• Aucun résultat trouvé

CHAPITE II : CADRE THÉORIQUE

2.1 Les pratiques enseignantes de soutien à la lumière du cadre de l’analyse

2.1.3 La gestion des interactions en classe

La mise en place du soutien auprès d’un ou de plusieurs élèves d’origine immigrante dans le contexte réel de la classe nécessite un environnement positif d’apprentissage où tous les élèves peuvent apprendre et exige aussi un travail de gestion de l’ensemble de la classe. Nault et Fijalkow (1999, p. 452) considèrent que la gestion de classe est « une entité fondamentalement psychosociologique portant sur la manière de régulariser de façon formelle ou informelle les interactions entre un enseignant et des élèves en salle de classe, même quand il s’agit de situations ou de réactions imprévues ». Pour organiser la classe, l’enseignant structure les activités et les interactions pour assurer un environnement d’apprentissage propice aux élèves (Perrenoud, 1999a). C’est ce qu’il fait lorsqu’il offre un soutien individuel à un élève d’origine immigrante. Il trouve des façons pour gérer les interactions avec les autres élèves pour qu’ils soient encadrés dans les tâches d’apprentissage. Le travail de gestion et d’organisation est socialement construit dans le temps et il est objet de négociation et de changement (Delamont, 1976). Comment l’enseignant gère-t-il les interactions avec l’ensemble de la classe pour soutenir un élève d’origine immigrante sans nuire aux autres élèves de la classe ? Pour mieux comprendre le travail réel de l’enseignant à la lumière des facteurs du contexte de la classe, nous décrivons brièvement deux modèles de prise en compte des interactions en classe : celui de Delamont (1976) et celui des scènes scolaires développé par Bucheton (2009).

Référer à ces modèles dans notre cadre théorique nous permet de mieux comprendre la manière dont l’enseignant tient compte de l’ensemble de la classe.

Le modèle de Delamont (1976)

Delamont (1976) présente quatre aspects de l’interaction dans une classe : temporel, organisationnel, éducationnel et physique. Pour l’aspect temporel, Delamont (1976) considère que la structure de la classe n’est pas statique, mais qu’elle change avec le temps. Les relations se développent au fur et à mesure entre l’enseignant et les élèves. Ainsi, les acteurs commencent à partager le même sens des activités qui se déroulent. Pour l’aspect physique, l’auteure évoque, entre autres, le décor de la classe, l’utilisation des ressources, l’arrangement des tables et des bureaux, les centres et l’espace de la classe. Elle considère que cela influence la performance de l’enseignant et son interaction avec les élèves et leur apprentissage. Dans le même sens, Tomlinson et Imbeau (2011) signalent qu’il faut miser sur l’organisation physique de la classe de façon à focaliser l’attention des élèves sur le discours des pairs. En effet, un environnement d’apprentissage positif consiste, entre autres, dans une organisation de la classe de façon à laisser place aux travaux d’équipe et faciliter l’accès aux ressources. Une classe mal organisée sur le plan de l’espace peut freiner le travail dyadique entre l’enseignant et l’élève, notamment celui d’origine immigrante, alors que les autres élèves travaillent en groupe par exemple. Bien que certaines conditions de la classe soient inchangeables (espace, tableau, apparence de la classe), d’autres conditions peuvent être ajustées par l’enseignant (forme et organisation des tables, accès aux ressources, mise en place de nouvelles ressources) afin de créer un environnement propice à la mise en place du soutien. L’installation des conditions favorables par l’enseignant rend possible le travail des enseignants et l’apprentissage (Perrenoud, 1999). Pour l’aspect organisationnel, il comporte le système autoritaire, les politiques de l’école, l’horaire et les routines en classe. L’aspect pédagogique comporte, entre autres, le programme scolaire, le curriculum, les évaluations qui définissent le travail de l’enseignant et limitent ses choix en classe.

Donc, selon ce modèle, l’enseignant est appelé à organiser l’espace de la classe, à gérer le temps (horaire, temps alloué au programme scolaire), à organiser et à permettre aux élèves l’accès aux ressources et aux équipements. Il s’ajuste également selon les politiques et les routines de la classe, les exigences du programme scolaire et toute autre politique institutionnelle.

Les scènes scolaires de Bucheton (2009)

Nous avons précisé que les pratiques de soutien s’inscrivent dans un travail d’ajustement. La prise en compte de la diversité en classe se traduit entre autres par un ajustement du travail des enseignants en classe. Il s’agit de repenser les processus d’enseignement et les pratiques enseignantes et de les ajuster continuellement selon le contexte de la classe (Tomlinson, 2004; Tomlinson et Imbeau, 2011). Bucheton (2009) précise que cet ajustement est d’autant plus complexe que c’est un co-ajustement avec l’agir de chaque élève lui-même en train de s’ajuster tant à l’agir de l’enseignant qu’à celui de ses pairs. L’auteure relie les ajustements et les co-ajustements dans le contexte réel de la classe avec plusieurs scènes scolaires. Les différentes scènes nous donnent une idée sur la manière d’organiser les activités en classe pour gérer l’ensemble des élèves, tout en misant sur la particularité des besoins individuels de chacun d’eux sans négliger le reste de la classe. Selon l’auteure, la visée de ces différentes scènes est le soutien ou l’étayage dans un groupe.

1) La « scène duale » qui consiste à travailler individuellement avec l’élève à son bureau ou au bureau de l’enseignant, à voix plus ou moins basse.

2) La « scène collective » est considérée par l’auteure comme la plus fréquente en classe. L’enseignant adresse ses explications à toute la classe.

3) Les « scènes de groupe » consistent, selon l’auteure, à ce que l’enseignant circule entre les divers groupes en classe pour vérifier le progrès du travail. Il se peut qu’il offre un soutien sur place selon son analyse de la situation. Il se peut aussi qu’il revienne à la scène collective.

4) « L’atelier », dans le modèle de l’auteure, consiste à ce que l’enseignant soit assis à une table qui regroupe quatre à dix élèves et les fait travailler en s’ajustant selon chaque élève. En plus, il suscite des collaborations entre les élèves du groupe pour réussir la tâche commune. Pendant ce temps, le reste de la classe travaille de façon autonome.

5) Les « scènes privées ». En travaillant sur les deux autres scènes, l’enseignante maintient son regard sur les autres élèves de la classe qui travaillent silencieusement.

6) Les « scènes off ». Au cours desquelles l’enseignant surveille tout ce qui est indice de décrochage chez les élèves comme les mots et les échanges hors sujet. Le seuil de tolérance de cette scène dépend de l’enseignant, de son expertise et de la leçon.

L’enseignant a donc une marge de manœuvre pour ajuster le contexte de la classe de façon à créer un environnement propice à l’apprentissage et à la mise en place de pratiques de soutien. Il s’ajuste selon les besoins des différents élèves. Il mise sur plusieurs scènes pour répondre aux besoins de l’ensemble de la classe. Il offre un soutien individuel ou un soutien en petit groupe tout en gardant un œil sur les autres élèves de la classe. Il travaille en groupe avec les élèves, si nécessaire, et il surveille et prévient le décrochage des élèves.

Pourtant, le cadre d’analyse du travail enseignant ne nous fournit pas d’éclairage sur le soutien proprement dit en tant qu’interaction individuelle entre élèves et enseignant. Bien que ce cadre nous permette de regarder la prise en compte des interactions et leur gestion en classe, il éclaire peu ce qui se passe entre l’élève et l’enseignant au moment de l’interaction, et ne nous permet pas de regarder le rôle de l’élève dans le processus de coconstruction du sens de la pratique de soutien. Pour cette raison, nous complétons notre compréhension des pratiques enseignantes de soutien en nous inscrivant dans une autre approche, soit l’approche sociohistorico-culturelle.

2.2 LES PRATIQUES ENSEIGNANTES DE SOUTIEN À LA LUMIÈRE DE