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Section II : Analyse contrastive

3 Les séquences introductrices

3.2 Les verbes introducteurs primaires

Sagen est le verbe prototypique du dire. L’analyse componentielle de Marschall (1995 : 361ss), également valable pour dire, distingue : « sagen1 = äußern, minimal spezifiziert », « sagen2 = mündlich äußern, im Gegensatz zu schreiben, etc. » et « sagen3 = mitteilend äußern, gegenüber fragen ». Seul le premier de ses trois sens est sémantiquement neutre. Sagen2 et sagen3 ne sont pas à considérer comme des verbes primaires, puisqu’ils spécifient la nature du discours.

La différence entre dire et faire d’une part, sagen et machen d’autre part, est sémantique, syntaxique et distributionnelle. Faire est un verbe introducteur qui indique que l’objet est le résultat du procès ; sans caractériser l’acte accompli (Sabban 1978 : 37) et sans comporter de trait du dire, il introduit un discours rapporté en présentant l’énoncé comme le produit d’un acte, comme le relève Gather (1994 : 201) : « der Äußerungsakt [wird] unter dem Aspekt der Handlung fokussiert ». D’après Gather (1994 :198-199), en outre, le français n’est pas la

122 Outre les verbes d’introduction primaires et l’introducteur averbal so, un autre moyen d’opérer sur la présence de l’énonciateur rapporteur consiste à lui substituer un sujet impersonnel, comme dans l’énoncé suivant : Als er dies alles in größter Eile überlegte, ohne sich entschließen zu können, das Bett zu verlassen - gerade schlug der Wecker drei Viertel sieben -, klopfte es vorsichtig an die Tür am Kopfende seines Bettes. „Gregor“, rief es - es war die Mutter -, „es ist drei Viertel sieben. Wolltest du nicht wegfahren?“ (Kafka, Die Verwandlung : 22) L’effacement énonciatif est double : l’identité de l’énonciateur cité est tue et, dans un même mouvement, la présence de l’énonciateur rapporteur est réduite. Dans le cadre de la fiction narrative, cela augmente l’illusion de fidélité du discours direct en créant une focalisation interne.

seule langue romane à employer le verbe [faire] comme verbe introducteur : cet usage se rencontre en italien, catalan, portugais, provencal, roumain, et seul l’espagnol fait exception.

(106) « Si ce n’est pas pitoyable ! » fit le socialiste, en haussant de dégoût les épaules. (Flaubert,

L’éducation sentimentale : 139)

Faire ne peut pas introduire de DI. Selon l’analyse de Sabban (1978 : 38), l’absence de trait d’émission en est la cause. Le DD, à la différence du DI, contient des indicateurs de discours qui rendent non nécessaire la présence d’un trait émissif et son introduction par faire

possible. Ces indicateurs sont d’après Sabban phonologiques, syntaxiques et graphiques ; nous ajoutons à cette liste d’indicateurs facultatifs un indicateur fondamental, à savoir la disjonction énonciative, absente par définition du mode indirect.

Concernant la différence distributionnelle avec dire, nous reprenons l’observation formulée par Gather. Ce verbe connaît non pas des restrictions d’emploi, mais des préférences. Faire

s’emploie de manière privilégiée avec des DD et en incise ou postposition ; les énoncés sont surtout des interjections, des vocatifs, des exclamatives, des phrases incomplètes, des énoncés marqués affectivement. Concernant le genre de discours, Gülich (1978 : 90) relève qu’il n’apparaît pas dans les textes de presse, mais seulement dans les textes littéraires.

Machen attire également l’attention sur l’acte de discours, mais à la différence de faire ne se rencontre dans un usage standard que s’il introduit des onomatopées ou des interjections (Michel 1966 : 219 ; Sabban 1978 : 37), comme dans les exemples suivants :

(107) „Hm“, machte er, wandte sich grußlos ab und verschwand im Kassenraum (Arjouni, Ein Freund : 10) (108) „Scht! Scht!“, machten die andern Dirnen. (Storm, Der Schimmelreiter : 131)

Dans la terminologie d’Austin (voir 1.4.3.2), faire, peut introduire aussi bien des actes phonétiques que des actes phatiques, tandis que machen n’introduit que des actes phonétiques. La comparaison entre faire et machen révèle que machen est d’un emploi beaucoup plus limité que faire, ce dernier apparaissant alors comme une « romanische Eigentümlichkeit » (Maingueneau 2000 : 112 ; voir aussi Gülich 1978 : 89).

En plus de ces quatre verbes introducteurs primaires que sont sagen, dire, faire, machen, il existe dans un registre archaïque les verbes sprechen et parler. Employés dans des textes non archaïques, ils revêtent alors une connotation solennelle (exemples suivants de Der Schimmelreiter et de Buddenbrooks), éventuellement accompagnée d’une nuance d’ironie

(exemple suivant tiré de Die Klavierspielerin), et comportent dans ces cas une marque d’interprétation et d’appréciation de la part de l’énonciateur rapporteur qui n’en font plus des introducteurs primaires.

(109) Als er nach Hause kam, ergriff Elke seine Hand :

„Was hast du, Hauke?“ sprach sie, als sie in sein düstres Antlitz sah; „es ist doch kein neues Unheil ? [...]“ (Storm, Der Schimmelreiter : 128)

(110) Mit einem letzten, sehr langen Schritte trat er heran, indem er mit dem Oberkörper einen Halbkreis beschrieb und sich auf diese Weise vor Allen verbeugte.

„Ich störe, ich trete in einen Familienkreis“, sprach er mit weicher Stimme und feiner Zurückhaltung. „Man hat gute Bücher zur Hand genommen, man plaudert... Ich muß um Verzeihung bitten!“ (Mann,

Buddenbrooks : 93)

(111) Ich habe das Gefühl, daß Sie Ihren Körper verachten, nur die Kunst gelten lassen, Frau Professor.

Spricht Klemmer. (Jelinek, Die Klavierspielerin : 69)

Outre les verbes neutres d’émission et de perception qui introduisent le discours sans le caractériser, l’allemand dispose des verbes lauten et heißen, appelés par Marschall (2001 : 599) « verbes d’identification ». Ni émissifs ni perceptifs, ils spécifient le « libellé de la matière langagière » du discours (Angabe des Wortlauts , Marschall 2001 : 599). Lauten

désigne le libellé d’un texte, produit d’une énonciation. Il implique nécessairement le

Wortlaut exact. Heißen désigne le libellé d’une énonciation, sans nécessairement le faire de manière littérale (Marschall 1995 : 362). Pragmatiquement, l’emploi de heißen, accompagné du sujet impersonnel es, marque un effacement énonciatif de l’énonciateur rapporteur. Es heißt est une introduction qui permet de ne pas nommer la source et de ne pas caractériser la valeur communicative (In dem Vertrag heißt es ausdrücklich, dass ... ; Damals hieß es, der Krieg würde nicht lange dauern). L’énonciateur rapporteur semble s’effacer derrière le discours qu’il cite, en DD comme en DI. Les intentions de l’énonciateur rapporteur, fictives comme réelles, varient selon les situations de discours (neutralité, absence de répétition de l’identité de l’énonciateur second, ignorance de son identité, …).

Bilan des verbes primaires

Trait d’émission ou de perception Introduit un contenu non propositionnel Introduit un contenu propositionnel Introduit un DI sagen + + + + lauten + + + heißen + + + sprechen + + machen + dire + + + + faire + + + parler + +

3.3 L’introducteur averbal so