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b) L’archi-écriture ou penser la fin des oppositions traditionnelles

l’atopie et l’aporie d’un élément apparemment atomique qui inclut à son tour, au-dedans de soi, l’élément qui le déborde et dont il entame une sorte de fission en chaine, une véritable explosion atomique338.

Or, précisément Derrida repère avec Freud les mêmes enjeux primordiaux, à propos d’une écriture qui ne s’enferme jamais dans une représentation présentée au sein d’un théâtre. Là où l’écriture nous joue une scène. Cette scène de l’écriture que Derrida travaille à déconstruire avec minutie, se rendant à une amitié infraternelle avec Freud. Sans doute est-ce lorsque Derrida affirme la nécessité d’un immense travail de déconstruction de la complicité de Freud avec la métaphysique que l’hommage à la puissance révolutionnaire de la psychanalyse prend sa pleine mesure. C’est là, en effet que Derrida ne cessera plus, à partir de 1965 et de La grammatologie, par sa lecture des textes de Freud, de faire en sorte que les apports freudiens se déploient au-delà d’eux-mêmes, emportant en ce mouvement une philosophie autre, une autre promesse de la philosophie ; là que l’hyperbole endure l’extravagance au-delà des schèmes de la représentation, présents tout autant chez Freud que chez Heidegger, toujours déjà ancrés dans une détermination temporelle classique.

b) L’archi-écriture ou penser la fin des oppositions traditionnelles

La scène de l’écriture s’ouvre sur deux questions. La première concerne l’écriture

et le refoulement raté de la philosophie, c’est-à-dire « la répression historique de l’écriture depuis Platon qui constitue l’origine de la philosophie comme épistémè ; de la vérité comme unité du logos et de la phonè339. » Depuis « la forme symptomatique du

retour du refoulé » se situe dans la métaphore de l’écriture qui hante le discours européen et dans le logo-phonocentrisme, qui loin d’être une erreur philosophique ou historique, est l ‘histoire de la possibilité symbolique en général et « l’histoire de la différance, histoire comme différance, qui trouve dans la philosophie comme épistémè, dans la forme européenne du projet métaphysique ou onto-théologique la manifestation privilégiée, mondialement maîtresse de la dissimulation, de la censure en général, du texte en général340. » 338 Jacques Derrida, Genèses, généalogies, genres et le génie – Les secrets de l’archive, Éditions Galilée, 2003, p. 70. 339 Jacques Derrida, L’écriture et la différence « Le scène de l’écriture », Éditions du seuil, 1967, p. 293. 340 Ibid., p. 294.

Quant à la seconde, elle consiste à montrer d’une part comment les concepts qu’utilise Freud appartiennent tous, sans aucune exception, à la répression logocentrique, même si Freud permet des avancées en prenant des précautions pour manier les conventions et hypothèses conceptuelles, et à déplorer d’autre part que Freud n’ait jamais réfléchi sur le sens historique et théorique de ces précautions. D’où s’ensuivent deux sortes de « nécessité » : nécessité d’un immense travail de déconstruction des concepts et des thèses métaphysiques qui se condensent et se sédimentent dans la psychanalyse de Freud. Puis, nécessité d’une présence explicite sur le sens de la présence en général, qui selon Derrida appelle la comparaison entre la démarche de Heidegger et celle de Freud. Derrida le dit ainsi :

Comparaison entre la démarche de Heidegger et celle de Freud. L’époque de la présence au sens heideggérien, et sa nervure centrale, de Descartes à Hegel : la présence comme conscience, la présence à soi pensée dans l’opposition conscience/inconscient. Les concepts d’archi-trace et de différance : pourquoi ils ne sont ni freudiens ni heideggériens341.

À propos de cette comparaison entre Heidegger et Freud, que Derrida réclame explicitement ici et à partir desquels il oppose les concepts d’archi-trace et de différance, nous avons déjà repéré de nombreux points, notamment la conception de la présence de Heidegger. Mais il nous reste à entendre comment Heidegger se positionne par rapport à la question de la présence de la voix, ou phonè. Heidegger, contrairement à Freud, reste associé à la tradition d’une suprématie de la valeur de la phonè, contre celle de l’écriture. La comparaison entre les deux penseurs permet d’une part de comprendre où se précise la différence que Derrida envisage par rapport à Heidegger, et d’autre part comment dans cette différence se joue la question de l’écriture, déjà annoncée par Freud. Freud fait un pas de plus en-dehors de la tradition métaphysique, grâce à cette conception du psychisme comme une écriture, pas que n’aura pas franchi Heidegger. En effet, Heidegger est demeuré fixé à l’idée d’une suprématie de la voix et à une conception de l’écriture comme déchéance de la puissance de la phonè. Il pense de façon très traditionnelle, c’est-à-dire platonicienne, que le surgissement de l’écriture, la modification de la parole en écriture est une déchéance, une léthargie, un oubli de la parole vive et déjà le commencement du bavardage. Il pense l’écrit comme déchéance bavarde de la pensée parlante. Or, selon Derrida le logos est déjà un texte, il relie, il rassemble des significations et les retient, la parole est toujours déjà l’écriture, le texte

ne fait pas une apparition irruptive, ne surprend pas la parole. Affirmer que le logos est déjà l’écriture, c’est donc dire que :

ceci est cohérent avec le tout de la pensée de Heidegger, que la déchéance, l’oubli, le bavardage, moment du texte, sont des possibilités essentielles et déjà présentes au cœur de la parole, que l’inauthentique ne survient pas à l’authenticité, ne la surprend pas de l’extérieur mais est l’essentiel et permanent nécessaire complice. C’est la complicité ou la duplicité qui est fondamentale, la différence et non l’authenticité vierge et mythique342.

Derrida l’affirme, « jusqu’en 1965 je n’avais pas encore pris en compte la nécessité de la psychanalyse dans mon travail philosophique343.» Car précise-t-il, « j’avais lu Freud de façon très fragmentaire, insuffisante, conventionnelle, et Lacan de façon encore plus lacunaire, à peine préliminaire, au moment où entre 1964 et 1965, s’est mise en place la ”matrice” si je puis dire, de De la grammatologie qui a ensuite conditionné tout mon travail344. » C’est à partir de De la grammatologie, donc, que Derrida sent la nécessité proprement déconstructrice de remettre en question le primat du présent, de la présence pleine, et donc de mettre en œuvre les ressources de la psychanalyse. Les mettre en œuvre jusqu’à les déconstruire pour les penser, se situer à l’extérieur des sédimentations de sens qu’elles contiennent, de par leur tradition et le système qu’elles sont venus engager, pour se débarrasser en cette tradition des effets d’itérabilité du langage, pour désorganiser les autorités du savoir ; mais aussi et en même temps, de l’intérieur, pour lire au plus près les textes consignant ces ressources, découvrir leurs sens, ce qui les fait résonner en écho jusqu’à nous. Tout cela ne pouvant se penser qu’en tenant compte de l’insu à l’œuvre dans toute cette démarche. Derrida le dit ainsi : La question de la différance, ou de la trace, n’est pas pensable à partir de la conscience de soi ou de la présence à soi, ni en général de la pleine présence du présent. Je sentais bien qu’il y avait chez Freud, une puissante réflexion sur la trace et l’écriture. Sur le temps aussi345.

Ainsi c’est aussi la même année (en 1965), que Derrida indique comment Heidegger reste, à l’inverse de Freud, fixé à une pensée dévalorisée de l’écriture. Pour autant, Derrida à son tour, fait un pas de plus au-delà de Freud en appelant, dans La

scène de l’écriture, à la nécessité de déconstruire aussi les concepts freudiens qui

342 Jacques Derrida, Heidegger : la question de l’Être et l’Histoire – Cours de l’ENS-Ulm 1964-1965, Quatrième séance. Le 11 janvier 1965, Éditions Galilée, 2013, p. 130 à 134. 343 Élisabeth Roudinesco, Jacques Derrida, De quoi demain, Éloge de la psychanalyse, Éditions Flammarion, 2001, p. 275. 344 Ibid. 345 Ibid., p. 276.

appartiennent tous à la répression logocentrique. Or, envisager que ne se réprime jamais l’excédance de la pensée, tel est ce que Derrida cherche à penser, au-delà de Heidegger et de Freud convoqués ici ensemble.

Selon Derrida, l’écriture ne peut ni être considérée comme déchéance par rapport à la phonè, ni pour autant être exempte de la répression logocentrique lorsqu’elle est encore enclavée dans la tradition d’une écriture qui maîtrise, qui enferme le fou sans l’entendre crier. Derrida envisage une autre écriture, une autre grammaire, la grammatologie qui se définit comme un enchaînement, un tissu, un texte qui ne se

produit que dans la transformation d’un autre texte. Dans ce texte, rien n’est nulle part ni

jamais simplement présent ou absent. Il n’y a, de part en part, que des différences et des traces de traces. C’est pourquoi cette nouvelle écriture peut prendre le nom de

différance. Or, cette écriture s’intitule dès lors archi-écriture dans la mesure où elle se

déploie sans ne jamais renvoyer à un sujet unique, puisque le texte suppose d’emblée la disparition de son signataire, le rapport à l’espacement, à des renvois de significations. Elle ne peut plus s’entendre selon la logique logocentrique. Elle est héritage, témoignage, elle transforme et trace, sans ne jamais revenir à l’origine, elle est sans commencement, elle est itérabilité. Elle suppose que « l’au-delà ne retourne pas dans l’en-deçà, elle reconnaît dans la contorsion la nécessité d’un parcours346. » Ce parcours est sinueux, et suppose que l’on puisse s’y perdre, c’est pourquoi, selon Derrida, l’écriture renvoie de façon paradigmatique à la question de la signature. Car à l’écrit, ce qui atteste de la présence de l’auteur, c’est sa signature, indiquant qu’il ait présidé au travail de l’écriture. Mais il n’est plus présent, ici et maintenant, il l’est par sa seule signature. Ainsi, la question est de savoir ce qui atteste vraiment de cette présence ? N’y a t-il pas là l’effet d’une croyance ? Je crois que le texte est de cet auteur, mais rien ne l’atteste jamais vraiment. C’est dire alors que la présence peut fonctionner aussi au-delà de la présence, c’est-à-dire dans l’absence, et même par delà la mort de l’auteur, lorsqu’aurait eu lieu sa disparition. Cette conception derridienne d’une archi-écriture permet que se pense l’écriture autrement que ce qui enferme et réprime. À l’inverse l’écrit, selon la tradition métaphysique, inaugurée par Platon (à laquelle appartient encore Heidegger, selon Derrida), est profondément dévalorisé. En effet, l’écrit, « parce que différant le rapport au signifiant phonique, vient introduire le poison débilitant (le pharmakon) de la remémoration, hypomnésis comme supplément, le signifiant graphique s’éloignant d’un

degré de la mnémè, tombe hors de la vie, entraine celle-ci hors d’elle-même et la met en sommeil dans son double type347. » C’est dire que l’écrit, parce qu’il est prothèse au- dehors de la mémoire « vive », est considéré comme ce poison de l’hypomnésis (c’est-à-dire d’une remémoration), faisant que la mnémè (la mémoire vive), « au lieu d’être présente à soi dans sa vie, comme mouvement de la vérité, se laisse supplanter par l’archive348. » Ou autrement dit : « la mémoire se laisse ainsi contaminer par son premier dehors, pas son premier supplément : l’hypomnésis349. » Or, le danger, la

contamination proviennent du fait que cet écrit est toujours susceptible de redoublement, de répétition : le signifiant graphique est une prothèse qui peut être reproduite ou imitée tombant à chaque fois hors de la vie soi-disant originale de la présence. C’est bien d’un rapport à la mort dont il s’agit. Ici, l’archive laissée par l’écrit ne consiste plus à réveiller la vie, mais peut tout au plus restaurer des monuments. L’écriture comme pure répétition, dans la conception traditionnelle, n’est qu’une répétition morte, une répétition « creuse et délaissée350 », répétition de mort insiste Derrida : « […] répétition du signifiant, répétition nulle ou annulatrice, répétition de mort, c’est tout un. L’écriture n’est pas la répétition vivante du vivant351. » Elle est imitation, fixant et empêchant la réponse, immobilisant la possibilité de la responsabilité, marquant l’impuissance à répondre de soi-même. L’écriture est finalement annulatrice de la présence vivante à soi-même, là d’où je peux répondre en toute connaissance, au plein jour de mes idées. La phonè, selon cette tradition métaphysique, échapperait à ce processus de mort opéré par l’écrit, puisque les « signes phoniques (les ”images acoustiques” au sens de Saussure, la voix phénoménologique) sont ”entendus” du sujet qui les profère dans la proximité absolue de leur présence. Le sujet n’aurait pas à passer hors de soi pour être immédiatement affecté par son activité d’expression352 ». De même, la phonè permet un savoir comme mémoire (mnémè), s’opposant à un savoir comme remémoration (hypomnésis). La première forme de savoir serait bonne et la seconde mauvaise. Il y aurait ainsi selon cette tradition platonicienne, une bonne et une mauvaise répétition s’opposant radicalement l’une l’autre. « Une répétition de vérité (aletheia) qui donne et présente l’eidos ; et une répétition de mort et 347 Jacques Derrida La dissémination - La pharmacie de Platon Éditions du Seuil, 1972, p. 136. 348 Ibid., p. 135. 349 Ibid., p. 135. 350 Ibid. p. 169. 351 Ibid. p. 169. 352 Jacques Derrida La voix et le phénomène, PUF, p.85.

d’oubli (lèthè) qui voile et détourne parce qu’elle ne présente par l’eidos mais re-présente la représentation, répète ma répétition353. »

Or, Derrida s’insurge contre cette tradition inaugurant toutes les autres oppositions métaphysiques. Il n’y a pas selon lui de distinction entre la phonè et l’écriture. Affirmer que mes paroles sont vives, vivantes, immédiates à moi-même, dans une présence vivante à moi-même, tout cela n’est qu’un leurre. Ce n’est qu’un semblant, car en fait, penser que la parole puisse saisir cette immédiateté d’une affection de soi par soi, c’est s’illusionner. En réalité, la véritable pensée est celle qui reconnaît que la présence est toujours déjà manquante à elle-même. La véritable présence est celle qui se sait traversée de différences, de non perception, celle qui sait qu’elle n’est jamais immédiate, spontanée. Bien plus, Derrida affirme la nécessité de conserver l’ambiguïté contenue dans le sens de pharmakon, le poison débilitant reste aussi et en même temps remède. S’il n’y a pas de bonne ou de mauvais répétition, c’est parce que la répétition est vectrice de vie, elle est ce sans quoi il n’y aurait pas de vérité. Elle est d’une part la vérité de l’étant sous la forme intelligible de l’eidos et par là permet la répétition du même, du stable, de l’identifiable à soi, mais en même temps et à l’opposé la répétition est « le mouvement même de la non-vérité : la présence de l’étant s’y perd, s’y disperse, s’y multiplie par mimèmes, icônes, phantasmes, simulacres, etc354. » La fin de La pharmacie

de Platon est ainsi sans équivoque, ou plutôt joue sur l’équivocité de tout discours : « ces

deux répétitions se rapportent l’une à l’autre selon le graphique de la supplémentarité. C’est dire qu’on ne peut pas plus les ”séparer” l’une de l’autre, les penser à part l’une de l’autre, les ”étiqueter”, qu’on ne peut dans la pharmacie distinguer le remède du poison, le bien du mal, le vrai du faux, le dedans du dehors, le vital du mortel, le premier du second etc. Pensé dans cette réversibilité originale, le pharmakon est le même précisément parce qu’il n’a pas d’identité. Et le même (est) en supplément. Ou en différance. En l’écriture. S’il avait voulu-dire quelque-chose, tel eût été le discours de Teuth faisant au roi, de l’écriture comme pharmakon, un singulier présent. Mais Teuth, surtout, n’a pas repris la parole. La sentence du grand dieu fut laissée sans réponse355. » Pas plus qu’il n’y a de bonne ou de mauvaise répétition, il n’y a pas non plus d’opposition entre une parole bavarde inauthentique et l’autre qui serait authentique, ni de vérité qui 353 Jacques Derrida, La dissémination - La pharmacie de Platon Éditions du Seuil, 1972, p. 168. 354 Ibid. p. 210. 355 Ibid., p. 211.

ne puisse être traversée de non-vérité. La duplicité, la complicité entre ce qui est traditionnellement opposé permet la fin de l’identité, du même, de la souveraineté de l’un sur l’autre, d’une représentation de soi et du monde envisagée dans la présence. Dans La scène de l’écriture, Derrida reprend cette idée d’un sujet qui parce qu’il manque à son vécu, ne peut jamais se considérer comme souverain : la perception pure n’existe pas, nous ne sommes écrits qu’en écrivant. En effet, il affirme que « le ”sujet” de l’écriture n’existe pas si l’on entend par là quelque solitude souveraine de l’écrivain. Le sujet de l’écriture est un système de rapports entre les couches : du bloc magique, du psychique, de la société, du monde. À l’intérieur de cette scène, la simplicité ponctuelle du sujet classique est introuvable356. » Or, si Derrida parle d’un sujet de l’écriture, à la suite de Freud, c’est parce que c’est Freud le premier qui introduit, par un trait de génie, la métaphore de l’écriture à propos de psychisme. « La métaphore de l’écriture va s’emparer à la fois du problème psychique dans sa structure et de celui du texte psychique

dans son étoffe357. » À ce que Freud travaille en priorité, le rêve, s’adjoint une première

étape de la métapsychologie, celle où il fait de l’appareil psychique un lieu dynamique d’inscriptions. À la fin de L’interprétation des rêves, Freud précise :

Quand, donc, nous disons qu’une pensée inconsciente vise à sa traduction dans le préconscient, pour percer ensuite jusqu’à la conscience, nous ne voulons pas dire qu’une deuxième pensée située à un nouvel endroit doive être formée, une réécriture [nous soulignons] en quelque sorte qui perdure à côté de l’original ; et de même pour ce qui concerne la percée jusqu’à la conscience, nous voulons en détacher soigneusement toute idée de changement de lieu. Quand nous disons qu’une pensée préconsciente est refoulée, puis accueillie ensuite par l’inconscient, ces images empruntées à la sphère des représentations de la lutte pour un territoire pourraient nous entraîner à l’hypothèse séduisante qu’effectivement, dans la localisation psychique, une disposition est dissoute et remplacée par une nouvelle dans l’autre localisation358.

À ce mode de représentation topique, en forme de localisation, Freud préfère le mode dynamique. Il précise : « ce n’est pas la construction psychique qui nous apparaît comme l’élément mobile, mais son innervation359. » La structure psychique se comprend donc bien comme une écriture et non comme une réécriture qui se ferait à partir d’une traduction d’un original déjà là, originairement présent et n’attendant plus que cette traduction. Il s’agit plutôt d’une écriture en termes d’inscriptions. Des inscriptions qui sont des traces : une écriture, mais s’inscrivant surtout lorsqu’elle n’est pas visible.

356 Jacques Derrida, L’écriture et la différence, « La scène de l’écriture », Éditions du Seuil, 1967, p. 335.

357 Ibid., p. 307.

358 Sigmund Freud L’interprétation du rêve, Éditions du Seuil, janvier 2010, p. 653.

Derrida attribue ainsi à Freud le fait d’avoir permis un appel incessant et de plus en plus radical au principe de la différence et de faire entrer en scène l’écriture, la trace qui commence à devenir pour Freud écriture. La question du retardement (c’est-à-dire d’un présent non constituant, originairement reconstitué à partir des ‘’signes’’ de la mémoire), y devient centrale. La conception freudienne de l’écriture du psychisme est pour Derrida une « lithographie d’avant les mots ». Il précise :

Non pas d’écriture simplement transcriptive, écho pierreux d’une verbalité assourdie, mais lithographie d’avant les mots : métaphonique, non-linguistique, a-logique. (La