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CHAPITE II : CADRE THÉORIQUE

2.2 Les pratiques enseignantes de soutien à la lumière de l’approche sociohistorico-

2.2.2 Le rapport entre le développement culturel et l’apprentissage scolaire

2.2.2.3 Le langage comme outil culturel

Le langage est un outil universel développé dans toutes les cultures. Dans l’approche vygotskienne, c’est l’outil psychologique le plus important qui permet le développement des fonctions psychiques chez l’élève. Il est créé et partagé par des individus de la même culture (Bodrova et Leong, 1996). Le langage sert de support aux activités de communication et d’échange entre un individu et autrui. C’est dans le cadre de l’interaction verbale que les

enfants accèdent aux concepts, aux compétences et aux valeurs de la culture qui leur permettent de développer leurs compétences avec l’aide des adultes (Wells, s.d.). Dans le même sens, Bruner appuie le rôle que l’autre peut jouer dans le développement linguistique de l’élève :

tout mécanisme inné d’acquisition de langage qui aide les membres de notre espèce à pénétrer le langage, ne peut fonctionner s’il ne bénéficie pas d’un système de soutien à l’acquisition de langage trouvé dans le monde social... c’est ce système de soutien qui aide l’enfant à naviguer dans la zone de proche développement, jusqu’à ce qu’il atteigne le contrôle plein et conscient de l’utilisation du langage. (Bruner, 2008a, p. 99)

Le langage est aussi une fonction que l’élève développe grâce aux interactions avec les autres. Dans l’approche sociohistorico-culturelle, le développement du langage suit le même cours de développement que toute fonction cognitive utilisant un système de signes (Vygotsky et Luria, 1994), soit du plan intrapsychique au plan interpsychique. En contexte scolaire, sur le plan interpsychique, afin d’aider l’élève dans le développement de ses fonctions psychiques, l’enseignant est appelé à soutenir l’élève dans la langue d’enseignement et de communication en classe. Améliorer ses compétences dans la langue d’enseignement aide à bonifier et à soutenir l’apprentissage de l’élève dans les matières scolaires (Duff, 2001, cité dans Bouchamma, 2009; Bouchamma et Benimmas, 2007; Mc Andrew et al., 2008). Comme le langage extérieur s’améliore et se développe par l’interaction avec les autres (Tharp et Gallimore, 1988), le travail de l’enseignant suppose de placer l’élève au centre des situations lui permettant de dialoguer et de converser pour acquérir la langue. Cole (1996) postule qu’on ne demande pas aux adultes d’enseigner délibérément la langue, mais ils peuvent permettre aux enfants de participer à des activités médiatisées par le langage. C’est donc au sein d’un environnement interactif riche en activités conjointes que l’élève développe ses compétences linguistiques tout en utilisant la langue comme outil. Cependant, dans le cadre de notre recherche, l’action dans la zone de développement proximal entre l’enseignant et l’élève immigrant qui ne maîtrise pas la langue d’enseignement s’avère plus exigeante. Un défi communicationnel peut apparaître entre l’élève et l’enseignant. La non-maîtrise du français par l’élève complexifie les échanges et les négociations entre l’enseignant et l’élève qui n’arrive pas à bien exprimer ses besoins et ses attentes.

Dans cette partie sur le rapport entre le développement culturel et l’apprentissage scolaire, nous avons essayé de comprendre le rôle de l’enseignant et celui de l’élève dans le processus de développement des fonctions psychiques supérieures de l’élève. En lien avec les deux lignes de développement, la ligne naturelle et la ligne culturelle, Vygotsky élabore le concept de la zone de développement proximal pour expliquer les deux niveaux de développement chez l’individu : actuel et potentiel. Si le niveau actuel correspond à ce que l’individu peut faire seul, le niveau potentiel correspond à ce qu’il peut faire avec l’aide à travers les interactions avec les autres. C’est sur ce plan que le développement psychique est acquis. Pourtant, les interactions entre l’élève et l’enseignant n’aboutissent pas automatiquement à un développement psychique chez l’élève. C’est ainsi que nous avons introduit les trois mécanismes de Wertsch (1984) qui expliquent les interactions qui se déroulent dans la zone de développement proximal : la définition de la situation, l’intersubjectivité et la médiation sémiotique. En lien avec le concept de la zone de développement proximal, des auteurs ont greffé à l’approche sociohistorico-culturelle le concept d’étayage, qui est une pratique de soutien interactive médiatisée et temporaire qui agit d’une façon dynamique dans la zone de développement proximal de l’élève. Étant un processus interactif, l’étayage s’appuie sur les échanges et les dialogues avec l’élève grâce à la langue qui est utilisée comme outil qui permet, dans un contexte interactif, le développement des compétences linguistiques chez l’élève.

Ce que nous retenons de l’approche sociohistorico-culturelle pour notre recherche

Dans ce qui précède, nous avons exposé l’approche sociohistorico-culturelle. Il nous semble important de rappeler les éléments retenus qui sont plus étroitement en lien avec notre objet de recherche portant sur les pratiques enseignantes de soutien auprès des élèves d’origine immigrante dans une classe ordinaire du primaire.

Dans un premier temps, le contexte social et historico-culturel qui permet le développement de l’enfant réfère ici au contexte de la classe et de l’école. L’enseignant et les élèves de la classe, les ressources en classe et à l’école, les expériences personnelles, collectives et éducatives des élèves et de l’enseignant en classe, les valeurs, les normes, les lois, les règles de la classe et

l’aspect culturel de l’école forment le contexte socio-historico-culturel dans lequel l’élève d’origine immigrante est immergé.

Nous avons également défini le développement et l’apprentissage dans la classe comme des processus sociaux et culturels qui se déroulent à travers des activités jointes en classe. L’individu apprend et développe ses fonctions psychiques d’ordre inférieur en fonctions psychiques d’ordre supérieur par l’intermédiaire des interactions avec autrui qui se font grâce à des outils. Dans le contexte de notre recherche, l’interaction sociale consiste en une interaction entre l’enseignant et l’élève à travers un outil où l’enseignant est physiquement présent au moment de l’interaction. C’est ainsi que nous définissons la médiation sémiotique directe et nous nous y inscrivons. Nous retenons aussi la médiation sémiotique indirecte, dans le cas où l’enseignant n’est pas physiquement présent, mais où celui-ci a recommandé un outil en particulier à un élève d’origine immigrante. Plus précisément, nous nous inscrivons dans la perspective de Bruner :

La transmission du savoir et des savoir-faire, comme tout échange humain, implique l’existence d’une sous communauté en interaction. Au minimum, elle met en jeu « un enseignant » et « un apprenant », et s’il ne s’agit pas d’un enseignant en chair et en os, c’est au moins une sorte de substitut de l’enseignant, un livre, un film, une exposition ou un ordinateur interactif. C’est pour l’essentiel au travers de l’interaction avec autrui que les enfants découvrent en quoi consiste la culture dans laquelle ils évoluent et comment ils conçoivent le monde. (Bruner, 2008b, p. 36)

Dans un deuxième temps, comme nous inscrivons les pratiques de soutien dans le cadre de l’approche de Vygotsky, nous retenons le rôle des outils. En effet, nous considérons les outils que mobilisent les enseignants pour soutenir plus particulièrement les élèves d’origine immigrante. En ce sens, les ressources utilisées en classe, les outils physiques (tableau, livre, programme, affiche...) ne sont pas nécessairement un objet d’étude pour nous, sauf s’ils sont utilisés plus spécifiquement pour soutenir un élève d’origine immigrante.

Pourtant, un élève mis en contact avec un outil ne se l’approprie pas nécessairement. L’outil n’est pas seulement un objet physique isolé de son contexte social, l’individu s’approprie également des expériences de vie, des valeurs, des normes et d’autres produits de la culture. Pour cette raison, nous avons introduit les trois niveaux de médiation, pour dire que

l’appropriation de l’outil relève, entre autres, du sens que l’individu donne à l’outil et du contexte de déroulement de la médiation sémiotique et des interactions.

Le développement et l’apprentissage qui prennent naissance dans un contexte social riche en interactions, en échanges et en activités interactives et conjointes se poursuivent sur le plan individuel. C’est ainsi que Vygotsky énonce la loi de développement. Pour développer une fonction d’ordre supérieur, chaque individu passe par deux plans : plan interpsychologique et intrapsychologique. Dans le cadre de notre recherche, la loi de développement nous permet de voir le rôle de l’enseignant dans le processus d’apprentissage de l’élève, mais aussi le propre rôle de l’élève dans ce même processus.

Donc en contexte de classe, les pratiques enseignantes favorisent les apprentissages de l’élève, ce qui stimule son développement et aboutit à une construction de nouvelles connaissances. Selon l’approche sociohistorico-culturelle, le conflit entre ce que l’élève peut faire seul et ce qu’il doit faire crée une zone de développement proximal formée de deux niveaux, actuel et potentiel. Le niveau actuel correspond à ce que l’élève peut faire seul sans aide. Le niveau potentiel correspond à ce que l’élève peut faire avec l’aide de l’enseignant. On dit alors que l’enseignant agit dans la zone de développement proximal de l’élève pour l’aider à résoudre une tâche. Pourtant, l’interaction sociale entre les deux n’aboutit pas nécessairement à une construction de connaissance chez l’élève. Autrement dit, le soutien apporté à l’élève n’agit pas nécessairement dans sa zone de développement proximal et l’élève peut ne pas profiter du soutien. Pour agir dans sa zone de développement proximal, l’enseignant tient compte des besoins de l’élève, de son niveau actuel, de ses capacités et de son apport dans la situation, entre autres. L’enseignant mise sur l’intensité du soutien. Il est donc important de regarder de près les interactions entre l’élève et l’enseignant et leur rôle dans la construction du sens de soutien. L’action de l’enseignant dans la zone de développement proximal est appelée étayage. Nous l’avons défini comme une pratique de soutien interactive médiatisée et temporaire qui agit de façon dynamique dans la zone de développement proximal de l’élève. Au moment de l’étayage, l’enseignant agit de plusieurs manières et sollicite divers outils. Pour sa part, l’élève agit selon sa propre compréhension de la situation. Nous nous intéressons à savoir comment et pourquoi l’enseignant agit de telle ou telle manière. En d’autres termes, nous voulons

comprendre les raisons des choix de l’enseignant. En même temps, il nous apparaît important de dévoiler les actions de l’élève et de comprendre son rôle. Finalement, tout au long de cette présentation, l’interaction sociale dans la zone de développement proximal de l’élève et les pratiques d’étayage se basent sur la langue comme outil culturel central. Nous retenons cet outil qui sert de support à l’élève d’origine immigrante pour développer ses compétences linguistiques.

Après avoir présenté les deux volets du cadre théorique, les pratiques enseignantes de soutien, nous ferons maintenant une recension des écrits sur les pratiques de soutien. Le tour d’horizon des recherches nous permet de regarder la manière dont le cadre théorique, notamment l’approche sociohistorico-culturelle, a abordé les pratiques enseignantes de soutien, plus particulièrement l’étayage, ainsi que les outils. Rappelons qu’en raison de la rareté des recherches sur le soutien auprès des élèves immigrants du primaire, nous avons recensé des études faites en contexte secondaire, dans des centres linguistiques et auprès des élèves « de souche » pour regarder la manière dont les recherches ont abordé les concepts théoriques de notre cadre.