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a) La mélancolie comme a-topos

relativité de la raison humaine.

2 – 2 Résister à l’analyse

a) La mélancolie comme a-topos

« Pourquoi ai-je toujours rêvé de résistance ? Et pourquoi faudrait-il s’inquiéter ici d’un ombilic ? », demande Jacques Derrida en préambule de Résistances412. Ce mot résistance est selon Derrida l’un des plus beaux mots de la politique. Associé à « tout le

pathos de ma nostalgie », précise-t-il, il renvoie au désir de « faire sauter des trains, des tanks et des états-majors entre 1940 et 1945413. » Il pourrait aussi renvoyer au désir d’entraver des mouvements expansionnistes présents dans toute guerre. Résister au désir de résoudre dans l’analyse, par exemple, serait ce qui permet pour toute pensée, de renoncer à la volonté d’hégémonie lorsqu’elle s’obstine à vouloir rendre raison de toute chose ou à vouloir faire émerger une vérité. Il n’y a pas selon Derrida de vérité voilée ou seulement cachée qu’il conviendrait de découvrir. Il n’y a tout simplement pas de vérité à faire surgir, si ce n’est dans le fait d’œuvrer à penser, à errer aux alentours de ce qui peut surgir pour faire événement, mais qui n’est pas vérité au sens logocentrique du terme ni même aléthéia. Car le secret existe de se garder, de rester crypté. Derrida parle alors pour ce qui concerne l’analyse du rêve chez Freud « de la célèbre proposition de l’ombilic, le Nabel du rêve », d’un topos inaccessible, d’une absence de sens en attente, d’une nuit, d’un inconnu absolu, d’un « lieu omphalique qui est le lieu d’un lien, un nœud-cicatrice gardant la mémoire d’une coupure et même d’un fil tranché à la naissance414. » Or, « la cicatrice est un nœud contre laquelle l’analyse ne peut rien415. » Car les résistances à l’interprétation qui participent à obscurcir le sens du rêve sont elles-mêmes du sens auquel on ne peut accéder que jusqu’à une certaine limite. C’est pourquoi, il y a selon Freud une limite absolue à ce progrès. Face à cet enjeu de la limite au-delà de laquelle on ne doit pas aller, Derrida interroge la question du sens. Y a-t-il

412 Jacques Derrida Résistances De la psychanalyse, Article Résistances, Éditions Galilée, 1996, p. 15.

413 Ibid., p.14.

414 Ibid., p. 23-24.

vraiment un sens au-delà de cette limite ou au contraire est-ce parce qu’il y a empêchement d’accéder à une interprétation véritable de l’ombilic (à cause de la résistance à dévoiler le sens) qu’il y a impossibilité de le faire ? Cette dernière hypothèse suppose alors que le sens existerait au-delà et qu’il pourrait se dévoiler. « Ces deux premières hypothèses, transposées dans une histoire de la raison, se distinguent comme un progressisme des Lumières d’un côté, avec l’espérance d’une analyse ne cessant de gagner sur l’obscurité initiale à mesure qu’elle lève les résistances et libère, délie, émancipe, comme le fait toute analyse, et d’un autre côté comme une sorte de fatalisme ou de pessimisme du désir qui compte avec une part d’ombre et situe l’inanalysable comme sa ressource propre416. » Derrida ne tranche pas. Toutefois, nous pouvons entendre cette évocation d’un « pessimisme du désir », comme un écho à la mélancolie à l’œuvre dans toute la philosophie de Derrida. Une mélancolie très spécifique qui se confond avec une profonde passion de vivre. Là, se trouve certainement l’idée derridienne de la-vie-la-mort. Car Derrida précise que quand bien même on serait tenté de penser que l’événement de la psychanalyse a été l’avènement sous le même nom, d’un

autre concept de l’analyse, qui aurait opéré un déplacement topique du sens de

résistance, il n’en est rien. La psychanalyse, malgré le fait qu’elle ait procédé à ce qui fait résistance culturelle, politique et sociale, dans les discours hégémoniques (notamment dans les formes de son savoir philosophique et scientifique), échoue cependant à unifier un concept ou une tâche au sein d’une logique et d’une topique spécifique. Or, c’est justement cet échec et cet impossible qui sont une chance. « L’incapacité à se rassembler, à s’identifier, à s’unifier, voilà peut-être la tragédie même, mais c’est aussi la chance417. » Car à échouer ainsi à dire le concept de ce qu’elle est dans son auto-identification, la psychanalyse résiste elle-même aux processus mortifères de ce qui fige. Loin de provoquer une paralysie de la psychanalyse, cette « tragédie » la met au contraire en mouvement, « donne à penser, à bouger418. » Le point d’arrêt, la coupure, l’interruption sont certes les lieux a-topiques, là où résiste le sens, là où s’interrompt la possibilité même de la vérité, mais par cela même, ils provoquent « les régulations topico-dynamiques de l’analyse. » La paralysie et le mouvement sont pensés ensemble. Comment ne pas entendre alors un écho aux critiques derridiennes de Heidegger par rapport à ce qui dans sa philosophie s’envisage en terme de rassemblement ou d’unité ?

416 Jacques Derrida Résistances De la psychanalyse, Article Résistances, Éditions Galilée, 1996, p. 29.

417 Ibid., p. 34.

Derrida critique, là comme ailleurs, ce qui arrête le mouvement de la pensée vers l’impensé. « J’essaie de penser une différence qui ne se laisse pas rassembler419 » affirme Derrida contre Heidegger, pour lequel « Finalement, l’envoi se rassemble», car l’Être compte, avec Heidegger, « avec lui l’idée d’une errance s’annonce toujours depuis l’horizon d’un rassemblement, d’un envoi de l’Être420. » De même, nous retrouvons l’idée d’un danger de l’identification au même. Le rassemblement et l’identification (celle-ci ici pensée en terme d’auto-identification) sont vecteurs de « paralysie négative ». À cet immobilisme, Derrida oppose une paralyse, celle au contraire qui marque le coup d’envoi vers la dissémination, la dislocation, la destinerrance. Ne plus appartenir à la tradition philosophique tout en tentant d’en déconstruire les résistances affectives et émotionnelles, mais y échouer, fait de la psychanalyse une source de pensée, « une étoffe de sens entrelacés qui fait « fabrique de pensées », « chef-d’œuvre de tisserand traitant des milliers de fils (Fäden), jouant de la navette (Schifflein), formant des milliers de liens et de nœuds (Verbindungen) d’un seul coup (Schlag)421. » Outre toute cette approche autour de l’omphalos, Derrida souligne, à l’ouverture du texte, que l’intérêt qu’il porte au mot « résistance » relève d’un intérêt idiomatique. Car « il y va en somme de ce qui n’a pu apprendre, en moi, à dire « moi » qu’en cultivant un idiome dans lequel, pour des raisons que je m’explique mal mais que je voudrais tenter d’élucider avec vous ce soir, comme si j’étais enanalyse422 avec vous, le mot ‘’résistance’’ ne joue pas n’importe quel rôle423. » Or, ce n’est certainement pas par hasard que Derrida évoque ici le moi. Car c’est à partir de la question du moi que Derrida pousse encore plus loin et plus spécifiquement l’idée de la crypte. Derrida toujours dans

Résistances, insiste sur les résistances qui procèdent du moi. Il précise :

Quant [aux résistances] qui viennent du moi, autrement dit du sujet égologique et d’un cogito qui n’est pas forcément conscient de part en part, elles sont aussi trois et diffèrent entre elles par la dynamique : l’une tient au refoulement, et c’est le cas le plus abondamment traité par Freud ; l’autre tient au transfert et elle relance parfois le refoulement ; elle le consolide au lieu de le remémorer. La troisième résistance égologique enfin, de toute autre nature, intègre le symptôme dans le moi et cherche un bénéfice dans la maladie. […] Nous avons là un programme virtuel pour transcrire toutes ces possibilités de résistance dans l’ordre du moi philosophique et scientifique et en

419 Dominique Janicaud, Heidegger en France – II. Entretiens du 1erjuillet et du 22 novembre 1999, Éditions

Albin Michel, 2001, p. 117.

420 Ibid., p.118.

421Jacques Derrida Résistances De la psychanalyse, Article Résistances, Éditions Galilée, 1996, p. 28.

422 Nous reviendrons en conclusion sur cette expression de Derrida enanalyse. Il la développe dans La

Carte postale, en reprenant l’anecdote d’une séance d’un séminaire de Lacan où celui-ci se serait écrié à

propos de Derrida, pour le tourner en dérision, qu’il n’est même pas « en analyse » !

général dans l’ordre de ce qu’on pourrait appeler le cogito de l’homo analyticus, l’homme d’analyse424.

Précisément ce à quoi l’homme d’analyse répugne, c’est à rompre avec les systèmes d’oppositions. La vie ne s’oppose pas à la mort, pas plus que le plaisir au déplaisir. De même, l’homme d’analyse résiste à admettre que la vérité peut se comprendre d’abord et avant tout comme non-vérité, comme inadéquation, ne consistant pas à faire surgir de l’être, du sens ou de la cohérence. La vérité-non-vérité, la-vie-la-mort, le plaisir-déplaisir, le mouvement-paralyse, le moi-crypté, sont autant de concepts où œuvrent chez Derrida le « pathos de la nostalgie », la tragédie de la chance, une mélancolie surabondante. Il perpétue là aussi sans doute une mélancolie parfois présente avec Freud. En effet, lorsque Freud prononce la célèbre formule selon laquelle « Le moi n’est plus maître en sa propre maison », il la fait précéder d’une injonction : « Accepte donc sur ce point de te laisser instruire ! Le psychique ne coïncide pas en toi avec ce dont tu es conscient. » Puis il ajoute : « c’est ainsi que la psychanalyse a voulu instruire le moi. Mais ces deux élucidations, à savoir que la vie pulsionnelle de la sexualité en nous ne peut être domptée entièrement et que les processus psychiques sont eux-mêmes inconscients, ne sont accessibles au moi et ne sont soumis à celui-ci que par le biais d’une perception incomplète et peu sûre, reviennent à affirmer que le moi n’est pas maître en sa propre

maison425. » Il convient donc pour Freud d’accepter de se laisser instruire d’une fatalité à

ne jamais pouvoir être véritablement instruit sur soi-même. Et si l’homme conscient résiste à vouloir entendre cette perte de maîtrise, c’est parce que par cette idée, il subit la troisième vexation de son narcissisme. Or, Freud et après-lui Derrida, voient dans cette acceptation, dans cette désillusion à être maître de soi (à laquelle il faut coûte que coûte consentir), un levier pour se résoudre à ne pas avoir pouvoir sur toutes choses. Se démettre de la puissance de son auto-affirmation passe par cette acceptation douloureuse mais propice à éviter les dangers d’un désir de puissance.

Or, nous assistons (à partir de cette radicalisation par Freud de l’idée d’un affaiblissement des pouvoirs du moi face aux pulsions), au tournant théorique décisif de 1920, tournant où se joue la transformation des schèmes psychanalytiques qu’introduit la deuxième topique, là où le sujet est de plus en plus assujetti aux processus psychiques inconscients. Le moi, centre d’adaptation à la réalité consciente, devient alors un

424 Jacques Derrida Résistances De la psychanalyse, Article Résistances, Éditions Galilée, 1996, p. 35-36.

425 Sigmund Freud, L’inquiétante étrangeté, « une difficulté de la psychanalyse », Éditions Gallimard, 1967. p.186.

élément faible et peureux devant d’autres instances dont il est pourtant composé : le sur-moi, notamment. Le moi doit ainsi œuvrer avec ce qui le malmène sans qu’il ne puisse rien en dire, à son insu donc. En effet, Freud étendant considérablement la conception du moi à des dimensions inconscientes, le comprend de plus en plus divisé. Le moi « est soumis à une triple servitude, et de ce fait est menacé par trois sortes de dangers : celui qui vient du monde extérieur, celui de la libido du ça et celui de la sévérité du sur-moi […]. Comme être-frontière, le moi tente de faire la médiation entre le monde et le ça, de rendre le ça docile au monde, de rendre le monde, grâce à l’action musculaire, conforme au désir du ça426. » On constate donc qu’il est soumis à des couples antinomiques, qui existent ensemble, ne cédant à aucune résolution, auxquels il est chargé de répondre sans jamais pouvoir le faire vraiment, pour n’en citer qu’un : résistance aux pulsions et satisfaction des pulsions tout à la fois. La deuxième topique radicalise ainsi à la fois la coexistence de processus antagoniques (lui permettant de préciser que l’inconscient ne connaît pas de contradictions, qu’il n’est pas soumis à une temporalité classique, ni à la logique d’une menace de mort), mais aussi une perte des prérogatives du moi. Ce tournant théorique est ce qui découvre, à travers la transformation de la première topique, l’idée d’un a-topos du psychisme.

À ce moi, faible et peureux, Derrida associera l’idée d’un moi qui ne peut jamais être donné dans une identité stable. Le moi n’est jamais constitué, ce n’est ni une instance, ni une structure, c’est un mouvement. C’est dire que le moi est morcelé. Le sujet, selon Derrida, est donc d’une part compris comme étant sans cesse obligé de compter avec l’instabilité de l’apparition du moi, qui ne peut jamais se donner dans la pleine présence à soi d’une auto-affection ; et c’est pourquoi d’autre part, Derrida pense un sujet de l’écriture. Il s’écrit en traces et cryptes, mais il existe de ne jamais exister en tant que tel. C’est un sujet qui ne peut jamais se substantialiser et qui s’il se signifie ou s’il s’écrit, ne peut le faire qu’au risque de sa dislocation : « si le signe s’émancipe, alors le sujet devient absent, inconscient. Il y a dérive, et cette dérive (re)constitue, en retour le désir de la présence. Ainsi l’économie de la mort est-elle l’organisation de la vie427. » C’est aussi en ce sens que le sujet selon Derrida doit se démettre de l’illusion d’une essentialisation du moi ou autrement dit qu’il doit faire le deuil de cette essentialisation 426 J. Laplanche – J.-B. Pontalis Vocabulaire de la psychanalyse, Éditions Puf,, 2002, Article « Moi » p. 250, citant Freud dans Das Ich und das Es , 1923 G.W., XIII, 286. 427 Derridex, Article « Le sujet », renvoi « L’archi-écriture ne pourra jamais être pensée sous la catégorie du sujet. »

et par là même, du moi. Derrida dans Trace et archive, image et art428 affirme : « le moi

on ne l’a rencontré nulle part, il n’y en a pas. C’est parce qu’il n’y a pas de donnée, de sûr, de stable, de constitué, qu’il y a de l’essentialisation, qui est mouvement429. » Si l’on retrouve l’idée freudienne de mouvement, donc de dynamique, pour autant Derrida procède bien à une radicalisation de ce mouvement du moi qui toujours disparaît, du fait même qu’il cherche sans cesse à nier cette disparition. Ce mouvement se dit ainsi : « là où j’essaie de constituer une identité pour me protéger contre la dispersion, le chaos, la ruine, la précarité etc., je sais que je survis, que je me protège en faisant ça, c’est-à-dire en ne constituant pas ce moi, en différant indéfiniment l’arrivée au but qui serait de constituer le moi430. » Le mouvement est sans fin, en effet. Car arriver à un moi stable et solide, à un moi essentiel, à une identité rassurante, ce serait la mort. Et en même temps, la tentative d’essentialisation du moi ne peut se faire que par ce processus auto-immunitaire qui induit à la fois protection de soi et destruction de soi. Du reste, lorsque il y a danger, lorsque le moi est exposé, par exemple, il y a construction immédiate de protections, de digues pour se protéger. Or, en ce faisant, on expose sa propre vulnérabilité, on redouble le danger en quelque sorte et par là on sécrète de l’auto-destruction. La motilité du moi est donc irrémédiable et avec elle, le rapport à la mort constant. C’est un rapport incessant à la mort qui se pense comme disparition de soi incessante. Un moi qui en réalité n’existe ni dans l’espace ni dans le temps. Car dès que l’on trouve narcissiquement le moi on le perd en même temps, dès que l’on veut installer, élaborer une identité, elle s’évanouit, dès que l’on veut se protéger conte la menace ou la dislocation du moi, on procède à une auto-immunité qui est destruction de soi. Faire le deuil du sujet stable et conscient à lui-même, n’est-ce pas ce à quoi nous convoque Derrida ? Cependant, reprenant le thème du rapport à la disparition, à la mort il pense tout de même une restance, c’est-à-dire l’idée que quelque chose survit, ne se résorbe pas totalement, le sujet n’existe pas en tant que tel, n’est pas une essence stable, repérable, mais il est ce qui fait œuvre, ce qui se dissémine, sans destination propre. C’est pourquoi cette restance n’est en aucun cas objet, présence, puisqu’elle est au-delà de toute ontologie. C’est dire que l’être ne peut jamais se totaliser se rassembler au sein

428 Il s’agit là d’une conférence à propos du film D’ailleurs de Safaa Fathy, donnée par Jacques Derrida le 25 juin 2002 à l’Institut national de l’audiovisuel, intitulée Trace et archive, image et art. Nous travaillons sur la version internet de l’article à l’adresse suivante : http://www.institut-national-audiovisuel.fr/sites/ina/medias/upload/actes-et-paroles/colleges/2002/25-06-02_derrida.pdf

429 Ibid. p. 17.

d’une totalité identitaire. Il n’y a que des parts, on a des parts, ou autrement dit, ça part de moi, ça procède de moi et procédant de moi, ça se sépare de moi. C’est en cela que ça laisse une trace. Néanmoins, la trace reste mais elle n’est aucunement substance ou essence. La trace n’est pas objet, elle résiste à l’objectalité, à l’objectivation. Il appartient à la structure de la trace qu’elle s’efface, se perde, s’oublie, se détruise.

Ainsi, persiste avec Derrida la possibilité d’envisager le moi autrement que dans la seule disparition. Dans ce rapport à la disparition de soi dans le moi, donc dans ce rapport à la mort continûment à l’horizon de notre existence, persiste encore une ouverture possible vers un ailleurs, celui de l’ailleurs de l’autre, scellé au cœur du moi. Certes, nous maintenons qu’il y a chez Derrida une nécessité de penser le deuil de soi en tant qu’unité identitaire et totalisable. Nous insistons pour affirmer que le sujet ne se saisit que dans l’illusion d’une essentialisation du moi et qu’il entretient un lien continu à la mort. La mort est alors pensée comme le non-présent qui travaille le dedans de la parole. De là le sujet est engagé à faire le deuil du moi, d’un moi stable et unifiable en une identité pleine et présente à soi-même et c’est en tous ces sens qu’il y a chez Derrida une mélancolie sans cesse reconduite. Pourtant, cette mélancolie est là aussi ce qui œuvre à ouvrir, renouveler, réélaborer une définition du moi. En effet, face à l’impossibilité de l’essentialiser, de le situer dans un lieu précis, de le repérer au fondement de nous-même, émerge donc la mélancolie, une tragédie, un pathos de la nostalgie. Et c’est précisément cet a-topos qui provoque le mouvement dynamique pour exister par soi. Car cette mélancolie, loin d’être néfaste, permet au contraire un mouvement hors de soi, qui fraye, ouvre, fait cheminer. Sans doute est-ce dans ce sens que l’on peut comprendre comment Derrida dans Fors, travaille la question du moi dans le rapport à la crypte. Ce faisant, non seulement il redessine le concept de moi tel qu’il était envisagé avec Freud, et ensuite par Maria Torok et Nicolas Abraham, mais il le redéfinit. En effet, il pense un moi s’ouvrant sur un hors-lieu comme non-lieu. Une introjection-incorporation