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Les introducteurs de cadre de discours Selon dans le cadre d’un emprunt

Section III : Analyse traductologique

7 L’inscription des énonciateurs dans le discours introducteur

7.2.3.2 Les introducteurs de cadre de discours Selon dans le cadre d’un emprunt

Deux cas nous amènent d’abord à reprendre notre analyse précédente (7.2.3.1). Selon est employé pour marquer une modalisation en discours second dans les textes suivants, alors que nous avions avancé qu’il était globalement inadéquat pour cette fonction d’emprunt :

(178) In Bombay, seit Indiens wirtschaftlicher Öffnung „der teuerste Slum der Welt“ (so der Kolumnist Sudhir Mulji), riechen Taxis am Morgen verläßlich nach Schlaf, ihre Fahrer können sich einen stundenlangen Heimweg nicht leisten. (Martin und Schumann, Die Globalisierungsfalle : 45)

A Bombay, devenue depuis l’ouverture économique de l’Inde « le bidonville le plus cher du monde » (selon l’éditorialiste Sudhir Mulji), les taxis, le matin, sentent encore la nuit de sommeil : leurs conducteurs ne peuvent pas se permettre de rouler plusieurs heures pour rentrer chez eux. (Mannoni : 42)

(179) Augustin [...] warf schließlich die Frage auf, über welche Mittel er verfüge, um sich dem Menschen, den er liebe, vielleicht doch irgendwann zu nähern. Da gebe es einmal, Grace zufolge, sein erfrischendes Äußeres, ferner die Unbescholtenheit seines Wesens - so Demetrio - und vor allem das sichere Gefühl, am ehesten durch Zurückhaltung eine Frau zu gewinnen. (Kirchhoff, Infanta : 357) Augustin [...] pour finir soulevait la question des atouts dont il disposait pour approcher peut-être un jour, tout de même, la personne qu’il aimait. Il y avait d’abord ce que Grace avait appelé son physique rafraîchissant, ensuite (selon Demetrio) l’intégrité de son caractère, et surtout cette conviction qu’il avait que la plus sûre manière de plaire à une femme était la retenue. (Lortholary : 361)

Selon peut être employé, car il n’y a pas d’ambiguïté sur la portée de ce terme. Il se limite au terme emprunté et ne s’étend pas à l’énoncé entier. La raison en est que selon accompagne un terme qui figure dans une proposition appositive (exemple 178) ou dans une énumération (exemple 179).

Le texte cible comporte une variation se situant au niveau de la modalisation. Selon porte sur une prédication, et son emploi, qui s’accompagne d’une distanciation de la part de l’énonciateur citant, peut être paraphrasé de la façon suivante : « Muljii désigne Bombay par le terme de x, mais on pourrait employer un autre terme ; Demetrio qualifie Augustin de x, mais on pourrait le qualifier autrement. » Selon N, en exposant un point de vue dont l’énonciateur citant se distancie, prépare le terrain à une proposition contradictoire.

Dans l’hypothèse où l’invariance de neutralité de l’auteur doit être conservée, cette variation est un ajout dans le texte non-fictionnel (exemple 178) qui rend selon inadéquat et une traduction par selon les termes de préférable.

A Bombay, devenue depuis l’ouverture économique de l’Inde « le bidonville le plus cher du monde » (selon les termes de l’éditorialiste Sudhir Mulji), les taxis, le matin, sentent encore la nuit de sommeil : leurs conducteurs ne peuvent pas se permettre de rouler plusieurs heures pour rentrer chez eux.

En revanche, dans le texte littéraire (exemple 179), selon explicite une modalisation du texte source. En effet, l’emploi de so N est accompagné d’une légère distanciation de la part du narrateur (attitude que se refuse d’adopter l’auteur de l’essai), suggérée par la mise en incise de so N. Selon ajoute certes dans ce contexte un élément, mais cet ajout s’intègre dans le texte.

Selon et le genre de discours

Selon est l’équivalent le plus fréquent de so et il est employé dans les textes aussi bien fictionnels que non fictionnels. D’après est employé deux fois, également dans chaque type de discours. La seule occurrence de pour est attestée dans un texte de presse.

L’emploi des introducteurs de cadre de discours implique, dans un usage standard de la langue, l’absence de report en mode direct. Les textes fictionnels se conforment tous à cet usage :

(180) Mein Architekturstudent hatte mich eines Tages, wahrscheinlich, weil er den Zeitpunkt dazu für geeignet hielt, auf das Folgende aufmerksam gemacht: er zeigte mir vom Fenster aus mehrere frische und weniger frische einfache Erdhügel auf der rückwärtigen Seite des Friedhofs. Ein Schneetreiben hatte für diese Szene, wie er vielleicht geglaubt hatte, den richtigen Hintergrund abgegeben. Diese Erdhügel, so mein Architekturstudent, seien die Gräber jener, die in der letzten Zeit im Hotel Vötterl gestorben seien, elf oder zwölf Erdhügel hatte ich festgestellt, aber wahrscheinlich waren noch mehrere von der Kirchenmauer verdeckt. (Bernhard, Der Atem : 133)

Un jour, mon étudiant en architecture, vraisemblablement parce qu’il jugeait le moment opportun pour le faire, avait attiré mon attention sur ce qui suit : de la fenêtre, il me montra plusieurs tertres récents et moins récents, simplement édifiés, du côté du fond du cimetière. Une tempête de neige avait fourni le bon arrière-plan à cette scène, comme il avait peut-être cru. Ces tertres, selon mon étudiant en architecture, étaient les tombes de ceux qui étaient morts ces derniers temps à l’hôtel Vötterl, j’avais repéré onze à douze tertres mais vraisemblablement il y en avait encore plusieurs masqués par le mur du cimetière. (Kohn : 288)

Les textes non-fictionnels, en revanche, se caractérisent par un chevauchement des modes de représentation de discours. L’énoncé suivant débute par un discours simple, modalisé par « selon », puis se poursuit sur le mode du DD.

(181) Des militaires échappant au contrôle de Pékin, avec la bénédiction des autorités portuaires et douanières, auraient saisi l’Alicia Star pour écouler les cigarettes en contrebande sur le sol chinois.

Selon un responsable de l’Institut malaisien des affaires maritimes, cette affaire est « le symptôme d’un problème plus large en Chine : la perte d’autorité du centre sur la périphérie(5) ».

(5) « China in transition », Hongkong (Far Eastern Economic Review Publication) 1994, S. 186. (Le Monde diplomatique, 2000-06 : 6)

Militärs, die sich der Kontrolle Pekings entziehen, sollen mit dem Segen der Hafen- und Zollverwaltung die „Alicia Star“ abgefangen haben, um die Zigaretten als Schmuggelware auf dem chinesischen Festland in Umlauf zu bringen. Diese Affäre, so ein Vertreter des malaysischen Instituts für Seeangelegenheiten, ist „Symptom eines größeren Problems in China: der Autoritätsverlust der Zentralgewalt gegenüber der Peripherie“.(5)

(5) China in transition, Far Eastern Economic Review Publication, Hongkong, 1994, p. 186. (taz, dans

Le Monde diplomatique, 2000-06 : 6)

Toutefois, si le DD contient des déictiques pouvant renvoyer à l’énonciateur premier (notamment un pronom de 1ère personne du pluriel), selon est inadéquat, car l’orientation énonciative de « selon Brant » et « chez nous » est divergente :

(182) „Das ist de facto ein Bürgerkrieg der Leute, die das Geld und die Macht haben, sich zu schützen“, meint Vinicius Caldeira Brant, Soziologe beim brasilianischen Zentrum für Analyse und Planung Cebrap. „In Europa“, so Brant, der selbst wiederholt Opfer der bis 1985 herrschenden Militärs wurde, „leben die Gewalttäter hinter den Mauern, bei uns sind es die Wohlhabenden.“ (Martin und Schumann, Die Globalisierungsfalle : 237)

« Il s’agit de facto d’une guerre civile menée par les gens qui ont suffisamment d’argent et de pouvoir pour se protéger », estime Vinicius Caldeira Brant, sociologue au Cebrap, le centre d’analyse et de planification brésilien. « En Europe, dit Brant, qui a lui-même été victime à plusieurs reprises des militaires au pouvoir jusqu'en 1985, ce sont les criminels qui vivent derrière des murs ; chez nous, ce sont les riches. » (Mannoni : 225)

* « En Europe, selon Brant, qui a lui-même été victime à plusieurs reprises des militaires au pouvoir jusqu’en 1985, ce sont les criminels qui vivent derrière des murs ; chez nous, ce sont les riches. »

L’impossibilité de choisir un introducteur de cadre de discours explique dans le cas précédent l’emploi d’un verbe introducteur. Si la traduction employait « selon Brant », « chez nous » serait lu comme du discours premier, incluant donc l’énonciateur du texte. De plus, lorsque le propos a une portée générale, selon peut ne pas convenir. Dans l’exemple suivant, selon ne pourrait pas être employé dans le texte cible, car il serait incongru de présenter la loi comme l’émanation du point de vue d’une personne.

(183) Innerhalb der Ghetto-Mauern dürfen die Wachleute auf jeden Fremden schießen, auch wenn er niemanden bedroht und nicht bewaffnet ist. „Wer einen Eindringling auf seinem Privatbesitz erschießt“, so Sandorf, „ist in Brasilien immer im Recht.“ (Martin und Schumann, Die Globalisierungsfalle : 237)

Dans l’enceinte du ghetto, les gardiens sont autorisés à tirer sur n’importe quel étranger, même s’il ne menace personne, même s’il n est pas armé. « Au Brésil, lorsqu’on abat un intrus sur son terrain privé, on est toujours dans son droit », explique Sandorf. (Mannoni : 224-225)

* Dans l’enceinte du ghetto, les gardiens sont autorisés à tirer sur n’importe quel étranger, même s’il ne menace personne, même s’il n est pas armé. « Au Brésil, lorsqu’on abat un intrus sur son terrain privé, on est toujours dans son droit », selon Sandorf.

Il faut vérifier, dans la partie suivante, si le choix de verbes introducteurs pour traduire so

s’explique par l’impossibilité de choisir un introducteur de cadre de discours.