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Interpolation conjointe avec le rythme de vieillisse- vieillisse-mentvieillisse-ment

Quantifier la surmortalité des jeunes adultes

3.2 Méthodes d’interpolation

3.2.2 Interpolation conjointe avec le rythme de vieillisse- vieillisse-mentvieillisse-ment

La technique d’interpolation par double tangeante peut aisément s’appliquer à des méthodes d’estimation non-paramétriques. Ces dernières ont l’avantage, par rapport aux modèles paramétriques du type Heligman-Pollard, de s’adapter plus facilement à des formes inhabituelles du risque de décès. En utilisant la méthode des tangeantes sur le modèle non-paramétrique proposé par Camarda (2012), la surmortalité des jeunes hommes suisses concernait en 2005 l’intervalle d’âge allant de 9.9 ans à 40.2 ans (figure 3.8). On notera au passage que l’âge de fin de la bosse correspond bien mieux à ce à quoi l’on pourrait s’attendre visuellement. Ceci est dû au fait que l’estimation non-paramétrique est plus souple et évite les problèmes

0 20 40 60 80

−8

−6

−4

−2

âge

ln(q)

qx HP HPK HPS

12.31 49.65

de convergence asymptotique.

Figure3.8 – Méthode des tangeantes non-paramétrique Hommes suisses 2005

0 20 40 60 80

−8

−6

−4

−2

âge

ln(q)

9.93 40.16

La technique des tangeantes n’est qu’un exemple de méthode d’interpolation pouvant être utilisée non-paramétriquement, mais elle possède plusieurs mérites par rapport aux autres solutions discutées plus haut. Parmi ses qualités, on peut noter les caractéristiques suivantes.

1. Elle définit simultanément le début et la fin de la bosse, ainsi que la trajectoire hypothétique de la mortalité en l’absence de surmortalité des jeunes adultes.

2. Elle évite le croisement de la force de mortalité estimée (effective) et hypo-thétique, ce qui signifie qu’en aucun point situé entrexD et xF la mortalité hypothétique ne peut dépasser celle observée. Cet aspect n’est pas garanti par les autres méthodes.

3. Elle ne repose que sur une seule fonction décrivant la force de mortalité, soit HPK dans sa version paramétrique, ou l’estimation par P-splines dans sa version non-paramétrique, contrairement à la méthode de rétrojection.

4. Elle garantit la continuité de la fonction décrivant la force de mortalité hy-pothétique.

Toutefois, le principal défaut de cette méthode est de se concentrer sur l’inter-polation de la force de mortalité au détriment de sa dérivée relative, le rythme de vieillissement5. Cette lacune engendre deux conséquences, à savoir, d’une part que la continuité du rythme de vieillissement n’est pas garantie, et d’autre part que la bosse de surmortalité est sous-estimée.

Pour mieux comprendre les implications de la méthode des tangeantes sur le rythme de vieillissement, comparons le comportement de ce dernier lors de l’uti-lisation d’une méthode de décomposition et d’interpolation (fig. 3.9). Le rythme de vieillissement estimé par le modèle HPK décrit une accélération de la force de mortalité jusqu’à 15 ans, puis un ralentissement jusqu’à 22 ans sans toutefois at-teindre des valeurs négatives synonymes de baisse de la mortalité (l’équivalent du plateau observé dans la force de mortalité), et enfin une lente stabilisation à 0.08, soit la valeur du coefficientβ du modèle de Gompertz.

Le rythme de vieillissement estimé par la méthode de décomposition paramé-trique décrit une augmentation régulière sans signe de bosse de surmortalité. Par la méthode des tangeantes, par contre, l’hypothèse de progression exponentielle force ´µ(x) à être constant entre xD et xF, ce qui crée une discontinuité au point xD. Clairement, la méthode des tangeantes implique une évolution discontinue du rythme de vieillissement, contrairement à la méthode de décomposition. Cette der-nière s’approche d’ailleurs des cas réels où la bosse de surmortalité s’efface presque entièrement, à l’instar des femmes suisses en 1961 (fig. 3.9).

La deuxième conséquence de cette mauvaise interpolation du rythme de vieillis-sement est la surestimation de la mortalité hypothétique pendant la première por-tion de l’intervalle entre xD et xF. Comme l’illustre la figure 3.9 dans le cas des hommes suisses en 2005, le rythme de vieillissement hypothétique estimé par la méthode des tangeantes est supérieur à celui estimé par la méthode de décompo-sition entre 12.3 et 27.3 ans. Cela signifie que dans cet intervalle, la méthode des tangeantes surestime la mortalité hypothétique, donc sous-estime la surmortalité des jeunes adultes.

Une solution naïve pour remédier à ce problème consiste à modéliser l’évolution du rythme de vieillissement à la place de la force de mortalité. On peut pour cela imaginer par exemple une fonction du type RV(x) =−ax+b qui s’approche plus d’un rythme de vieillissement exempt de surmortalité tel qu’observé réellement

5. Cette notion, connue en anglais sous le nom derate of ageing (roa), n’a pas d’alternative francophone reconnue. Je propose ici l’usage de rythme de vieillissement, puisqu’il ne s’agit pas à proprement parler d’un taux, mais de sa variation relative. La définition algébrique de cette fonction est ´µ(x) = µ(x)µ(x)˙ =ln(˙µ)(x).

Figure 3.9 – Rythme de vieillissement en l’absence de surmortalité

0 20 40 60 80

−0.4−0.20.00.20.4

âge

rythme de vieillissement

observé

hypothétique (décomposition) hypothétique (interpolation)

β

xD xF

Hommes suisses 2005

0 20 40 60 80

−0.4−0.20.00.20.4

âge

rythme de vieillissement

Femmes suisses 1961

RV observé

(fig. 3.9). Néanmoins, cette interpolation unilatérale du rythme de vieillissement engendre à son tour une discontinuité sur la force de mortalité (fig. 3.10).

Figure3.10 – Interpolation du rythme de vieillissement Hommes suisses 2005

0 20 40 60 80

−8

−6

−4

−2

âge

ln(q)

8 32

observée hypothétique (SSE)

hypothétique (interpolation simple) Force de mortalité

0 20 40 60 80

−0.4

−0.2 0.0 0.2 0.4

âge

rythme de vieillissement

observé hypothétique (SSE)

hypothétique (interpolation simple) Rythme de vieillissement

Afin d’assurer la continuité à la fois de la force de mortalité et du rythme de vieillissement, comme le font les méthodes de décomposition, il est nécessaire d’in-terpoler simultanément les deux courbes. Il s’agit donc de déterminer une évolution continue du rythme de vieillissement qui garantisse également la continuité de la force de mortalité. Cela revient à identifier la courbe de mortalité répondant aux trois conditions suivantes.

1. RVhyp(xD) =RV(xD)

2. RVhyp(xF) =RV(xF) 3. RxF

xD RVhyp(x)dx=RxF

xD RV(x)dx

Pratiquement, le problème consiste à déterminer la fonctionRVhyp(x) sur l’in-tervalle [xD, xF] en passant par les pointsRV(xD) et RV(xF), tout en s’assurant que la progression totale sur cet intervalle soit égale à celle observée sur la force de mortalité (∆µ =µ(xF)−µ(xD) = µhyp(xF)−µhyp(xD)). Une solution simple à ce systàme de trois équations est de modéliser la progression deRVhyp(x) par un polynôme de degré 2 à trois inconnues. Autrement dit,

RVhyp(x) =a·x2+b·x+c

et le système d’équations à résoudre, où a, b et c sont les trois inconnues, est le suivant :





ax2D+bxD+c=RV(xD) ax2F+bxF+c=RV(xF) RxF

xD ax2+bx+cdx=µ(xF)−µ(xD)

Un polynôme de degré inférieur à 2 ne serait pas suffisant car il ne permettrait pas de satisfaire toutes les trois conditions. Inversément, tout polynôme de degré supérieur à 2 serait surspécifié et n’aurait pas de solution fermée6.

Quant aux bornes de la bosse, elles peuvent être définies de la manière suivante.

Le début de la bosse se situe au point minimal de la force de mortalité (à l’instar de la méthode des minimums), ce qui est une approximation satisfaisante puisque les autres méthodes ont montré quexD est peu sensible au choix des hypothèses.

Quant à la fin de la bosse, on peut la définir comme l’âge auquel le rythme de vieillissement atteint le plateau traditionnellement observé après 50 ans (égal au coefficientβ du modèle de Gompertz). Algébriquement,

xD= arg minxµ(x)

xF = min(x) | RV(x) =β ∀x >25

Cette méthode d’interpolation conjointe de la force de mortalité et du rythme de vieillissement permet de garantir la continuité des deux fonctions comme le montre l’exemple des hommes suisses en 2005 (fig. 3.11).

La procédure d’interpolation conjointe de la force de mortalité et du rythme de vieillissement décrite ci-dessus peut également être appliquée à un modèle pa-ramétrique du type Heligman-Pollard. Nous comparerons plus loin les défauts et

6. Cette solution est d’ailleurs similaire à la technique d’interpolation par spline cubique. Cette dernière consiste, entre deux points <x1,y1> et <x2,y2> d’une variable observée discrètement, à définir un polynôme de degré 3 (d’où le terme cubique) qui garantisse la continuité à la fois de la variable observée et de sa dérivée première (Hou and Andrews 1978). Une comparaison sommaire de la technique proposée ici et de l’interpolation par spline semble indiquer que les résultats sont très similaires.

Figure 3.11 – Interpolation conjointe de la force de mortalité et du rythme de vieillissement

Hommes suisses 2005

0 20 40 60 80

−8

−6

−4

−2

âge

ln(q)

8.78 39.53

observée

hypothétique (interpolation conjointe) Force de mortalité

0 20 40 60 80

−0.4

−0.2 0.0 0.2 0.4

âge

rythme de vieillissement

β

xD xF

observé

hypothétique (interpolation conjointe) Rythme de vieillissement

qualités de ces deux variantes.