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Deuxième partie : La question de la vérité

jusque dans l’inconscient. Ainsi l’aporie du politique, la suspicion à jamais irréductible face à l’idée de communauté est d’emblée éthique pour Derrida. Son rapport à la pensée, au texte, à l’écriture, consiste à interroger sans cesse ce qui là, en-dedans, à l’insu, se joue. Derrida ne cesse de questionner sans répit et sans alibi pour répondre pour…Pour la responsabilité de la vie, de soi, de l’autre, de soi-même face à l’autre, moi et l’autre jamais mêmes.

Deuxième partie : La question de la vérité

Ce qui intéresse Derrida c’est repérer ce qui est à l’œuvre en matière d’illusions pour le penseur ou le philosophe. Or, l’illusion qui fonde toutes les autres est celle concernant le sujet, lorsqu’il se croit illusoirement maître de son destin, de son langage, de son vouloir-dire-intentionnel, de son histoire. Cette assurance, Freud l’interroge, la questionne et en repère les mécanismes inconscients, déterminés par des désirs refoulés, à l’insu du sujet. Cela est d’autant plus essentiel à découvrir, lorsque la forme d’assurance tranquille, semée de certitudes figées, conduit à un volontarisme arrogant, provoquant un rapport au monde de domination et de maîtrise. Au XXème siècle, la barbarie nazie ne nous laisse plus le choix : il faut déconstruire les mécanismes à l’œuvre dans cette arrogance et penser ce qui, dans les effets d’identification conscients ou non, peut permettre cette folie. Folie de la langue pour Derrida, germe de toutes les tentatives et tentations de domination, de toutes les velléités colonialistes, de toutes les rages appropriatrices et jalousies violentes. Lorsque Heidegger déclare que la langue allemande est la seule apte à dire la pensée, alors déjà en cette posture, il crée un processus d’identification à la figure de l’Un, figure totalitaire. Il faut donc déconstruire la langue et le sujet, les interroger jusqu’à en rendre problématique les évidences, les certitudes, déplacer, déloger, déranger la tranquille assurance, ouvrir la pensée à la folie de la promesse pour laquelle on manque de mots, autre folie, fertile celle-là. Car, et suivant la définition d’Elisabeth Roudinesco :

Déconstruire, c’est en quelque sorte résister à la tyrannie de l’Un, du logos, de la métaphysique (occidentale) dans la langue même où elle s’énonce, avec l’aide du matériau même que l’on déplace, que l’on fait bouger à des fins de reconstructions mouvantes. La déconstruction, c’est ‘’ce qui arrive’’, ce dont on ne sait pas s’il arrivera à

destination, etc. Jacques Derrida lui confère également un usage grammatical : le terme désigne alors un dérangement de la construction des mots dans la phrase300.

Et puis, si le terme « déconstruction », en architecture, revient à déposer ou à décomposer une structure, il renvoie dans la définition derridienne, à un travail de la pensée (« ça se déconstruit ») qui consiste à défaire sans jamais le détruire un système de pensée hégémonique et dominant. On comprend alors que le rapport de Derrida avec la psychanalyse soit incontournable, dans la mesure où la psychanalyse est un levier formidable pour penser ces questions de la pensée occidentale.

Il s’agira pour nous de soutenir l’hypothèse suivante : C’est au cœur même de la pensée, du discours et de la langue, avant même que ne surgisse la moindre question explicitement éthique, que se travaille déjà avec Derrida la question éthique. Dès que la mise en cause du phonologocentrisme est opérée par Derrida, déjà alors se réfléchit la question suivante : une pensée peut-elle être vectrice de violence ? À cette question Derrida ne cessera jamais de répondre « oui ! ». Dès lors, « répondre de » ne pourra s’entendre que dans un sans-réponse, autrement dit en déjouant les désirs d’emprise et de souveraineté qui apparaissent lorsque la pensée se veut résolution – c’est-à-dire résolue à résoudre les oppositions, résolue à savoir, à savoir délier, décider, sans appel de l’autre ou sans inventions de l’autre –. À ce désir d’hégémonie de la pensée, Derrida oppose la différance : « répondre de » à l’infini d’une absence, lorsque l’on diffère le sens ou la souveraineté par l’écriture, l’écriture comme paradigme « d’un lieu introuvable où s’esquisse une autre grammaire de l’événement, bien loin de toute Ereignis, c’est-à-dire sans avènement ni appropriation301. » Face à ces questions où la pensée rationnelle est mise en cause dans ce qu’elle suppose quant à la posture du sujet face au monde (postures de domination, désirs d’hégémonie, cruauté et violence), la psychanalyse hante tout texte de Derrida, afin de tenter de découvrir dans leurs interstices et leurs arcanes ce qui se dessine en ces tentations de pouvoir.

Toutefois, ce travail de déconstruction ne serait pas pensable si Derrida ne renvoyait pas la psychanalyse elle-même à ses propres questionnements. Qu’y a-t-il à l’insu de tel propos ? Quel refoulé fait-il symptôme ici ? Comment le penseur met-il à

300 Élisabeth Roudinesco Jacques Derrida, De quoi demain, Choisir son héritage, Éditions Flammarion, 2001, p. 11-12.

301 Revue Lignes 47 – Derrida politique – Mai 2015, Marc Goldschmit « La politique depuis la fin du monde », p. 61.

l’œuvre ses fantasmes d’une langue toute-puissante ? Ainsi il travaille aussi, par une mise en abîme de son propos, à déconstruire la psychanalyse. Si Derrida affirme ne jamais avoir souscrit au discours de la psychanalyse, c’est parce que nous l’avons vu, elle manque encore à avoir œuvré à sa propre déconstruction. C’est pourquoi penser avec ou à partir de Freud n’est certainement pas pour Derrida penser comme Freud. Cela dans la mesure où Freud, tout comme Heidegger, n’a pas repéré en quoi les concepts à l’œuvre dans la métaphysique transportent avec eux les germes de toute souveraineté. En lisant Freud, Derrida tente de déconstruire le geste théorique du psychanalyste, mais aussi celui de tout penseur. Si Freud a déjà su faire avancer le questionnement sur le sujet, le moi, la responsabilité, la cruauté, la pulsion d’emprise, il reste encore enferré dans les concepts traditionnels de la métaphysique. Rendant hommage à la capacité de Freud de sortir des schèmes de la pensée lorsqu’elle ne parvient à raisonner qu’en termes opposables, Derrida veut continuer encore au-delà de cette capacité, et pour cela, veut réfléchir sur la possibilité de nouveaux schèmes pour la pensée. S’entendent ainsi les motifs qui l’animent à penser avec Freud mais au-delà de lui, sa lecture de Freud se rythmant dès lors d’un Plus d’un Freud… Penser autrement ne peut s’envisager qu’en-dehors des velléités de puissance, qu’en interrogeant les contraintes internes du système, qu’en ne se maintenant pas dans des tentatives d’appropriation des objets étudiés. Si la psychanalyse se conçoit comme ce qui travaille les insus ou comme ce qui accueille l’incohérence des chaines signifiantes, elle doit néanmoins, elle aussi, faire œuvre de déconstruction par rapport à ses effets. Il convient pour elle aussi de ne pas être soumise d’avance à la décision d’un sens, d’une approche spécifique, qui serait déjà vieille de ses prérogatives.

Alors, ne s’agit-il pas pour Derrida de réfléchir, avec la psychanalyse mais aussi au-delà d’elle, à la nouvelle cruauté (celle qui allie et tel qu’il le dit dans Foi et Savoir, la guerre de religion à la calculabilité technoscientifique), et d’y réfléchir en mettant en œuvre nécessairement une autre logique que celle rationnelle ? Car selon lui le problème du mal radical, au centre du questionnement freudien, ne peut plus s’envisager sans que le « savoir psychanalytique » soit convoqué. Cela parce qu’il ouvre « à un nouvel espace de testimonialité, à une nouvelle instance de l’attestation, à une nouvelle expérience du symptôme et de la vérité302. » Mais, plus généralement, pour opérer cette réflexion éthique, Derrida propose de tympaniser la pensée, c’est-à-dire de crever ou greffer de

nouveaux tympans à tous ceux qui voudraient entendre autrement la pensée, entendre ce qui n’a pas été ouï jusque là et cela en particulier pour la pensée à l’œuvre dans la philosophie. Il s’agit pour Derrida de convoquer le penseur à entendre l’inouï de la philosophie, à en comprendre les limites autrement que dans une appropriation, à l’entendre « au-delà de son vouloir-dire, ne la traitant pas seulement comme un discours, mais comme un texte déterminé, inscrit dans un texte général, enfermé dans la représentation de sa propre marge303. » Entendre la philosophie avec de nouveaux tympans suppose d’entendre la marge au-delà du texte philosophique comme n’étant pas blanche, vierge ou vide, mais comme un autre texte, un tissu de différences, de forces sans aucun centre de référence présente. « La philosophie a toujours tenu à cela : penser son autre304. » La question de Derrida est la suivante : « Penser son autre : cela revient-il seulement à relever (Aufheben) ce dont elle relève, à n’ouvrir la marche de sa méthode qu’à passer la limite ? Ou bien la limite, obliquement, par surprise réserve-t-elle toujours un coup de plus au savoir philosophique ? Limite/passage.305 » Procéder à ce coup de marteau pour philosopher, c’est aussi au-delà de Zarathoustra, comprendre le marteau comme cet osselet de l’oreille interne, qui selon Bichat protégerait le tympan tout en agissant sur lui. Le marteau amortit les coups, les assourdit au seuil de l’oreille interne. On retrouve alors l’idée du labyrinthe, pas seulement celui de Dresde qui à la fin de La

voix et le phénomène introduit la question de l’écriture, mais là où l’oreille interne « tend

à égaliser la résistance acoustique de l’air et celle des liquides labyrinthiques, à équilibrer les pressions internes et externes306. » Emprunter le labyrinthe de l’oreille interne, c’est alors du dedans vers le dehors « luxer l’oreille philosophique, faire travailler le loxôs (l’oblique) dans le logos, c’est éviter la contestation frontale et symétrique, l’opposition dans toutes les formes de l’anti-, inscrire en tous cas l’antisme et le renversement, la dénégation domestique dans une toute autre forme d’embuscade, de lokhos, de manœuvre textuelle307. »

La question peut encore résonner autrement : la philosophie prétend détenir le privilège de dire l’être, c’est là ce qui constituerait le droit de la philosophie. « La

philosophie serait ce privilège. Elle ne le recevrait pas, mais serait ce pouvoir de se

303 Jacques Derrida, Marges de la philosophie – « Tympan », Les Éditions de Minuit, 1972, p. XIX. 304 Ibid., p. I. 305 Ibid. 306 Ibid., p. V. 307 Ibid., p. VII-VIII.

l’accorder à elle-même308. » La philosophie par son identité, contient dès lors deux figures dominantes : l’essence et la fonction. L’essence consiste « à tenter de penser la philosophie comme telle, depuis son origine – et précisément à partir d’un événement qui s’institue, dans l’expérience d’une langue, depuis la question de l’être ou de la vérité

de l’être309. » Quant à la fonction, il s’agit toujours au sujet de la philosophie d’interroger

son pragmatisme fonctionnaliste qui « ne se distingue plus d’un « acte de langage » rendu possible par une condition archi-conventionnelle ou quasi contractuelle dans une langue donnée310. » Il y a donc dans le sillage de la philosophie deux fatalités : celle de se penser elle-même comme privilégiée à dire l’être ou l’essence et celle de s’envisager à partir d’une présupposition commune, celle d’une langue performative en particulier. Interroger ces deux fatalités est alors ce que réclame Derrida, c’est-à-dire commencer par comprendre et formaliser la nécessité, sinon la fatalité de cette présupposition commune. Or, interroger la communauté consiste toujours, pour Derrida, à questionner l’appartenir ou l’appropriation. Car appartenir c’est nécessairement exclure, s’approprier ou s’opposer. Nous l’avons montré, si le polémos est requis, c’est d’abord par le biais d’un éros. Cela revient au fond à dire ce qu’est une démarche oblique qui n’est jamais confrontation ni résolution. En effet, Derrida continue de s’interroger : « Car ainsi s’entend l’être : son propre. Il assure sans relâche le mouvement relevant de la réappropriation. Peut-on dès lors passer, cette singulière limite qui n’en est pas une, ne sépare pas plus le dedans du dehors qu’elle n’en assure la perméable et transparente continuité ? Quelle forme peut avoir ce jeu de limite/passage, ce logos qui se pose et se nie lui-même en laissant sourdre sa propre voix ? Cette question est-elle bien formée311 ? »

À cette question comme à toutes les autres, Derrida n’apporte pas de réponse. Les analyses qui se trouveront dans ces pages, affirme Derrida, « ne répondent pas à cette question, elles n’y apportent ni une réponse ni une réponse312. » « Pas une réponse donc. Peut-être même pas une question au bout du compte. La correspondance copulante. L’opposition question/réponse est déjà logée dans une structure, enveloppée dans le creux d’une oreille où nous voulons aller voir. Savoir comment elle est faite, comment

308 Jacques Derrida, Du droit à la philosophie – « Privilège. Titre justificatif et remarques introductives », Éditions Galilée, 1990, p. 19.

309 Ibid., p. 20.

310 Ibid., p. 21.

311 Jacques Derrida, Marges de la philosophie – « Tympan », Les Éditions de Minuit, 1972, p. VIII- IX.

elle s’est formée, comment elle fonctionne. Et si le tympan est une limite, il s’agira peut-être moins de déplacer telle limite déterminée que de travailler au concept de limite et à la limite du concept. De la faire sortir en plusieurs coups de ses gonds313. » Cela passe sans doute par le fait d’aller au-delà du texte et de « l’intention consciente de son auteur.314»

Autrement dit, il s’agit pour Derrida de « philosopher ‘’à corps perdu’’315. » Ce qui consiste peut-être alors à aller au-delà de l’esprit (donc du logos) lorsque faisant valoir ses prérogatives, il se retrouve, se rassemble, se réapproprie lui-même dans le même. Car la philosophie affirme Derrida, tente sans cesse de sortir des labyrinthes, vers quelque topos ou lieu commun, vers une unité du dire l’être. Sans doute aussi, est-ce parce que la philosophie s’effraie elle-même de la multiplicité ou des labyrinthes de la pensée, y étant elle-même située, inscrite, comprise et sur laquelle donc, elle n’a jamais pu raisonner. « Dira-t-on dès lors que ce qui résiste ici c’est l’impensé, le réprimé, le refoulé de la philosophie316 ? » Ainsi, dans les textes, ceux de la psychanalyse comme ceux de la philosophie, il convient de déloger le refoulé, le symptôme des textes ou de son vouloir-dire-intentionnel, autrement dit, accepter de cheminer sans réponse et sans vérité. Sans doute est-ce là que Derrida endure la possibilité d’être un philosophe d’une autre sorte : celui qui accepte, au-delà de toute maîtrise liée au narcissisme, de se démettre d’une pulsion de pouvoir associée à celle de savoir. Sans doute est-ce pour cela aussi qu’il convient alors de faire sortir de ses gonds la pulsion de savoir (celle pointée par Freud dans Trois essais sur la théorie de la sexualité), c’est-à-dire la déloger, la sortir de son habitat discret, là où elle se pare de bonnes intentions avec bonne conscience. À la place d’un savoir qui s’érige en recherche de vérité, là où se confondent les deux (le savoir et la vérité), Derrida propose de poser la valeur de l’insu et de la non-réponse. Il tente alors d’entendre l’inouï de la pulsion de savoir, qui de la part de celui qui pourtant poursuivait de ses vœux l’éclosion d’une nouvelle compréhension du psychisme, reconnaît que la pulsion de savoir, « ne peut ni être comptée au nombre des composantes pulsionnelles élémentaires, ni être subordonnée à la sexualité. Sa pratique correspond d’un côté à une modalité sublimée de l’emprise, et d’un autre côté elle

313 Jacques Derrida, Marges de la philosophie – « Tympan », Les Éditions de Minuit, 1972, p. VIII- IX.

314 Ibid., p. XIX.

315 Ibid., p. VII-VIII.

travaille avec l’énergie du plaisir de voir317», là où il s’agit donc d’associer sans plus d’illusion le plaisir au pouvoir, ou comme le précise ici Freud, à la pulsion d’emprise. Derrida précise, dans l’article de 1986 en hommage à Michel Foucault, faisant allusion à l’ouvrage de Freud Au-delà du principe de plaisir ?, que le pouvoir est multiple. On ne peut parler au singulier du pouvoir, de le pouvoir, affirme Derrida. C’est là un des motifs les plus originaux et insistants de Foucault : « il n’y a pas le ou un pouvoir central, capital, hégémonique, mais une multiplicité de pouvoirs, des réseaux, ou de ‘’faisceau(x) de relations de pouvoir’’, des ‘’techniques polymorphes des pouvoirs’’318. » Car poursuit Derrida :

Cette multiplicité polymorphe et proliférante tient à ce que, s’agissant de la ‘’sexualité’’, la fonction du pouvoir n’est pas seulement celle de l’interdit, mais celle d’une génération de discours multiples, de paroles ou de murmures intarissables autour d’un secret. Ou du moins, d’un effet de secret, d’un secret allégué. Chaque pouvoir se constitue alors, dans sa spécificité, par la détermination unique du discours produit, par l’originalité d’une institution. […] Et chacune de ces discursivités représente un pouvoir spécifié, mais un pouvoir qui loin d’être simplement répressif ou interdicteur, a pour destination de produire du plaisir ou d’être appelé par une ‘’impulsion’’ de plaisir319.

Entendre cet inouï de la relation entre pouvoir, plaisir et sexualité, entre pulsion de savoir et pulsion d’emprise, tel est ce que réclame Derrida lorsqu’il souhaite tympaniser la philosophie, c’est-à-dire crever les tympan de ce qui résiste à se savoir motivé par une pulsion de maîtrise, celle d’atteindre la vérité. Cette pulsion de savoir sera interrogée par Derrida jusqu’à Lacan. Car si Lacan est celui qui apporte la distinction, après Freud, entre le savoir et la vérité, en interrogeant le discours du savoir depuis le cogito cartésien (supposé être pour Lacan le discours de la science), il n’empêche, affirme Derrida , qu’il reste profondément attaché à « ‘’cette passion de dévoiler qui a un objet : la vérité320.’’ » L’analyste reste « ‘’avant tout le maître de la vérité’’, la vraie parole authentique, authentifiée par l’autre dans la foi jurée, n’étant plus la parole vraie et ce dévoilement prenant le relais de l’adéquation à la chose321.’’ » Derrida pointe ici les accents heideggériens du propos de Lacan, annonçant, comme le feront Lacoue-Labarthe et Nancy, dans Le titre de la lettre, combien il demeure soudé à la tradition métaphysique : « Lacan en reste, si l’on veut, à la détermination (la plus simple) de l’alêtheia : l’unité de la différence voile/non-voile, - c’est-à-dire, aussi bien, la 317 Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie de la sexualité, Éditions Points, avril 2012, p. 147. 318 Jacques Derrida, Au-delà du principe de pouvoir, Rue Descartes 2014/3 (n° 82), p. 8. 319 Ibid. 320 Jacques Derrida, Résistances, de la psychanalyse, Éditions Galilée, « Pour l’amour de Lacan », 1996, p. 76. 321 Ibid.

détermination (la plus) dialectique, au sens hégelien, de la vérité322. » Là encore, au-delà de Lacan, Derrida exigera une lecture en creux du propos de Lacan. Il montrera notamment qu’endurer l’aporie de la philosophie et son hyperbole, les labyrinthes de sa multiplicité, ne se fait pas sans défaite ni sans renoncement. Or, renoncer à la puissance et au pouvoir qu’octroient la pulsion de savoir, n’est-ce pas d’abord nouer ensemble vérité et non-vérité ? Ce serait là la véritable alêtheia, c’est-à-dire celle qui s’entend comme « Une vérité encore énigmatique, qui ne peut plus être envisagée comme l’adéquation d’un sujet à un objet, ou de ce sujet à lui-même. Vérité précaire, privée de cette assurance qui donne l’adéquation représentative et qui coïncide, paradoxalement avec l’incertitude d’un non-savoir : il se peut que je ne parvienne jamais à savoir qui je suis vraiment. Et pourtant cette vérité est capable de résister à la plus haute puissance