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Section II : Analyse contrastive

5 Les discours indirects

5.1 Les discours indirects introduits

5.2.3 L’interprétation des discours

Dans cette partie, la comparaison portera sur les éléments internes à l’erlebte Rede et au discours indirect libre. Nous avons posé la question d’une différence dans le degré d’interprétation qu’exige chacun des discours, indépendamment de l’intégration textuelle et des marques de clôtures.

En allemand comme en français, le DIL est le genre dont la valeur discursive est la plus sensible au cotexte et la plus fuyante. Le DIL peut conduire à une certaine distanciation, voire une ironie, vis-à-vis du discours cité. En effet, l’énonciateur premier rapporte un discours tout en se plaçant à l’intérieur de celui-ci, et peut suggérer que le discours cité se prête à une double lecture : celle que souhaiterait l’énonciateur second, celle que suggère l’énonciateur premier. Dans d’autres cas, le discours indirect libre entretient la confusion entre l’énonciateur cité et citant. Genette différencie ainsi le discours indirect, qui ne donne « aucun sentiment de fidélité littérale aux paroles « réellement » prononcées » et le DIL en

prenant l’exemple de l’emploi qu’a fait Flaubert du DIL :

[…] l’on sait l’extraordinaire parti que Flaubert a tiré de cette ambiguïté, qui lui permet de faire parler à son propre discours, sans tout à fait le compromettre ni tout à fait l’innocenter, cet idiome à la fois écœurant et fascinant qu’est le langage de l’autre. (1972 : 192)

De manière générale, le DIL peut faire oublier son statut de DR et est dans certains contextes à manier avec prudence, en particulier lorsque les temps des verbes du DIL sont identiques à ceux du discours cadre, car le discours rapporté semble bénéficier de la même force assertive que celui-ci. Le discours du Président du Bundestag Philipp Jenninger, prononcé le 10.11.1988 à l’occasion de la commémoration de la Nuit de cristal151, dont nous citons quelques extraits, en a fourni un exemple malheureux :

(144) […] Hitlers Erfolge diskreditierten nachträglich vor allem das parlamentarisch verfaßte, freiheitliche System, die Demokratie von Weimar selbst. Da stellte sich für viele Deutsche nicht einmal mehr die Frage, welches System vorzuziehen sei. Man genoß vielleicht in einzelnen Lebensbereichen weniger individuelle Freiheiten; aber es ging einem persönlich doch besser als zuvor, und das Reich war doch unzweifelbar wieder groß, ja größer und mächtiger als zuvor. - Hatten nicht erst die Führer Großbritanniens, Frankreichs und Italiens Hitler in München ihre Aufwartung gemacht und ihm zu einem weiteren dieser nicht für möglich gehaltenen Erfolge verholfen?

Und was die Juden anging: hatten sie sich nicht in der Vergangenheit doch eine Rolle angemaßt, die ihnen nicht zukam? Mußten sie nicht endlich einmal Einschränkungen in Kauf nehmen? Hatten sie es nicht vielleicht sogar verdient, in ihre Schranken gewiesen zu werden? Und vor allem: entsprach die Propaganda - abgesehen von wilden, nicht ernst zu nehmenden Übertreibungen - nicht doch in wesentlichen Punkten eigenen Mutmaßungen und Überzeugungen? (discours de Jenninger, cité d’après Siever 2001 : 492-493)

Son intention était d’utiliser une forme de coénonciation pour faire participer le public aux pensées inavouables de la population allemande. L’introduction de son discours nous rappelle quelle était son intention :

(145) Die Opfer, die Juden überall auf der Welt, wissen nur zu genau, was der November 1938 für ihren künftigen Leidensweg zu bedeuten hatte. - Wissen wir es auch ? (discours de Jeninnger, cité d’après Siever 2001 : 488)

La forme de l’ER est une forme qui demande à l’oral une mise en scène de la part du locuteur et une coopération de la part du public. Jenninger semble avoir échoué à faire fonctionner son discours (Suzuki 2000 ; Siever 2001 : 236-237).

Au-delà de ce constat général, il nous faut examiner si erlebte Rede et discours indirect libre

se fondent de la même façon dans le discours premier et si, corollairement, leur visibilité est similaire. Pour répondre à cette question, nous procéderons à la comparaison des thèses

151 Le titre était « Die Gedenkveranstaltung des Deutschen Bundestages aus Anlaß der Pogrome des nationalsozialistischen Regimes gegen die jüdische Bevölkerung vor 50 Jahren ».

formulées sur ce point dès l’origine de la ‘découverte’ du DIL à la fin du 19ème siècle. Deux positions s’opposent :

- il existe un discours indirect interprétatif, indifféremment français ou allemand. Cette position est adoptée par Kalepky (1899) et Lerch (1914).

- malgré leurs similitudes, l’erlebte Rede et le discours indirect libre ne sont pas assimilables l’un à l’autre. C’est la position de Lips (1926), Günther (1928), Steinberg (1971), Kullmann (1992a, 1995a, 1995b) et Gehnen et Kleineidam (1988). Nous examinerons les apports respectifs de ces deux positions, ainsi que la position particulière adoptée par Bally (1912 et 1914).

La thèse de la similitude

Dans l’article de Kalepky (1899), la comparaison avec l’allemand est très marginale mais révèle néanmoins un postulat d’identité entre le discours indirect libre français et l’erlebte Rede. L’auto-traduction d’un énoncé de Germinal de Zola en un erlebte Rede sert son argumentation selon laquelle le discours indirect libre n’est pas une forme de discours indirect. S’il en était ainsi, la traduction allemande aurait employé le mode du discours indirect et donc traduit le discours indirect libre par un discours indirect au subjonctif, l’einführungslose indirekte Rede.

Lerch (1914) pousse la comparaison jusqu’à l’assimilation : l’auteur voit en français et en allemand deux discours rapportés similaires qu’il nomme « Imperfekt der Rede » et « Rede als Tatsache ». Lerch aborde ce procédé d’écriture sous l’angle de sa valeur esthétique et de ses effets stylistiques en précisant : « [dabei] will ich mich […] d e u t s c h e r Beispiele bedienen, weil stilistische Besonderheiten uns erfahrungsgemäß an unserer Muttersprache immer am leichtesten klar werden. » (1914 : 470). L’identité que Lerch pose n’est pas sans poser problèmes, car elle repose partiellement sur des critères empruntés uniquement au français, plus exactement à certains emplois de l’imparfait, pris comme dénominateur commun. Selon Lerch, le DIL - et avec lui l’ER - s’inscrit sur le même plan que les imparfaits de descriptions, qui désignent des « Tatsachen, die die Handlung der Erzählung nicht weiterführen » (1914 : 472) et s’opposent aux passés simples de progression de l’action, plan dans lequel s’inscrivent les verbes introducteurs des discours indirects régis. La similitude repose selon Kalepky et Lerch sur la transposition temporelle et sur le caractère non introduit et interprétatif. Ceci les amène à exclure toute idée d’une

correspondance, même partielle, avec l’einführungslose indirekte Rede (à laquelle Bally (1912, cité par Lerch 1914 : 470) a pourtant rendu attentif).

La position de Bally

Bally occupe une place particulière dans ce groupe, puisqu’il a formulé deux thèses différentes (1912 et 1914), ce qui est quelquefois interprété comme une contradiction (Bakhtine 1977 : 201 ; Gelzer 2006 : 133). Après avoir, en 1912, souligné les convergences entre le DIL et l’EIR et décrit le DIL comme une des traductions possibles de l’EIR (1912 : 552), Bally fait un autre rapprochement en 1914. Il remarque en allemand l’existence d’une « forme de syntaxe analogue à notre style indirect libre » au mode indicatif (1914 : 469) et cite des exemples d’erlebte Rede. Constatant que ce style fait s’entrecroiser le discours du narrateur et la reproduction des paroles et pensées de personnage, Bally conclut que l’ER peut être employé pour traduire le DIL. A y regarder de plus près, il apparaît toutefois qu’opposer les deux propositions de Bally fait abstraction de ses démarches réelles et que le deuxième article n’est pas de la part de Bally un correctif du premier.

En 1912, la présentation des points communs entre l’EIR et le DIL est un outil heuristique utilisé pour la description du DIL. Il ne faut pas oublier que, de plus, l’analogie qu’il décrit ne repose que sur certains traits de l’EIR que sont « l’aisance » (1912 : 550), « la liberté » (1912 : 551), la conservation de « toutes les nuances et tous les mouvements de l’expression directe » (1912 : 550) d’une part, et « l’illusion du discours direct » (1912 : 552) d’autre part. Un élément permet d’expliquer pourquoi Bally privilégie la comparaison avec l’EIR : voulant décrire un procédé de style encore ignoré des grammaires (1912 : 551), il est probable que l’auteur ait préféré s’appuyer sur une comparaison avec un genre connu (1912 : 550) comme l’est l’EIR plutôt qu’avec l’ER, genre aussi méconnu que l’était à l’époque le DIL.

En 1914, le rapprochement que fait Bally entre le DIL et l’ER fait suite à une critique de Kalepky (1913), qui avait tenté d’invalider les analyses de Bally. Kalepky, supposant à tort que Bally définissait le DIL comme un avatar du discours indirect régi, affirme que le passage en question n’est pas un discours indirect comme le prétend Bally, puisqu’une traduction allemande emploierait des verbes à l’indicatif et non pas au Konjunktiv. Dans sa réplique, Bally se défend de voir dans le DIL un type particulier de discours indirect régi mais constate également qu’il existe en allemand un discours indirect non introduit à l’indicatif analogue au DIL français, soit l’ER.

partielles qui se complètent. Bally n’a pas fait la synthèse de la comparaison des discours indirects non introduits du français et de l’allemand, ce qui nourrit le malentendu. Ses analyses, finalement, reflètent l’asymétrie des systèmes indirects de l’allemand et du français.

La thèse de l’asymétrie

Les éléments convoqués pour cette thèse sont de deux ordres : ils proviennent soit de l’intégration d’un troisième terme dans la comparaison, l’einführungslose indirekte Rede, soit reposent sur les valeurs du Präteritum et de l’imparfait.

La question de l’einführungslose indirekte Rede

Kullmann (1992a, 1995a, 1995b) propose de considérer l’EIR, l’ER et le DIL comme des genres occupant une place similaire dans leur langue respective. Le français marque au travers de la concordance des temps la subordination, pour le DI comme pour le DIL. L’allemand n’applique pas la concordance des temps152 mais marque la subordination par le mode. Ainsi, l’EIR et le DIL appliquent chacun les marques de subordination syntaxique de leur mode indirect et sont donc identiques dans leur système respectif. L’argument qui rapproche l’EIR et le DIL est effectivement valide, mais il implique pour nous de remettre en cause la parenté du DIL et de l’ER.

Präteritum et imparfait

M. Lips (1926)153 et W. Günther (1928) ont proposé des éléments venant nuancer l’idée selon laquelle l’erlebte Rede serait le reflet allemand du discours indirect libre en s’appuyant sur les valeurs des temps.

Il existe, selon Lips, deux styles indirect libres en allemand, l’un au Konjunktiv, l’autre à l’Indikativ, et en français un seul style indirect libre. Lips avance que le style indirect libre

français est plus proche du style indirect allemand au Konjunktiv (1926 : 202). Lips s’appuie sur deux faits concernant les temps et les modes : 1) l’absence d’une opposition passé

152 Elle n’est que facultative, comme l’illustre l’exemple suivant : « Warum ich nicht fragte, ob Hanna noch lebt, weiß ich nicht [...]. » (Frisch, Homo Faber : 29).

153 L’ouvrage de Lips (1926), consacré au discours rapporté et plus particulièrement au style indirect libre, a une vue contrastive en filigrane : le DIL est décrit comme un « procédé de reproduction […] d’un usage courant dans les langues modernes de l’Europe et, par suite, d’une portée interlinguistique » (1926 : 50). La dernière partie de son ouvrage a ainsi pour vocation de démontrer que le style indirect libre « n’existe pas exclusivement en français » (1926 : 196).

simple/imparfait en allemand 2) l’absence en français d’un mode de discours rapporté comme l’est le Konjunktiv.

1) tandis que le DIL français, à l’imparfait, ne peut être rapproché du récit, partiellement au passé simple (1926 : 204), l’ER au prétérit est proche du récit.

2) le DIL français à l’imparfait est proche du DI français, dans lequel le discours rapporté est transposé à l’imparfait. L’ER allemand au Prétérit n’est pas proche du DI, car ce dernier se construit avec le Konjunktiv.

En somme, selon l’auteur, il y a en allemand un « rapprochement […] fait spontanément » (1926 : 204) entre l’erlebte Rede au prétérit et le discours produit. En français, il y a en comparaison une plus grande proximité entre le DIL et le DI qui donne au DIL une meilleure visibilité.

Le premier argument de Lips ne repose pas véritablement sur la valeur des temps, mais sur l’intégration dans le contexte. Le deuxième argument, en revanche, souligne quelle est la singularité de l’erlebte Rede dans le système des temps et des modes. Cet argument est également celui que développe Günther.

W. Günther se fonde sur la valeur de l’imparfait et du Präteritum. Il rappelle que le

Präteritum connaît les emplois combinés de l’imparfait et du passé simple, à savoir celui de décrire et celui de faire progresser. Une des conséquences (1928 : 115ss) est que l’emploi du

Präteritum dans les propositions principales pour exprimer un fait irréel est moins habituel que celui de l’imparfait irréel154 (Günther s’inspire ici des analyses de Vossler) :

(146) Er s t i e g zum Orkus, wenn sie ihn nicht hielt (Kleist, Penthesilea, I, cité par Günther 1928 : 115) (147) Sans la barrette de cuir, il a v a i t le crâne fendu. (Zola, Germinal, cité par Günther 1928 : 115)

L’autre conséquence, appliquée au discours rapporté non introduit, est la différence suivante :

Der Indikativ der erlebten Rede ist bedeutungsschwer, weil in ihm zwei Elemente (Bericht und Aussage) tätig sind. Die verschiedene Natur des deutschen Imperfekts gibt der deutschen erlebten Rede auch eine festere, strengere, literarischere Physiognomie als sie der romanischen eignet. (1928 : 115-116)

Le Präteritum est plus apte à inscrire des événements dans la chaîne narrative et moins apte que le temps français à représenter des discours. Par conséquent, l’auteur affirme que « die romanische erlebte Rede fließt eben leichter aus der Feder als die deutsche » (1928 : 117) et formule l’hypothèse que le DIL serait plus proche de l’EIR que de l’ER.

Les intuitions de Lips et Günther ont touché des points importants qui amènent à reconsidérer la similitude entre le DIL et l’ER à partir d’éléments autres que contextuels :

- D’une part, l’élucidation d’un DIL français passe par la reconnaissance d’une transposition des temps qui est propre au mode indirect puisqu’elle est présente dans le discours indirect régi et le discours indirect libre. L’élucidation d’un ER - dans un contexte passé - n’est pas la même puisque l’ER repose sur une transposition des temps, mécanisme unique dans le mode indirect allemand. L’erlebte Rede occupe une place marginale dans le système du discours indirect allemand et demande par conséquent un effort d’interprétation plus important que ne le demande le DIL en français.

- D’autre part, l’imparfait est un temps aspectuellement imperfectif et qui, en opposition au passé simple, a une valeur compatible avec le DIL. Par conséquent, l’élucidation d’un énoncé à l’imparfait comme étant l’attribution d’un discours et non pas d’un prédicat, est, en comparaison avec l’allemand et le Präteritum, plus aisée. - De plus, lorsque le cotexte amont contient un einführungslose indirekte Rede, cette

forme affaiblit par contraste la visibilité de l’erlebte Rede.

Les caractéristiques du discours rapporté allemand font que l’erlebte Rede est moins aisément reconnaissable que le DIL. Par conséquent, l’ER s’est développé sur le plan discursif comme un procédé relevant d’un registre plus soigné que ne l’est le DIL en français et l’EIR en allemand (Kullmann 1992a : 330). L’ensemble de ces éléments nous invite à remettre partiellement en question la correspondance entre l’ER et le DIL au profit de celle entre l’EIR et le DIL.

5.3 L’einführungslose indirekte Rede

L’einführungslose indirekte Rede est un genre qui marque clairement la présence d’un rapporteur tout en donnant l’illusion d’une certaine fidélité à un discours originel ou supposé tel, notamment grâce à la linéarisation d’une indépendante, comme relevé par Marschall

(2001 : 484). Cette impression d’authenticité est renforcée par le fait que le DI non introduit peut comporter des particules, des exclamations, des modalisateurs, autant de marques de subjectivité qui ne s’accordent généralement pas avec le DI régi.

L’einführungslose indirekte Rede est un type de discours rapporté dont certains traits ne sont pas présents en français155. Dans le tableau ci-dessous, nous faisons correspondre aux différents traits de l’EIR les types de discours rapporté qui contiennent ces traits.

Correspondance des caractéristiques de l’EIR avec les types français

Traits caractérisant l’einführungslose indirekte Rede Genres français contenant les traits Cadre énonciatif déictique hybride : temps verbal et personne de

l’énonciateur rapporteur ; temps et lieu adverbiaux généralement de l’énonciateur cité

DIL

Subjectivité (exclamation, modalisation, appréciation, idiolecte, etc.) et marques de l’énonciation en tant que telle (répétition, interruption, etc.) de l’énonciateur cité

DIL DD Absence d’introduction DIL

DD libre

Paroles proférées156 -

Marquage évidentiel et de subordination avec le Konjunktiv I -

Certaines occurrences pourraient néanmoins contredire l’idée selon laquelle la configuration que réalise l’EIR n’est pas présente en français. Nous n’en avons rencontré que deux, la première d’entre elles étant citée par M. Lips, la deuxième étant extraite d’un essai du 19ème siècle. Pour Lips, l’occurrence suivante est analogue à l’EIR :

(148) Le jeune homme […] opposa une imperturbable ignorance aux questions insidieuses de Martold. Le comte Mancelli se trouvait sur le littoral ? Il n’en avait pas entendu parler. D’ailleurs, il ne l’avait pas vu depuis plus de six mois… S’il connaissait la jeune comtesse ? Aucunement. Sa mère et lui avaient reçu un faire part du mariage comme toutes les relations du comte. (Delly, Le Secret du Kou-Kou-noor, cité par Lips 1926 : 77)

M. Lips y voit un « cas curieux » d’une forme intermédiaire entre le style indirect libre et le discours indirect (1926 : 77) : « phrase indépendante », ayant l’intonation de celle-ci, elle est en outre introduite par une conjonction de subordination et marquée par la transposition des temps. Sans explicitement indiquer qu’il s’agirait d’un EIR français, l’auteur suggère le parallèle entre la forme allemande de l’EIR et cette forme française. En d’autres termes, l’énoncé français serait construit sur le schéma de l’EIR « Ob er die junge Comtesse

155 Selon Steinberg (1971 : 133), une construction similaire à l’EIR s’observe en latin et en romanche.

156 Günther (1928 : 119) signale toutefois le cas de Gotthelf qui emploie l’EIR pour relater des pensées. Il est permis de penser que l’emploi de Gotthelf pour des discours pensées est influencé par l’emploi dialectal du

kenne ? ». Selon nous, l’énoncé est un DIL. « S’il connaissait la jeune comtesse ? » est un écho prononcé par le personnage aux questions formulées par son interlocuteur, représenté au mode indirect par le narrateur. Dans l’énoncé au DIL, si est la reproduction d’un item supposé issu du mode direct. Le dialogue au mode direct, celui du deuxième plan d’énonciation, serait :

- Le comte Mancelli se trouve maintenant sur le littoral, n’est-ce pas ?

- Le comte Mancelli se trouve sur le littoral ? Je n’en ai pas entendu parler. D’ailleurs, je ne l’ai pas vu depuis plus de six mois.

- Et la jeune comtesse, la connais-tu ?

- Si je connais la jeune comtesse ? Aucunement. Ma mère et moi avons reçu un faire part du mariage comme toutes les relations du comte.

Au niveau du deuxième plan d’énonciation, le personnage emploie un DI elliptique : « Si je connais la jeune comtesse » qui se comprend comme la variante avec ellipse du verbe introducteur de l’énoncé suivant : « Tu me demandes si je connais la jeune comtesse ? ». La conjonction si est une conjonction employée au deuxième niveau d’énonciation et n’est pas une marque de subordination de discours rapporté au premier niveau d’énonciation.

La deuxième occurrence appelle une autre analyse :

(149) Et puis on nous a fait de la formation politique : que les bouddhistes sont les ennemis de notre race depuis deux mille ans ... que les Tamouls, donc les hindouistes, ont droit à l’autodétermination ...

qu’il est juste de mourir pour cela ... que c’est un moyen, aussi, d’aller plus vite au ciel, en raccourcissant la chaîne des réincarnations - short cut to Nirvana ! une offrande qui permet de renaître dans le corps d’une femme de haute caste ! ... J’ai cru tout cela. On me le répétait tellement que j’ai fini par le croire. (Lévy, Les Damnés de la guerre : 46)

Dans ce texte, le DI (de « que les bouddhistes » à « la chaîne des réincarnations ») est