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Quantifier la surmortalité des jeunes adultes

3.2 Méthodes d’interpolation

3.2.1 Méthodes d’interpolation paramétriques

Méthode des minimums

Une manière évidente de définir le début de la bosse consiste à utiliser le point le plus bas de la courbe de mortalité. En effet, il semble qu’il n’y ait rien de plus logique à affirmer qu’une bosse apparait lorsque la courbe qui la décrit commence à augmenter. Le premier point d’inflexion se situe donc au point minimum de la courbe q(x) estimée, par exemple, par le modèle de Kostaki. On peut estimer ce point par une procédure d’optimisation, en cherchant la valeur de x qui minimise q(x). Algébriquement4,

xD= arg min

x

q(x)⇔q˙(xD) = 0 et ¨q(xD)>0 oùxD est l’âge auquel la probabilité de décéder est minimale.

Il s’agit d’une méthode similaire à celle qu’ont choisi par exemple Engelman, Varadhan et Seplaki pour déterminer l’âge à partir duquel "populations start to age" (Engelman et al. 2012). Les auteurs cherchent cependant ici à déterminer un intervalle d’âge durant lequel la mortalité est à un niveau stable et minimal, qu’ils appellent phase de "quescience", et ignorent tout à fait l’existence d’une bosse de surmortalité des jeunes adultes.

La fin de la bosse, selon la même logique, correspondrait à l’âge auquel l’on observe un minimum local de la force de mortalité, situé après le sommet de la bosse. Algébriquement,

xF = arg min

x>F

q(x)⇔xF < F, ˙q(xF) = 0 et ¨q(xF)>0

xF est l’âge auquel la probabilité de décéder atteint un minimum après le sommet de la bosse, défini en l’occurrence par le paramètre F du modèle d’Helig-man et Pollard ou de Kostaki.

Le principal problème de cette méthode est qu’elle aboutit sur des résultats absurdes lorsque la bosse de surmortalité ne diminue pas après son sommet. Dans ce cas-là, la fin de la bosse se confond alors avec son maximum. L’exemple des hommes suisses en 2005 est parlant à ce titre (3.4).

Un autre problème de cette méthode est qu’elle suggère le début d’une bosse de surmortalité même en l’abence de surmortalité des jeunes adultes. En effet, il n’est pas nécessaire de postuler l’existence d’une bosse de surmortalité pour trouver un point d’inflexion situé entre l’ontogenescence et la sénescence. Ce dernier existe dans toute force de mortalité en forme de U, même en l’absence de rebond aux

4. Nous utiliserons par la suite la notation newtonienne des dérivées. Dans ce cas précis, l’équivalent dans la notation de Leibnitz serait dxd(q(x)) = 0 et ddx2q2(q(x))>0, alors que dans la notation de Lagrange nous écririonsq0(x) = 0 etq00(x)>0.

Figure 3.4 – Méthode desminimums

0 20 40 60 80

−8

−7

−6

−5

−4

−3

−2

âge

ln(q)

qx HP HPK HPS

11.25 31.3

Hommes suisses 1983

0 20 40 60 80

−8

−6

−4

−2

âge

ln(q)

qx HP HPK HPS

11.27

Hommes suisses 2005

jeunes âges.

L’application de cette méthode révèle donc que le signe de l’existence d’une bosse de surmortalité n’est pas la hausse de la mortalité après atteinte d’un mi-nimum, mais la déviation de cette hausse par rapport au trend exponentiel dû à la sénescence. Pour trouver ce point, il est donc nécessaire de considérer la bosse dans son ensemble et non uniquement sa base.

Méthode de rétrojection A

Comme nous avons pu le voir (figure 3.4), le modèle de Heligman et Pollard est parfois mal adapté lorsque la bosse de mortalité suit une forme de plateau après son sommet. Cette situation est caractéristique du régime de mortalité rencontré à la fin du XXe siècle dans les pays d’Europe de l’Ouest. Dans ce cas, il n’y a plus de minimum après le sommet, puisque q(x) est alors une fonction croissante monotone pour tout x > F. Il faut donc trouver une définition plus souple qui puisse s’adapter au cas de figure où la seconde partie de la bosse prend l’aspect d’un plateau.

Une solution consiste à fixer la fin du rebond au point oùHP K(x) =HP S(x), c’est-à-dire l’âge auquel, suite à la disparition de la bosse, la force de mortalité estimée est la même qu’on suppose l’existence d’une bosse ou non. Algébriquement,

xF = arg min

x>F

|HP K(x)−HP S(x)|

Après avoir défini la fin de la bosse, il est possible d’en trouver le début par

"rétrojection" à condition de formuler une hypothèse sur l’évolution de la mortalité

entre les deux points. Nous avons en effet établi plus haut que le premier signe de l’entrée dans la bosse de surmortalité est la déviation du taux de mortalité par rapport au rythme exponentiel imposé par la sénescence. Il est donc raisonnable d’émettre l’hypothèse qu’en l’absence de surmortalité le risque de décès suivrait une progression exponentielle également pendant le début de l’âge adulte. Grâce à cette hypothèse il est possible de partir du point xF défini comme la fin de la bosse, et de prolonger le trend exponentiel rétrospectivement, jusqu’à atteindre le point tangeant à la courbeHP K(x). En raisonnant sur le logarithme deq(x), cela revient à tirer une droite passant par xF et tangeante àHP K(x). Ce point tan-geant xD représente l’âge où le taux de mortalité HP K(x) dévie de la tendance exponentielle pour former une bosse de surmortalité.

Algébriquement, cela revient à déterminer le point xD tel que ln(qxD)) soit égal à la pente de la droite d’équation ln(q) = a+b·x passant par le point

< xF, ln(q(xF))>. Autrement dit,

ln(qxD)) =a

xD= arg min

x

|ln(q˙(x))−ln(q(xF))−ln(q(x)) xFx |

Figure3.5 – Méthode derétrojection A

0 20 40 60 80

−8

−7

−6

−5

−4

−3

−2

âge

ln(q)

qx HP HPK HPS

12.79 31.77

Hommes suisses 1983

0 20 40 60 80

−8

−6

−4

−2

âge

ln(q)

qx HP HPK HPS

12.31 54.96

Hommes suisses 2005

Les deux méthodes, des minimums et rétrojection, donnent des résultats simi-laires en ce qui concerne le début de la bosse. Dans les deux cas observés, soient les hommes suisses en 1983 et en 2005 ( 3.5),xDvaut respectivement 11.2 et 11.3 ans par la première méthode, et 12.8 et 12.3 ans par la seconde.

L’estimation de la fin de la bosse donne lieu par contre à des résultats plus variables. Dans le cas d’une bosse symétrique comme celle de 1983, xF est très proche dans les deux méthodes (31.3 contre 31.8 ans). Par contre, dans le cas d’une bosse asymétrique comme celle de 2005, la méthode des minimums situe la fin de la bosse à son sommet (20 ans) alors que celle de l’égalité la situe à 55 ans.

Si la méthode de rétrojection représente donc une avancée certaine par rapport à celle des minimums, elle montre également une tendance à situer la fin de la bosse à un âge particulièrement avancé. Ce problème est dû au fait que lorsqueHP K(x) et HP S(x) convergent de manière asymptotique, les deux courbes ne se croisent jamais, ou alors uniquement à un âge avancé.

Méthode de rétrojection B

Afin de corriger les faiblesses de la méthode de rétrojection, il est possible de définirxF de manière plus pragmatique en contournant le problème de convergence asymptotique de HPK et HPS. Pour cela, il faut travailler sur les résidus (termes d’erreur) des modèles HPK et HPS. En effet, il se peut que, même siHP K(x) et HP S(x) convergent de manière asymptotique, après un certain âge les observations se rapprochent suffisamment de HPS pour conclure à la fin de la bosse.

Cette seconde variante de la méthode de rétrojection consiste donc à définir la fin de la bosse de surmortalité par l’âge auquel, après le sommet de la bosse, le terme d’erreur de HPS n’est pas supérieur à celui de HPK. Autrement dit, cet âge est le premier pour lequel le fait de supposer une bosse de surmortalité ne permet pas une meilleure estimation de la force de mortalité. Pratiquement, cela implique de sélectionner l’ensemble des âges pour lesquels HP Sx < HP Kx , puis d’en tirer la première valeur de x postérieure au sommet de la bosse. Algébriquement,

xF =min(x)∀xtel que HP Sx < HP Kx

Une foisxF déterminé, la même procédure peut être utilisée pour trouver xD, c’est-à-dire en effectuant une rétrojection passant par le point < xF;ln(q(xF))>

et tangeante à la courbeln(q(x)) avant le sommet de la bosse.

Dans le cas d’une bosse symétrique, cette méthode obtient des résultats simi-laires aux deux premières. Pour les hommes suisses en 1983, par exemple, la fin de la bosse est estimée à 32 ans, contre 31.3 et 31.8. Par contre, lorsque la bosse est asymétrique, cette méthode se situe environ entre les deux précédentes. Dans le cas des hommes suisses en 2005, c’est à 25 ans que se trouve le premier âge pour lequel HPK n’offre pas une meilleure approximation locale que HPS.

Par rapport aux deux méthodes précédentes qui avaient estimé la fin de la bosse à respectivement 20 et 55 ans, celle-ci se situe donc dans un entre-deux plus raison-nable. Visuellement, cependant, on ne peut pas être satisfait puisqu’il semble que la jonction avec le trend exponentiel de la sénescence ne se soit pas encore réalisée

Figure 3.6 – Méthode derétrojection B

0 20 40 60 80

−8

−7

−6

−5

−4

−3

−2

âge

ln(q)

qx HP HPK HPS

12.78 32

Hommes suisses 1983

0 20 40 60 80

−8

−6

−4

−2

âge

ln(q)

qx HP HPK HPS

12.83 25

Hommes suisses 2005

à 25 ans. Visuellement, une valeur située aux alentour de 40 ans paraitrait plus raisonnable.

Méthode des tangeantes

Une dernière manière paramétrique de déterminer le début et la fin de la bosse de surmortalité consiste à calculer toutes les droites tangeantes à la courbeln(q(x)) et de sélectionner celle qui lui est doublement tangeante avant et après le sommet de la bosse. Autrement dit, cela consiste à définir une trajectoire alternative du taux de mortalité sans bosse de surmortalité, qui relie directement le fond de la courbe de mortalité avec le trend exponentiel de la sénescence.

La procédure d’estimation dexD etxF se fait donc simultanément et consiste à calculer la dérivée en chaque point x de la courbe ln(q(x)), puis d’en déduire l’ordonnée à l’origine de la droite tangeante de pente égale à cette dérivée. Enfin, on retient les deux points xD et xF dont les droites tangeantes ont à la fois la même pente (a) et la même ordonnée à l’origine (b). Algébriquement, si les droites tangeantes sont d’équationy=ax+b,

< xD, xF >= arg min

x1,x2 (b(x1)/b(x2)−1)2+ (a(x1)/a(x2)−1)2

a(x) est la pente de la droite tangeante au point x (a(x) =ln(q˙(x))), etb(x) est l’ordonnée à l’origine de la droite tangeante au point x (b(x) =ln(q(x))−a(x)∗ x).

Dans le cas des hommes suisses en 2005, la méthode des tangeantes indique une fin de bosse de surmortalité à 50 ans, soit un peu plus tôt que la première version de la méthode de rétrojection. De plus, cette méthode permet d’être au plus près de la

Figure 3.7 – Méthode destangeantes Hommes suisses 2005

définition de la surmortalité des jeunes adulte. En effet, la trajectoire hypothétique de la mortalité suivie entrexD etxF se situe dans le prolongement exact de l’évo-lution exponentielle de la mortalité à l’âge adulte. Il s’agit donc probablement de la méthode d’interpolation de la force de mortalité la plus "pure" théoriquement. Il est toutefois possible de l’améliorer en prenant en compte le rythme de vieillissement.

3.2.2 Interpolation conjointe avec le rythme de