’accueil et les autres ressources de l’école. La politique transfère également au personnel des commissions et des établissements scolaires la responsabilité de sa mise en œuvre, notamment en rapport au soutien aux apprentissages et à la valorisation du français. Elle stipule que la responsabilité de l’intégration des élèves nouvellement arrivés au Québec incombe à l’ensemble du personnel de chaque établissement d’enseignement et qu’une intervention immédiate et appropriée est nécessaire pour la réussite des élèves nouvellement arrivés et en difficulté. De plus, la politique considère important que le personnel scolaire soit formé pour relever les défis éducatifs liés à la diversité culturelle de la société québécoise.

Donc, au sein du contexte social hétérogène québécois, les mesures, les politiques et le plan d’action ministériels que nous avons présentés cherchent à donner des balises aux écoles pour contribuer à l’intégration linguistique, sociale et culturelle des élèves d’origine immigrante, ce qui entraîne des répercussions sur le travail des enseignants en classe ordinaire. Ceux-ci sont amenés à composer avec les diverses orientations et politiques en fonction de la réalité des classes. Par exemple, après l’adoption de la Charte de la langue française, les enseignants sont confrontés à des classes ordinaires plus hétérogènes, avec des élèves ayant des niveaux linguistiques différents, dont certains ont séjourné dans des classes d’accueil et ont probablement manqué quelques Compétences disciplinaires; une nouvelle réalité avec laquelle l’enseignant devra composer. La politique linguistique et les mesures de francisation auprès des élèves d’origine immigrante placent les enseignants devant la responsabilité de soutenir les élèves allophones dans leur apprentissage du français, langue d’enseignement et aussi langue de communication. L’enseignant est ainsi appelé à développer des pratiques spécifiques de soutien et à mobiliser de nouvelles ressources pour aider l’élève d’origine immigrante à compenser ses écarts sur le plan linguistique et sur le plan des autres compétences disciplinaires afin de progresser, avec ses pairs, dans la classe ordinaire. L’enseignant adapte son temps et le programme scolaire pour permettre l’apprentissage de tous les élèves. Avec

l’objectif de « la réussite pour tous », l’enseignant n’est pas seulement confronté à des élèves différents sur les plans ethnique, culturel et linguistique, mais aussi sur le plan de l’accomplissement scolaire. En plus, on lui demande de soutenir l’élève d’origine immigrante dans son intégration sociale et culturelle pour qu’il puisse valoriser et accepter les différentes cultures.

De tout ce qui précède, nous constatons que dans un contexte qui opte pour l’interculturel et dont certaines politiques demandent de développer la compétence du « vivre ensemble » chez les élèves, le travail de l’enseignant dépasse les limites du programme scolaire. On prescrit aux enseignants de prendre en considération les différences en termes de valeurs, de normes, de culture, de langue, de codes sociaux et de religion, entre autres. L’ensemble des politiques éducatives responsabilise davantage les enseignants pour développer des ressources qui visent à soutenir les élèves immigrants dans leur intégration linguistique, culturelle et sociale. Pourtant, l’enseignant peut-il mettre en action tout ce qui est prescrit dans les politiques ? Avant de regarder le travail de l’enseignant proprement dit, nous abordons la situation éducative des élèves d’origine immigrante dans les classes ordinaires et dans les classes d’accueil afin de mieux comprendre le contexte de travail des enseignants et le soutien aux élèves qui relèvent de leur responsabilité.

1.2 LA SITUATION ÉDUCATIVE DES ÉLÈVES D’IMMIGRATION RÉCENTE