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d) L’inquiétante étrangeté pensée autrement

d) L’inquiétante étrangeté pensée autrement

La psychanalyse est associée au travail de la mémoire et de l’archive. L’image célèbre du « Bloc magique » renvoie à cette idée d’une inscription qui laisserait en le même temps la possibilité de l’archive et de l’effacement. L’appareil psychique pensé comme une archive psychique laisse un espace interne sans lequel il n’y aurait ni consignation d’enregistrement ou impression, ni répression, censure ou refoulement, « il accueille l’idée d’une archive psychique distincte de la mémoire spontanée390. » Or, l’appareil psychique recueille les impressions mais opère également une répression. Toute la question consistera alors à se demander si cette répression est suppression. Selon Derrida, Il n’y a pas de vérité inscrite ailleurs, ou seulement une vérité folle, a-topique, aporétique, c’est-à-dire une vérité-événement, étrange, indécidable, Unheimlich, qui surgit en-dehors de la logique, des structures, des contraires, des frontières. Elle est vérité et aussi non-vérité, car elle nait de la folie, dans la mesure où elle se soutient jusqu’à l’effacement de soi, jusque dans l’idée de la trace effaçable, car une trace ineffaçable supposerait encore l’assurance d’une présence pleine, d’une substance immobile et incorruptible. Il faut, au contraire, soutenir la menace et l’angoisse de la disparition de la trace, de la disparition de sa disparition. Autrement dit que l’on suive jusqu’à l’errance le fantomatique ou le fantastique de l’inquiétante étrangeté. Ne pas enfermer le sens ou le fou, c’est déjà ce que pense Freud en accueillant ce qui paraît absurde, incohérent, inquiétant pour en suivre les traces.

Toutefois, selon Freud, on ne peut penser une archive sans fondement, sans support, sans substance, sans subjectile. Et s’il y a répression (Unterdrückung,

suppression), cela consiste davantage à déplacer, qu’à supprimer, en ce que cela opère

une « seconde censure » – entre le conscient et le préconscient – « affecte l’affect, c’est-à-dire ce qui ne peut jamais se laisser refouler (repress) dans l’inconscient mais seulement réprimer (suppress) et déplacer dans un autre affect391. » Selon Freud, la suppression n’existe jamais en tant que telle, il y a toujours un reste originaire, un lieu d’inscription initiale, un refoulement primaire qui engendrent les ramifications ultérieures des refoulements secondaires. Or, chercher les traces de l’inconscient, déterrer les archives

390 Jacques Derrida Mal d’archive, Éditions Galilée, 1995, p. 37.

jusqu’à en retrouver l’originaire, n’est-ce pas à ce travail de mémoire que nous convoque Freud, imprimant à sa découverte les prérogatives de l’archéologue ? Et ce faisant, il réitère les conceptions « vulgaires » du temps de la philosophie : il faut faire retour vers un avant, vers le premier, vers l’origine. Et pister, tel un détective, les traces, les « surbrillances » de la mémoire qui par aveuglements hallucinatoires, nous indiquent le chemin à suivre pour revenir vers ce point fixe, ce point à retrouver pour continuer. Car cette origine inscrite en notre archive fait retour, répète, compulse à se répéter, nous l’avons montré. Et elle le fait de façon étrange, étrangère, selon une étrangeté nous rendant étranger à nous-même, nous désappropriant de nous-même, nous troublant. Ce trouble est un repère.

Freud dans Un trouble de mémoire sur l’Acropole (1936), parle d’un résultat de déformation qui vient déranger le rapport à la réalité. L’Acropole existe-t-elle ? s’était-il demandé enfant. Et cet élément du passé est reconduit devant l’Acropole au moment de la visiter, au point de douter que ce monument soit réel. On appelle cela un « sentiment d’étrangeté » précise Freud : « très fréquent dans certaines affections psychiques, ils ne sont pourtant pas inconnus de l’homme normal, ils jouent un peu le rôle des hallucinations accidentelles chez les gens sains. D’un autre côté ce sont aussi sûrement des actes manqués, constitués d’une façon aussi anormale que le rêve, bien qu’ils se produisent régulièrement chez les gens normaux, peuvent passer pour des exemples de troubles psychiques392. » Auparavant en 1927 Freud avait travaillé sur ce sentiment pour en montrer l’ambivalence : l’inquiétante étrangeté, Unheimlich est une variété particulière de l’effrayant qui remonte au depuis longtemps connu, depuis longtemps familier, dérangeant le cher, l’intime, l’apprivoisé et l’engageant, le charmant ou encore le tranquille. Tout ce qui de heimlich, passe peu à peu, dérive vers des pays qui ne sont pas si amicaux, provoquant le trouble, comme devant un puits asséché dont on ne peut jamais être certain que ne pourrait pas en rejaillir de l’eau. Ce familier peut devenir peu sûr jusqu’à dévoiler quelque chose de caché, de dissimulé même, ou susciter le malaise et l’épouvante angoissée. L’angoisse du fantomatique, notamment. Schelling cité par Freud qualifie le un-heimlich de tout ce qui devrait rester dans le secret, dans l’ombre et qui en est sorti. Il s’agit des registres du jaillissement, de ce qui ressort, déformé, sans forme assignable, fantomatique et fantastique, reconnaissable de n’être jamais reconnu.

392 Sigmund Freud, Résultats, idées, problèmes - Tome II (1921-1938), Article Un trouble de mémoire sur

Suscitant un sentiment d’étrangeté par rapport au monde, l’Unheimlich, provoque également une dépersonnalisation du moi. Il participe pourtant d’un mode de défense du moi, voulant éloigner quelque chose de lui, le nier. L’Unheimlich consiste ainsi à lutter par un sentiment brusque d’être confronté à ce qui n’est pas vrai ou réel, à ce que le moi ne reconnaît pas, à ce qui ne peut se saisir tout en resurgissant : une confusion entre la réalité et sa représentation. Or, aller vers ce sentiment, s’y confronter, l’analyser jusqu’à en retrouver l’origine, la racine agissante, c’est ce à quoi procède Freud face à son trouble de mémoire sur l’Acropole, jusqu’à revenir aux sources, à la genèse, genesis ou création : ce qui au final revient sous le déguisement de cet étrange trouble, ce qui est déterré à la faveur de cette étrangeté inquiétante, de ce trouble de la mémoire, c’est « le sentiment de culpabilité qui reste attaché à la satisfaction d’avoir si bien fait son chemin : il y a là depuis toujours quelque chose d’injuste et d’interdit », l’interdit de mépriser le père , mépris du père remplaçant la surestimation infantile. La source est là, elle est en le père, le père dont il est interdit qu’il soit surpassé393. On comprend donc combien ces éclairs, ces quasi-hallucinations anormales de l’homme normal, sont précieuses pour retrouver la source, le premier refoulement. Et, d’ailleurs c’est ce que propose Freud dans Constructions dans l’analyse, lorsqu’il évoque l’émergence dans la cure de « fragments perçus » : Ces souvenirs auraient pu être qualifiés d’hallucination si à leur netteté s’était ajoutée la croyance à leur actualité. Mais l’analogie gagna de l’importance quand mon attention fut attirée par la présence occasionnelle de véritables hallucinations dans d’autres cas, des cas qui n’étaient certainement pas psychotiques. Ainsi continuait mon raisonnement : on n’a pas encore assez apprécié ce caractère peut-être général de l’hallucination d’être le retour d’un événement des toutes premières années [c’est nous qui soulignons], de quelque chose que l’enfant a vu ou entendu à une époque où il savait à peine parler. C’est ce qui s’impose maintenant à la conscience, mais probablement de façon déformée et déplacée par l’effet des forces qui s’opposent à un tel retour394.

Face à ces retours, à ces hallucinations, traces primitives, traces éparses, chaotiques, qui peuvent surgir, traces concernant le perçu d’avant l’entrée dans la parole (infans), la piste serait grande ouverte pour retrouver le refoulement originaire. Tel serait le vœu secret de Freud, son rêve extatique, disions-nous avec Derrida395.

393 Sigmund Freud, Résultats, idées, problèmes - Tome II (1921-1938), Article Un trouble de mémoire sur l’Acropole Éditions PUF, 1985, p. 229.

394 Ibid., p. 279.

395 Pour corroborer cet ancrage freudien dans le lien à l’origine, nous voudrions rendre compte ici d’un colloque de l’École de psychanalyse Sigmund Freud auquel nous avons assisté les samedi 31 mars 2012 et dimanche 1er avril 2012, à Paris. Le titre de ce colloque était : Le refoulé originaire, traces et construction.

C’est pourquoi, selon Derrida dans Mal d’archive, Freud reste un métaphysicien classique et un Aufklärer positiviste, un savant critique d’une époque passée, un « scholar » qui ne veut pas parler aux fantômes396. À partir de l’étude de l’inquiétante étrangeté et à travers les éléments dont nous avons rendus compte ci-dessus, nous voulons montrer avec Derrida que si Freud a ouvert la voie aux fantômes, au spectral, à l’étrange, en soi et hors de soi, là où à l’instar de Descartes nous avoisinons avec la folie - pour nous les hommes normaux, renversés en cela de nos certitudes -, Freud a toutefois tout comme Descartes, retenu cette hyperbole de la pensée, l’a vite refermée, s’équipant de la caution des pensées de la rationalité scientifique. Certes il y a une étrangeté, des hallucinations en nous, pourtant, il faut en trouver le sens, dit Freud, c’est-à-dire la cause rationnelle, il faut comprendre, remonter aux sources, aller à l’origine, là où l’on est censé dépasser le père, sans y parvenir jamais vraiment, peut-être ne s’y autorisant pas. Derrida le dit ainsi :

Freud prétend ne pas croire à la mort et surtout à l’existence virtuelle de l’espace spectral que pourtant il prend en compte. Il le prend en compte pour en rendre compte, et il entend n’en rendre compte ou n’en rendre raison qu’en le réduisant à autre chose que lui, c’est-à-dire à autre chose que l’autre. Il veut expliquer et réduire la croyance au fantôme. Il veut penser la part de vérité de cette croyance. Le croire, le phénomène radical de la croyance, seul rapport à l’autre en tant qu’autre, n’a finalement aucune place possible, aucun statut irréductible dans la psychanalyse freudienne397.

Et Derrida continue en parlant d’un paradoxe qui prend une forme saisissante, « proprement hallucinante » - ce sont là les termes de Derrida-, au moment où Freud se voit bien obligé de laisser parler les fantômes, pendant le temps des fouilles archéologiques, mais qu’il finit par exorciser.

Dans l’argument il s’agissait, à partir de ce constat d’un refoulement originaire et des traces qui se saisissent dans la cure en l’espèce d’hallucinations, d’interroger une clinique portée par ce possible retour vers l’originaire, permettant ainsi, peut-être, de dévoiler cet originaire à partir des effets de brillance et de rémanence dans la conscience du sujet. Éclairé par ces émergences d’un archaïque, du surgissement d’un perçu d’avant l’entrée dans la parole, le propos du colloque consistait à s’interroger sur de nouvelles questions : « en fin de cure dissoudre la nature cristalline du caractère, corriger les processus de refoulement, construire les bords au réel d’un savoir qui d’origine est hors de portée du sujet, cela permettrait-il d’écrire – de réécrire – la structure ? ».

Nous voudrions nous-même nous interroger à l’horizon de ces propos : n’y a t-il pas là, contre Freud même, l’idée d’une possibilité de retrouver cet originaire enfoui afin de réécrire la structure ? La question ne s’interrogeant jamais sur ce que cette redéfinition d’une structure pourrait venir provoquer de violence chez un sujet. Et subséquemment, n’est-ce pas là une dérive de ce que ce primat de la primarité chez Freud vient ouvrir comme écueil ? Une dérive produite par la volonté d’une non-dérivation hors de la recherche d’un originaire, une dérive que Derrida lui, s’autoriserait ? 396 Jacques Derrida Mal d’archive, Éditions Galilée, 1995, p. 146. 397 Ibid., p. 147.

De ces paradoxes, Derrida fait ce qu’il appelle dans H.C pour la vie, c’est à dire…, des arêtes problématiques. Ces arêtes concernent toutes les trois la question de l’Unheimlich, puisqu’il s’agit, de la part de Derrida, d’une lecture de Totem et Tabou, à propos de la toute-puissance des pensées. La première arête problématique que pointe Derrida est la suivante : Derrida déplore que Freud distingue des phases de maturation de l’esprit humain, qui passerait, selon ce que Derrida nomme un scientisme évolutionniste, à la fois grossier et naïf, d’un état animiste correspondant à un « narcissisme » ou à une mégalomanie infantile, à celle religieuse avec un choix d’objet, pour s’achever par la phase scientifique, du savoir, qui serait celle de la maturité, le renoncement au principe de plaisir, l’ajustement de l’objet dans le monde extérieur du point de vue de la raison, de la science (en particulier psychanalytique) et de la philosophie. Ces trois phases sont bien distinguées les unes des autres, et c’est en cela que Derrida critique Freud, puisque selon lui, subsistent des restes, une persistance résiduelle de l’animisme et en particulier de la pensée magique dans l’art, notamment. Freud définit l’art comme illusion qui produit des effets d’affects « comme si c’était quelque chose de réel », tout en étant en même temps, une pure et simple mimétique, représentative, reproductive. Or, en cette définition, Freud selon Derrida rate ce que l’art non représentatif permet. Car cet art non-représentatif selon Derrida se trouve être particulièrement probant quant à ses effets performatifs dans le pouvoir du langage. Là où l’effet effectif et affectif d’un performatif est toujours d’apparence magique, procédant toujours comme par enchantement. Cet art-là rend opérant, en même temps, les voies rationnelles, techniques et magiques. En particulier, précise Derrida, dans l’ordre de la psychanalyse, du côté de l’analyste et de l’analysant, là où il y aurait aussi une dimension poïétique398.

Certes Freud reconnaît, selon Derrida, dans la deuxième arête problématique de la pensée freudienne, qu’il n’existe pas de culture, pas de peuple qui n’ait une pensée pré-animiste en l’espèce d’une théorie sur les revenants. Freud détermine en cela une

Belebheit originaire (c’est-à-dire une animation de l’âme, pourrait-on dire), en lui

donnant une figure particulière, c’est-à-dire en peuplant, en la peuplant d’une représentation spectrale : « il n’y a pas de culture sans spectralité unheimlich, sans organisation de la hantise399. » Pourtant, poursuit Derrida, Freud ne voit pas que cette

398 Jacques Derrida H.C. pour la vie, c’est à dire… Éditions Galilée 2002, p. 96-97.

spectralité en unheimlich, ne peut pas se dire par expérience anthropologique, culturaliste ou ethnologique et qu’elle n’est même pas une doctrine philosophique, mais une Belebheit quasi originaire, qui toutefois doit se présenter, ou du moins s’annoncer, à quelque expérience pré-empirique ou pré-positive. Cette expérience se trouve, ajoute Derrida, et nous en reparlerons plus tard, dans l’œuvre et la vie d’Hélène Cixous en la puissance du puisse à l’œuvre, comme œuvre de vie ou subjonctivement comme « vivement le vivre, pour la vie400. »

Enfin, dans la troisième arête problématique, Derrida regrette que Freud puisse considérer que pour les hommes, la reconnaissance de la mort ait été dans le même temps supplantée, déniée notamment, par la « création théorique de l’homme : la création des esprits ». C’est dire selon Derrida, que la production du spectral est théorétique, que les visions fantomatiques ou phantasmatiques sont des théorèmes ou des théorèmes théâtraux ; et également, que Freud ne reconnaît la nécessité (Anankè), qu’en la déniant. La mort ne serait reconnue et nous nous soumettrions à sa nécessité que dans l’acte de la dénier. Or, cela reste une pensée des Lumières au-delà des Lumières. Derrida, lui, veut plutôt montrer combien la technique peut aussi se penser en un « puisse » de l’enchantement (le subjonctif énonçant ici un vœux, à distinguer du pouvoir), puisque, par exemple, toutes les expériences du téléphone et de la télépathie sont à la fois techniques et purement magiques, et que le prétendu désenchantement du monde « dont on nous rebat les oreilles depuis Max Weber » et qui oppose la technique à la magie, n’a plus de sens en tant qu’opposition - comme l’opposition entre foi et savoir ajoute Derrida - ; combien la vie la mort sont indissociables, au point qu’il est « difficile de dire si c’est la vie ou la mort, si c’est évité, dénié, ou reconnu, ou reconnu au travers de l’étrange événement ou l’étrange élément de ce déniement qui n’est pas reniement. L’acte de foi, le croire peut seul décider, sans norme et sans programme, par un engagement de la vie à la mort, si ce sera la vie ou la mort401. »

Nous le disions à propos de l’Unheimlich, tout comme l’impression ne peut se défaire des vocables de la répression et de la suppression - ce en quoi l’archive est toujours pulsion d’archive, c’est-à-dire de destruction, un mal d’archive tel que la nomme Derrida, et qui épuise donc, c’est-à-dire rend impossible la tentative archéologique de revenir aux origines, celles-ci n’étant aucunement assignables -, de

400 Jacques Derrida H.C. pour la vie, c’est à dire… Éditions Galilée 2002, p.99.

même, il n’est pas possible de distinguer l’étrange, le fantôme, du savoir, de la philosophie, de l’acte même de penser. Certes là aussi Derrida rejoint Freud. Puisque Freud le dit ainsi : « parmi ses multiples nuances de signification, le petit mot heimlich en présente également une où il coïncide avec son contraire unheimlich. Ce qui est heimlich devient unheimlich402. » Mais pour autant, Derrida surenchérit, problématise, aiguise les

arêtes freudiennes de la pensée de Freud, il le lit lettre à lettre afin de faire une lecture qui maltraite dit-il dans H.C. pour la vie, c’est à dire…, c’est-à-dire en sélectionnant et sectionnant ainsi avec une impardonnable violence. Certes, Jacques Derrida s’exprime ainsi à propos du geste et de l’expérience d’écriture d’ Hélène Cixous403. Mais il pourrait aussi invoquer cette violence à propos de Freud, puisqu’il s’agit toujours de brûler de désir pour leur geste et leur expérience à tous deux, en les confrontant ici l’un à l’autre, et partout ailleurs où il se confronte lui-même à Freud. Brûler de désir pour une pensée qui manque à, dont le manque est ce qui appelle à inventer encore404.

Ainsi du geste freudien, Derrida veut-il conserver le « boiteux », celui auquel Freud rend lui-même hommage en fin de Au-delà du principe de plaisir. Celui qui affirme, « Ce à quoi on ne peut pas atteindre en volant, il faut y atteindre en boitant…Il est dit

402 Sigmund Freud L’inquiétante étrangeté et autres essais, L’inquiétante étrangeté, Éditions Folio essais, p.221.

403 Jacques Derrida, Op. cit., p. 103-104.

404 Au moment où nous rédigions ce passage, le séminaire de Jacques Derrida, intitulé la vie la mort, à l’adresse des étudiants de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm entre 1975 et 1976, n’avait pas encore été publié. Dans l’après-coup de notre texte et à partir de la lecture du séminaire, nous pouvons ajouter à quel point Derrida rend hommage dans les trois dernières séances à la démarche de Freud, basée sur une spéculation « nécessairement claudicante ». Derrida travaille lors des séances douze, treize, quatorze du séminaire sur le texte Au-delà du principe de plaisir afin de montrer comment autant du côté théorique que dans la chose même (c’est-à-dire dans ce texte de Freud), il y a irrésolution, dette sans fond, déliaison ou liaison interminable, ce qui permet que dans la chose même il n’y ait plus une logique d’opposition ni les effets dialectiques qui traditionnellement résultent de toute pensée philosophique. Dès lors, Derrida insiste particulièrement sur le fait qu’il attribuera toujours à Freud la suprématie d’avoir véritablement ouvert les questions d’un au-delà de la philosophie dans la mesure où il est cet aventurier de quelques explorations inutiles dans ses textes, infécondes du point de vue scientifique. Cet hommage réitéré à Freud montre donc que Derrida le considérera toujours comme le porteur du geste révolutionnaire de la psychanalyse, bien plus que ne le seront les psychanalystes suivants et notamment