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Étudier les effets d’étayage et le rôle de l’enseignant dans le soutien offert

CHAPITE II : CADRE THÉORIQUE

2.3 Les recherches sur les pratiques de soutien

2.3.2 Étudier les effets d’étayage et le rôle de l’enseignant dans le soutien offert

Plusieurs recherches s’intéressent à l’effet des pratiques d’étayage sur l’apprentissage des élèves en classe. Elles s’adressent aux élèves « de souche » dans des classes du primaire et du secondaire. Nous les avons introduites, car elles nous donnent une idée sur la mise en place de l’étayage en classe.

Une première vague de recherches sur l’étayage décrit les actions des enseignants au moment de leurs interactions avec les élèves ainsi que les effets de l’étayage sur l’apprentissage des élèves. Dans le contexte de la classe, Maloch (2002) étudie l’étayage et le développement des compétences interactionnelles des élèves de troisième année dans une classe du primaire au cours d’une discussion de groupe en littérature. L’auteure constate que les actions d’étayage de l’enseignant, comme celles de modeler, de questionner, de poser des questions de suivi, de consolider certaines stratégies utilisées par les élèves, d’informer, de donner des explications directes et indirectes aident les élèves à acquérir des compétences en communication. Selon Maloch (2002), ces actions aident les élèves du groupe à interagir entre eux et avec

l’enseignant. Pour leur part, Malicky, Juliebo, Norman et Pool (1997) explorent les actions d’étayage utilisées par les enseignants pour encourager le développement de la métacognition chez les élèves, notamment chez cinq jeunes enfants à risque dans un programme d’intervention en lecture. Les chercheurs ont constaté que l’entraînement est plus efficace que d’autres actions d’étayage comme l’explication, le modelage, l’encouragement et la discussion. Toujours sur le développement des fonctions métacognitives et en lien avec des programmes de lecture et de littératie, Hobsbaum et al. (1996) observent qu’au moment de l’interaction avec l’élève lors d’une session de tutorat, l’enseignant guide l’élève et l’invite à faire attention à ses stratégies, à ses fonctions internes et à son comportement, ce qui lui permet d’acquérir des stratégies métacognitives. Ainsi, l’étayage aide l’enseignant et l’élève à développer un texte écrit choisi en lien avec l’histoire de chaque élève.

Une deuxième vague de recherches étudie les actions d’étayage de l’enseignant et aussi l’importance de sa présence physique au moment du soutien offert aux élèves. Les recherches, de type qualitatif (Azevedo, Cromley et Seibert, 2004; Lefrançois, 2000), ont montré que l’intervention de la technologie ne peut pas remplacer le rôle de l’enseignant ou du tuteur durant l’étayage. Des logiciels ont été utilisés pour faciliter une tâche en sciences pour des élèves du secondaire (Azevedo et al., 2004) et pour produire un texte écrit pour des élèves du primaire (Lefrançois, 2000). Dans les deux études, l’enseignant aide les élèves à comprendre les instructions du logiciel. Dans cet environnement très médiatisé, ses actions consistent à guider, à encourager, à discuter et à donner un feedback, ce qui améliore l’intégration des logiciels par les élèves (Azevedo et al., 2004; Lefrançois, 2000). Azevedo et al. (2003) ont mené une étude comparative entre trois groupes d’élèves (avec tuteur et avec une liste d’instructions; sans tuteur et avec une liste d’instructions; sans tuteur et sans liste d’instructions). Ils ont noté que le premier groupe performe mieux que les deux autres et que même avec une liste d’instructions, le groupe sans tuteur ne performe pas mieux que celui qui ne reçoit pas d’aide. Une autre recherche nous paraît importante parce qu’elle porte sur l’étayage technologique en groupe. Masters et Yelland (2002) ont exploré les stratégies d’étayage adressées à deux groupes d’élèves dans une classe de 2e et de 3e année du primaire durant leur utilisation de l’ordinateur pour accomplir une tâche en sciences. Les auteurs ont noté que l’explication donnée à toute la classe avant de commencer le travail, les questions de

l’enseignant pour renforcer l’explication, les instructions techniques, l’aide pour gérer le temps, pour définir les rôles et pour évaluer le progrès sont des stratégies d’étayage qui ont soutenu les élèves dans leur travail. Dans le même sens, Coltman et al. (2010) constatent que les compétences d’autorégulation et de transfert de connaissances se construisent chez de jeunes élèves qui travaillent une succession de tâches en mathématiques avec l’aide de l’enseignant. Les auteurs, dans leur étude de type quantitatif, ont comparé la performance de deux groupes d’élèves âgés de quatre à six ans dans une tâche en mathématiques à partir d’un pré et d’un post test. Les élèves du premier groupe ou du groupe de contrôle qui ont travaillé sans aide et support ont moins performé dans le post test que ceux du groupe expérimental qui ont été soutenus par l’enseignant. En plus, les élèves du groupe de contrôle n’ont pas amélioré leur niveau de savoir. Ils n’ont pas non plus conçu de stratégies de travail alors que ceux du groupe expérimental ont construit leurs compétences d’autorégulation et de transfert de connaissances quand il leur a été demandé d’accomplir une tâche similaire dans une nouvelle situation. Les auteurs concluent que l’interaction de l’enseignant avec l’élève à travers un système de soutien graduel qui agit dans la zone de développement de l’élève établit une coconstruction du sens de la tâche.

Des recherches ont identifié certaines actions d’étayage, comme informer, expliquer, guider, modeler, questionner, donner des instructions et autres. Cependant, les parcourir nous a permis de constater que les mêmes actions d’étayage produisent des effets différents d’un élève à l’autre et d’une tâche à une autre. Par exemple, le modelage et l’explication ont aidé des élèves groupe à acquérir des compétences en communication, tandis que ces mêmes actions n’ont pas beaucoup aidé d’autres élèves à développer leurs compétences métacognitives dans une autre tâche. Ainsi, la simple mise en place de l’action n’est pas une garantie d’étayage. Les recherches ont d’ailleurs aussi montré le rôle de l’enseignant dans le soutien. En effet, la deuxième vague de recherches que nous avons exposée se préoccupe d’étudier l’importance de la présence physique de l’enseignant au moment du soutien en comparant les acquis des élèves avec et sans sa présence. Elles nous ont aussi apporté un éclairage sur une forme d’étayage, l’étayage en groupe. Dans la plupart des recherches, sauf celle de Hobsbaum et al. (1996) qui étudie l’étayage individuel, les chercheurs ont relevé le rôle de l’enseignant et ont décrit ses actions au moment de ses interactions avec un groupe d’élèves. Pourtant, les recherches ne

nous donnent pas d’explications sur les raisons pour lesquelles les enseignants ont choisi le soutien en petit groupe et si ce choix relève de la gestion de la classe.

Ces études ne s’adressent pas aux élèves d’origine immigrante, surtout parce qu’ils exigent probablement un soutien particulier comparativement à leurs pairs. En outre, les recherches relient de façon linéaire la performance de l’élève au processus d’étayage, sans tenir compte des autres facteurs qui peuvent entrer en jeu. Contrairement à notre recherche, les recherches citées se préoccupent peu d’étudier l’étayage dans le contexte de la classe, au sein d’un groupe d’élèves hétérogène. En plus, elles ne nous ont pas donné d’éclaircissements sur la mise en place d’un étayage individuel dans le contexte de la classe, autrement dit, sur la manière dont l’enseignant gère l’ensemble des élèves au moment où il offre un soutien individuel à un élève. Nous avons aussi constaté que celles-ci se préoccupent peu du rôle de l’élève dans le soutien. Elles se centrent surtout sur le rôle des enseignants, notamment sur leurs actions. Enfin, les limites relevées nous incitent à nous questionner sur le rôle de l’élève dans la négociation du sens du soutien.

2.3.3 Le rôle des outils puisés dans la culture de la classe sur l’intégration scolaire de l’élève

Des recherches se déroulant dans des classes multiethniques du secondaire se penchent sur le rôle des outils puisés dans la culture majoritaire de la classe sur l’apprentissage et sur l’intégration scolaire des élèves de groupes minoritaires.

César et Oliviera (2005) ont étudié l’effet d’un outil, le curriculum alternatif, qu’ils ont développé dans une classe multiculturelle sur la performance des élèves d’origine immigrante et sur des élèves minoritaires. Le but du curriculum est d’intégrer les élèves dont la culture est différente de celle de l’école. Son développement se fait en collaboration avec les élèves et leurs parents et tient compte de leur culture et des expériences de vie de leurs parents. Le curriculum n’est pas fixe et est toujours négocié avec les élèves. Il consiste en un travail interdisciplinaire entre sciences et mathématiques, où les élèves sont appelés à développer plusieurs sujets par eux-mêmes et également à intégrer un nouveau cours, Le développement social et personnel, où une bonne partie est consacrée aux travaux artistiques. Les chercheurs

assurent le suivi des élèves afin d’étudier les impacts de l’intégration du curriculum sur la participation des élèves en classe, à l’école, dans les pratiques sociales et dans leur vie. L’analyse de l’effet du curriculum alternatif s’appuie sur le récit des élèves. Les résultats montrent un développement des compétences sociales et scolaires des élèves. Ils ont raconté positivement leur expérience en travaillant sur le curriculum. Ils réalisent l’importance des interactions au moment du travail et ils développent une image plus positive de l’école.

Dans une autre recherche, Gorgorio et Plannas (2005) ont étudié le rôle des normes de la classe sur l’apprentissage des élèves d’un groupe minoritaire. Elle a démontré que les pratiques culturelles des élèves du groupe minoritaire influencent l’interprétation qu’ils donnent aux stratégies utilisées en classe pendant une leçon de mathématiques. Les chercheurs constatent que, dans une classe multiethnique, les diverses interprétations des mêmes normes s’entrechoquent. L’enseignement de la mathématique n’est plus vu comme une question de contenu déconnecté de la culture, des normes et des valeurs pouvant être enseigné sans avoir recours à une langue commune. Les élèves des groupes minoritaires, qui font partie d’un autre groupe social, ne partagent pas la même conception de l’enseignement et de l’apprentissage des mathématiques que les autres élèves. L’étude examine comment les normes de la classe médiatisent la participation de deux élèves d’origine immigrante dans la résolution d’un problème en mathématiques. Pour la majorité des élèves, la résolution de la situation problème se rend seulement à la mathématique, sans avoir besoin d’expliquer la situation en faisant le lien avec le vécu des élèves du groupe minoritaire. Les auteurs décrivent qu’en travaillant des situations-problèmes en mathématiques, un des élèves du groupe minoritaire insiste sur l’importance de comprendre le contexte du déroulement de la situation-problème pour qu’il puisse la résoudre, alors que l’enseignant et certains élèves de la classe ont rejeté son idée. L’élève réagit en refusant de participer et de répondre aux questions de l’enseignant. Les auteurs constatent ainsi que les conversations et les négociations en classe sont utiles pour avoir une même interprétation des normes de la classe. Ce sont des outils pour soutenir ces élèves dans leur intégration et dans leur apprentissage.

Même si ces recherches se déroulent dans une classe du secondaire, nous les avons introduites, car elles évoquent le rôle des outils puisés dans la culture de la classe sur l’intégration

culturelle et scolaire des élèves. La première étude nous explique l’importance d’un outil multiculturel, le curriculum alternatif, sur le développement des compétences sociales et scolaires des élèves. La deuxième met en lumière l’importance du discours mathématisé contextualisé qui puise dans les pratiques culturelles des élèves du groupe minoritaire pour résoudre un problème en mathématiques. L’étude accentue aussi le rôle des conversations et des échanges en classe, ce qui permet à l’enseignant de mieux comprendre et de valoriser les pratiques culturelles des élèves et, par conséquent, de les aider dans leur intégration culturelle. Cela nous incite à nous interroger sur la complexité de ce travail et sur le défi de l’enseignant d’identifier les pratiques culturelles de chaque élève et d’utiliser un discours mathématisé contextualisé. Ces recherches nous renvoient à l’importance que les outils utilisés en classe soient en rapport avec la culture des groupes minoritaires, ce qui suscite notre questionnement sur la manière dont les élèves d’origine immigrante s’approprient les outils de soutien et le rôle de la négociation avec l’enseignant sur ce processus.