• Aucun résultat trouvé

Étudier l’action de l’étayage dans la zone de développement proximal

CHAPITE II : CADRE THÉORIQUE

2.3 Les recherches sur les pratiques de soutien

2.3.1 Étudier l’action de l’étayage dans la zone de développement proximal

Plusieurs recherches s’intéressent à l’effet de l’étayage sur le développement de la langue seconde chez les élèves d’origine immigrante. Ces études ont en commun d’étudier l’action de l’étayage dans la zone de développement proximal de l’élève. Soulignons que dans ces recherches, menées dans un milieu anglophone, la langue seconde est principalement l’anglais.

L’étayage est défini comme un soutien contingent et graduel dont l’intensité et le contenu influencent l’action dans la zone de développement proximal. Certaines recherches n’ont pas été effectuées dans une salle de classe, mais dans des centres linguistiques. Nous les présentons pour l’importance qu’elles accordent aux interactions avec autrui dans la zone de développement proximal de l’élève et pour certaines formes atypiques qu’elles apportent sur l’étayage, par exemple l’interaction entre deux novices. Une seule recherche, celle de Baleghizadeh et al. (2011) étudie la médiation indirecte, c’est-à-dire l’étayage qui se fait sans intervention de la part de l’enseignant. Dans cette étude, les auteurs s’intéressent à l’intensité du soutien offert auprès des élèves d’origine immigrante dans le contexte réel des classes du primaire. Ils étudient l’effet de l’étayage hautement structuré, faiblement structuré ou sans étayage sur la performance des groupes d’élèves dans une tâche d’écriture en anglais, sans qu’il y ait une intervention directe de l’enseignant. Les outils utilisés sont des textes modèles choisis par l’enseignant et distribués aux groupes d’élèves. Les auteurs concluent que l’étayage faiblement structuré, qui consiste en un texte modèle comprenant quelques indices, est celui qui agit dans la zone de développement proximal des élèves, car le groupe qui performe le plus est celui qui a reçu ce niveau de soutien. Les auteurs constatent aussi que le soutien dans la zone de développement proximal est graduel et contingent et que l’étayage peut se faire en petit groupe.

Les autres recherches sur le soutien en langue seconde étudient les interactions qui se déroulent au moment de l’étayage entre un élève et un enseignant dans le contexte d’une classe du primaire entre un novice et un expert et entre deux novices, dans le contexte des centres linguistiques. Dans le contexte d’une classe du primaire, Nassaji et Cumming (2000) analysent les interactions écrites entre un enseignant et un élève dont la langue maternelle n’est pas l’anglais, à travers un journal dialogique construit par les deux acteurs. Ils explorent la manière de construire un savoir dans la zone de développement proximal de l’élève.

Dans le contexte des centres linguistiques, Nassaji et Swain (2000) étudient la nature du soutien fourni dans la zone de développement proximal des élèves. La recherche se fait au moment des sessions de tutorat pendant lesquelles des élèves d’origine coréenne écrivent des essais en anglais. Les chercheurs examinent l’effet de l’aide structurée offerte par une

personne compétente dans la zone de développement proximal des étudiants versus l’aide donnée au hasard. Dans le premier cas, le tuteur donne des feedbacks selon les besoins des élèves dans la tâche tout en se servant d’une grille. Le tuteur commence par le feedback le plus implicite et augmente graduellement son soutien selon les réactions de l’élève. Dans le deuxième cas, le tuteur utilise des feedbacks aléatoires sans considérer les besoins de l’élève. L’étude démontre qu’un feedback graduel et convenable aux besoins de l’élève est plus efficace que celui donné au hasard. Le suivi des auteurs révèle que l’élève qui profite du soutien a un développement plus consistant par rapport à l’autre.

Contrairement à la tradition de recherche sur l’étayage offert par une autre personne plus compétente dans un savoir donné, d’autres étudient les interactions entre des novices dans le but d’un soutien en langue seconde. Guerrero et Villamil (2000) explorent les interactions entre deux élèves novices qui apprennent l’anglais au moment d’un travail collaboratif de révision dont l’un écrit un texte et l’autre le lit. Dans la première moitié de l’interaction, le lecteur joue le rôle de médiateur, il engage l’autre, attire son attention sur des caractéristiques de l’écrit. Au cours de l’activité, les deux deviennent actifs. À la fin, celui qui a écrit le texte intègre les corrections. Les auteurs concluent que l’étayage est mutuel et non pas unidirectionnel, l’intersubjectivité est établie et maintenue entre les deux. Dans le même sens, Schweiter et Laurier (2010) se penchent sur le développement de la langue à travers des pratiques d’étayage qui ont lieu entre un groupe d’élèves novices. Des élèves, dont l’anglais est la langue maternelle, doivent travailler en groupe pour élaborer un magazine en langue espagnole. Chacun doit écrire quatre essais et chaque essai passera par quatre stades d’étayage au cours desquels les autres élèves du groupe réviseront les techniques d’écriture. Chaque niveau est ensuite suivi d’une session de feedbacks. Les résultats ont montré un développement dans les stratégies d’écriture dans les différentes versions du même essai et à travers les quatre essais. Les interactions en groupe, les feedbacks et les commentaires ont aidé les élèves à bien performer.

Ces recherches ont en commun de vouloir étudier le soutien des élèves immigrants dans la langue seconde, à la lumière de l’approche sociohistorico-culturelle, notamment les concepts d’étayage et de la zone de développement proximal. C’est à ce point que celles-ci diffèrent des

écrits sur le soutien en langue seconde recensés dans le premier chapitre. La première vague consiste en des textes qui visent à conceptualiser le travail de soutien en classe. Ces textes insistent sur les liens entre la langue et la culture, entre l’intégration linguistique et l’intégration culturelle. Ils donnent des balises aux enseignants pour les aider à intégrer les élèves d’origine immigrante. Par contre, ces recherches, qui se déroulent majoritairement dans un contexte anglophone, se situent davantage du côté de la pratique et émergent du terrain. Elles ont approfondi le soutien en langue seconde à la lumière d’un cadre théorique qu’elles ont adopté. Bien qu’elles possèdent des limites, elles sont plus près du travail réel de l’enseignant en classe.

Les recherches ont aussi démontré que l’apprentissage est un processus social construit par l’interaction avec les outils et autrui et que l’action dans la zone de développement proximal est facilitée par des activités centrées sur la communication langagière, le discours et le dialogue entre les acteurs, ce qui intègre l’élève dans la communauté de la langue seconde. À l’exception d’une recherche qui exclut le rôle de tuteur dans le soutien en langue seconde, les autres insistent sur le rôle interactif et dynamique d’autrui dans le soutien, ce qui lui permet d’agir dans la zone de développement proximal de l’élève. Par exemple, par le journal dialogique, l’enseignant change son apport selon les écrits de l’élève. Il est apparu que l’étayage qui agit dans la zone de développement proximal d’un élève favorise le développement dans une compétence linguistique donnée. Les recherches sollicitent plusieurs outils pour étudier l’action d’étayage dans la zone de développement proximal de l’élève, comme le journal dialogique, les textes modèles, la grille de feedbacks et le feedback d’un novice. Elles ont fait valoir que la mise en place de l’outil ne suffit pas à lui seul pour favoriser le développement de l’élève, c’est plutôt l’intensité du soutien fourni par l’outil et l’adaptation de l’outil au besoin de l’élève qui le favorise. Les études qui portent sur le soutien par des novices constituent une nouvelle contribution au sujet de l’étayage, habituellement défini comme du soutien apporté par un individu plus compétent à un autre moins compétent dans un savoir donné.

Ces recherches nous ont fourni un éclairage sur le soutien en langue seconde, sur l’action dans la zone de développement proximal et sur le rôle des outils. Pourtant, elles ont peu expliqué

l’effet du contexte de travail sur la mise en place de ces pratiques de soutien par l’enseignant ou par le tuteur. En effet, celles-ci ne se déroulent pas dans le contexte d’une classe, où l’enseignant est appelé à enseigner le programme scolaire à l’ensemble de la classe, à gérer plusieurs interactions, à organiser la classe et à tenir compte de l’ensemble des élèves. Même dans l’étude qui porte sur le soutien par l’intermédiaire d’un journal dialogique et qui se déroule dans le contexte d’une classe du primaire, l’outil mis en place est utilisé par l’enseignant et par l’élève à l’extérieur de la classe : les deux écrivent le journal à la maison, et non pas en classe. Ainsi dans l’ensemble de ces recherches, l’enseignant ou le tuteur n’avait pas besoin de tenir compte des facteurs du contexte et de s’ajuster en conséquence. C’est ce qui nous incite à nous interroger sur la manière dont le soutien en langue seconde sera mis en place dans le contexte d’une classe ordinaire du primaire. En plus, dans ces recherches, les élèves sont surtout au niveau collégial, ce qui est plus facile en termes de négociation et de communication entre eux et l’enseignant, par comparaison à notre contexte qui se situe dans des classes du primaire. Cela nous interroge sur le rôle de l’élève du primaire à l’égard du soutien et de sa capacité à négocier le sens de soutien avec l’enseignant.